Wu Cangping : Une société vieillissante n'est pas à craindre
2012-12-25 15:36:56
NSSC
    Interviewé: Wu Cangping
    Intervieweur: Zhong Yijian,journaliste de l'Académie des Sciences sociales de Chine

    Note du rédacteur : 
    Récemment, Wu Cangping, professeur à l’Université de Renmin s’est vu décerner  « le prix Wu Yuzhang » pour l’ensemble de ses réalisations accomplies dans les sciences humaines et sociales. Monsieur Wu est l’initiateur de la « science démographique » chinoise et le fondateur de la gérontologie. Avec notre journaliste, Monsieur Wu a partagé ses idées sur les sciences sociales. « Nous n’avons pas de bonnes raisons pour dire que l’économie d’un pays quelconque est freinée par le vieillissement de la population», nous a fait remarquer Monsieur Wu. A son avis, la crise financière résulte des problèmes financiers plutôt que du vieillissement.

    Les exploits des sciences sociales  doivent se mettre à l’épreuve du temps
 
Journaliste : Lors de la cérémonie de remise de prix, vous avez dit que « Les sciences humaines et sociales ont une portée générale et revêtent une couleur stratégique ; ainsi sont-elles nécessaires pour la bonne administration et la stabilité durable du pays. Cet héritage culturel est censé être à l’épreuve du temps et de l’histoire. » Qu’est-ce que cela signifie ? Pourriez-vous nous l’expliciter ?

Wu Cangping : Mon discours a mis en lumière l’importance des sciences sociales, qui influent énormément sur l’économie nationale et le bien-être du peuple, en particulier dans la conjoncture complexe sociale et internationale.  Les sciences sociales étudient toute la société qui est un ensemble assez complexe. Les faits et les exploits que nous avons eus agiront probablement sur la Chine et le monde entier dans le futur. Toutes les problématiques des sciences sociales doivent être bien étudiées, argumentées et enfin, justifiées par la pratique accumulée à long terme. Les phénomènes qui font l’objet des sciences sociales changent si vite qu’il ne faut jamais tirer des conclusions hâtives. De toute façon, nous insistons sur la preuve. De plus, les sciences sociales doivent marcher avec le temps. La répétition comme un perroquet ne relève pas de la science. D’après moi, les idées des sciences sociales sont solidement implantées dans les réflexions et les études tandis que les recherches des sciences sociales comme étant bien étayées par les faits voient leur portée à long terme. Autrement dit, plutôt que de courir après l’intérêt à court terme, la science doit se mettre à l’épreuve du temps et de l’histoire. La Chine est entrée dans une phase de vieillissement démographique qui est marquée par le ralentissement de l’augmentation démographique et la baisse du taux de natalité. Certains en concluent que les Chinois seront exemptés du « dividende » démographique qui, d’après eux, réside dans la haute natalité. Ce n’est pas scientifique. 

    J’ai déjà prévu une accélération du vieillissement en Chine quand j’étudiais la « démographie ».  J’étudiais aussi la gérontologie, inconnue alors de la majorité des gens. Après la Réforme et l’Ouverture, j’ai souvent assisté aux colloques à l’étranger et j’ai trouvé que les experts étrangers traitaient déjà cette problématique qu’est la gérontologie. J’ai pris compte alors que la phase de vieillissement est incontournable pour la Chine. Depuis 1982, j’ai commencé à claironner la Première Conférence Internationale de Gérontologie Sociale. Pourtant, à cette époque-là, certains n’étaient pas du même avis que moi ; ils croyaient que parler du vieillissement ne s’accordait pas avec le planning familial qu’était la politique fondamentale d’Etat. Ainsi suis-je devenu le premier qui fait grand cas de la gérontologie.
 
    Selon moi, le vieillissement est une certitude dans l’évolution de l’humanité. Tous les pays dans le monde sont marqués plus ou moins par le vieillissement. Je prévois, jusqu’à la moitié du 21e siècle, les personnes âgées occuperont un tiers de la population dans les pays développés. La Chine, elle aussi, atteindra cette proportion dans un proche avenir. Le vieillissement n’a rien de redoutable. Nous devons  l’affronter avec optimisme.
 
    Le  « dividende » démographique doit tenir en compte la qualité de la population

Journaliste : La Commission nationale de gérontologie a déclaré, le 18 octobre, que la Chine comptera plus de 200 millions de personnes âgées en dessus de 60 ans en 2013 et que le troisième âge occupera un tiers de la population en 2050. A votre avis, quels problèmes provoqueront le vieillissement en Chine et comment nous y prendre ? Quels effets aura-il sur les plans politique, économique, social et culturel en  Chine, ce phénomène de vieillissement qu’on baptise « explosion de la chevelure grisonnante » ?

Wu Cangping : Avant-hier, j’ai participé à une conférence internationale sur la gérontologie. Selon les documents disponibles de cette conférence, on n’a pas de bonnes raisons pour dire que l’économie d’un pays quelconque est freinée par le vieillissement. Tous les pays affrontés à la crise financière ont des problèmes financiers et le vieillissement n’y est pour rien. A présent, les Chinois prennent la retraite entre 50 et 60 ans ; la population active chinoise oscille entre 800 millions et 900 millions. En d’autres termes, nous n’avons pas encore mis pleinement en valeur la main-d’œuvre chinoise, ce qui montre que ce n’est pas un problème pour notre pays. 

    Comment la Chine doit-elle s’y prendre pour faire face au vieillissement ? Premièrement, nous devons développer l’économie par l’accroissement de la productivité. Deuxièmement, nous sommes  tenus d’améliorer la « qualité de la population » avec l’augmentation du capital humain, l’amélioration de l’état de santé et de l’éducation. Du côté mathématique, certains se font des soucis pour la disparition du « dividende ». Néanmoins, je crois que le vrai « dividende » réside non seulement dans la quantité, mais aussi dans la qualité et l’équipement technique. La qualité de la population et les déplacements agissent certainement sur le « dividende » démographique. Pendant le Forum économique mondial de Davos, le Fond international des Nations Unies n’a pas manqué de mettre en lumière le prolongement de la durée de  travail et le « dividende » de longévité dû au prolongement d’espérance de vie. 

    Dans le contexte où le troisième âge s’élève à 200 millions de personnes, s’est réalisée en Chine une couverture quasiment totale de l’Assurance Vieillisse et de l’Assurance Maladie sur les urbains et les ruraux. C’est un grand progrès ! Pour faire face au vieillissement, premièrement, nous sommes obligés d’augmenter la productivité. Dans les pays développés, les gens prennent la retraite entre 60 et 65 ans ; ayant pris la retraite, ils peuvent voyager et jouissent des conditions plus favorisées que les Chinois. La Chine est un pays en développement, dans le cadre duquel la situation est différente, mais le minimum vital est garanti aux retraités. Tout compte fait, le gouvernement doit se réserver une certaine marge de manœuvre. Deuxièmement, il faut améliorer l’état de santé de toute la population afin de prolonger l’état d’indépendance des personne âgées. En Chine, je suis parmi les premiers à souligner un vieillissement « sain » tout en insistant sur l’amélioration de l’état de santé de toute la population. Quelques-uns disent que je suis un exemple parlant. J’ai 91 ans cette année alors que mes aptitudes physiques, cognitives et ma mémoire ne sont pas  très affaiblies par l’âge. Si nous attachons de l’importance au vieillissement « sain » dès maintenant, nous aurons certainement réussi à l’affronter en 2050 avec les compétences économiques et organisationnelles sociales de notre pays. 

    Les secteurs secondaires et tertiaires peuvent augmenter la valeur et les capacités de l’économie réelle

Journaliste : En janvier, les statistiques publiées par le Bureau national de statistique chinois signalent que la population urbaine dépasse la population rurale. A votre avis, quelle est l’origine de cet exode rural ? Quel rôle joueront ces changements dans le développement de notre pays ?

Wu Cangping : L’exode rural est essentiel pour le développement de notre pays. La transformation des ruraux en urbains est un événement du 20e siècle, qui a pu augmenter la productivité. En effet, la productivité agricole est beaucoup plus basse que celle dans l’industrie. Assimilée dans les secteurs secondaires et tertiaires, cette partie de la population agricole contribue à leur tour au développement de l’économie réelle. Ainsi, l’assistance portée au  troisième âge aura un soutien puissant.







Traduit par Zhu Anli
Edité par Lu Xue

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