Imaginer la Chine : une histoire concise des perceptions françaises de la Chine
2013-01-10 14:48:34
Croisements, 2011, No.1
Zhang Jinling (Institut des Etudes de l’Europe, Académie des Sciences sociales de Chine)

La Chine est plurielle.1 Cette dimension constitue aujourd’hui une perspective à travers laquelle on examine de nouveau ce pays. Ce n’est pas de cette perspective plurielle actuelle dont cette étude va rendre compte mais d’une perspective historique à travers laquelle seront analysés les discours français dominants concernant la Chine depuis la Renaissance. 

La prospérité des échanges culturels entre la France et la Chine remonte au XVIe siècle. Examiner les images de la Chine dans l’imaginaire culturel dominant des Français, quelles qu’elles soient, n’a pas pour but ’indiquer si elles sont vraies, ou fausses, ou de mettre en avant celles qui sont les plus favorables à la Chine, mais d’essayer, à travers cet imaginaire concernant l’identité culturelle chinoise, de comprendre le contexte social dans lequel naissent les discours concernant la Chine comme un « autre » culturel, et de dévoiler la fonction sociale de cet imaginaire par rapport à l’identité culturelle française. L’identité culturelle de la Chine en Occident est toujours « mouvante »; ce qui indique, d’une part, la difficulté de la connaître et, d’autre part, le changement des normes selon lesquelles les Occidentaux traitent la Chine. En tant qu’autre culturel, l’image de la Chine a toujours été une « production » pour les intérêts occidentaux, qui correspond à des faits mais qui n’est jamais réelle. 

L’imaginaire culturel est aussi un « fait social », pour reprendre les termes d’émile Durkheim. Le terme « imaginaire » ne signifie ici ni la fabrication ni la falsification, mais renvoie plutôt à la compréhension et à la perception. Il implique un univers mental constitué de représentations variées, et signifie donc un ensemble de représentations inconscientes qui se substituent à la réalité. L’utilisation de ce terme permet de représenter de manière vivante comment la compréhension et la perception culturelles restent toujours dans un état relativement éloigné de la « réalité ». Pour les Occidentaux, la Chine est un pays à la fois très connu et méconnu. 

La « Chine », pour beaucoup de Français, n’est pas seulement un pays pluriel, mais aussi un concept culturel multidimensionnel. En tant que phénomène social, les imaginaires culturels des Français n’ont eux-mêmes de sens ni « positif » ni « négatif », mais ils engendrent un certain nombre d’influences dont, par exemple, chacun peut en retirer quelque chose et nourrir la propre vision de la Chine qu’il a en tête, et la diplomatie entre la Chine et la France s’en servent. Le poète chinois Zhu Xiang disait : « une chose n’a de nature ni de bon ni de mauvais ; ce n’est qu’avec ses influences qu’on peut distinguer le bon et le mauvais».2 La signification socioculturelle de ces imaginaires vient ici de la manière dont ils sont considérés. 

1. « Métarécit » et classement d’époques 

Les images que les Français se sont faits de la Chine dans le passé ont considérablement variées. Cette étude se focalise sur les imaginaires culturels dominants concernant la Chine, tels qu’ils sont décrits dans des textes majeurs écrits par des Français, à des époques différentes. Elle s’attachera donc à souligner les influences structurelles sociales et culturelles dont ces imaginaires sont issus.3 L’évolution historique de ces imaginaires servira de base pour saisir le contexte actuel des perceptions de la Chine chez les Français aujourd’hui. 

D’après Jean-François Lyotard, le métarécit est un grand récit qui légitime le savoir et implique une philosophie de l’histoire.4 Le métarécit des Lumières légitime – par exemple, en construisant une grande série de thèmes tels que la rationalité, la liberté ou le progrès –, non seulement les règles du savoir, mais aussi l’institution du pouvoir. Dans une certaine mesure, le métarécit est un récit dominant qui fonctionne comme une structure de métadiscours sociaux, délimite le paradigme de cognition des scientifiques en sciences humaines, mais aussi celui des gens ordinaires par rapport à leur compréhension du monde dans leur vie quotidienne. 

Pour étudier le changement dans l’imaginaire des Français de la Chine, il faut évidemment saisir le changement des métarécits à des époques différentes en France. C’est pourquoi nous diviserons les grandes lignes de l’histoire de ces imaginaires, depuis la Renaissance, en quatre phases principales : l’époque de la Renaissance, l’époque des Lumières, l’époque de l’impérialisme occidental, l’époque contemporaine.5 C’est à la Renaissance que survient la première grande passion en France pour la Chine, lors des premières prises de contact entre les deux pays ; par la suite, les Lumières marquent une époque où la Chine est envisagée comme un « autre » dans la construction de l’identité culturelle française et européenne. à la fin de cette époque, le changement d’imaginaire lié à la Chine évolue négativement ; de l’époque de l’impérialisme occidental à la fin du XXe siècle, soit pendant une centaine d’années, la Chine fait l’objet en France de stéréotypes généralement négatifs. à partir de la fin du XXe siècle, la Chine connaît un nouveau changement dans l’imaginaire des Français ; elle devient plurielle et multidimensionnelle. Le classement par époques que nous venons d’énumérer peut paraître subjectif et trop simple, mais d’un point de vue méthodologique, il permet de démontrer la cohérence entre les changements d’imaginaires concernant la Chine et ceux des métarécits en France, voire en Occident, et de comprendre l’influence de ces derniers sur l’image de la Chine en France. 

2. Des rencontres introduisant liens et moyens 

Les premiers liens intimes entre la France et la Chine se sont noués au XVIe siècle, époque où Lyon était l’un des terminus de la Route de la Soie, grand axe commercial par lequel l’Asie et l’Europe échangèrent savoirs et marchandises.6 

         En effet, c’est grace à Marco Polo et à son Livre des Merveilles que la Chine se fit connaître à grande échelle pour la première fois par l’Occident au cours des XIIIe et XIVe siècles. Toutefois, c’est à l’époque des grandes découvertes géographiques aux XVe et XVIe siècles, autrement dit aux alentours de la Renaissance, que l’Europe prit vraiment conscience de l’existence de la Chine et de l’Orient. Au milieu du XVIe siècle, sous l’influence des missionnaires jésuites, la communication culturelle entre l’Orient et l’Occident devint fréquente et s’épanouit. D’une part, la Chine eut accès au savoir scientifique et culturel occidental ; d’autre part, la correspondance des missionnaires et la traduction d’ouvrages chinois introduisirent la culture chinoise dans la société européenne et les connaissances sur la Chine en Occident. 

        Pendant plusieurs siècles, les récits sur la Chine en Occident furent écrits par les élites occidentales, tels que les diplomates, missionnaires, marchands, avocats, érudits et écrivains, qui avaient effectué un séjour plus ou moins long en Chine et qui connaissaient assez bien la société chinoise. On peut citer par exemple les missionnaires français, également sinologues, tels que Joachin Bouvet (1655-1730), Claude de Visdelou (1656-1727), Joseph de Prémare (1666-1735), Jean Baptiste Régis (1663-1738), Antonius Goubil (1689-1759), Alexander de la Charme (1695-1767) ou Micheal Benoist (1715-1774).7 Les ouvrages traduits en français constituent une base des premières connaissances sur la Chine en France. Les Français possèdent une longue tradition de sinologie depuis la Renaissance, dont le développement historique a eu pour règle une diffusion croissante, plutôt qu’une plus grande sélectivité.8 Les démarches capitales dans l’érudition orientaliste furent d’abord réalisées soit en Angleterre, soit en France.9 Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, les sinologues français se distinguaient parmi les orientalistes. La France fut le premier pays européen à se doter d’institutions chargées d’étudier les « choses de la Chine » ; dès 1814, le gouvernement fonde une « chaire de langues et littératures chinoises et tartares-mandchoues » au Collège de France et, en 1843, fut décidée la creation d’une chaire de chinois moderne à l’école des langues orientales, avec pour objectif l’enseignement de la langue parlée et de la civilisation contemporaine.10 Nombreuses furent les oeuvres encyclopédiques sur la Chine publiées au XVIIIe siècle dont les Lettres édifiantes et curieuses, la Description géographique, historique, chronologique, politique, et physique de l’Empire de la Chine et de la Tartarie Chinoise, les Mémoires concernant l’Histoire, les Sciences, les Arts, les Moeurs, les Usages des Chinois par les Missionnaires de Pékin, l’Histoire de la grande dynastie des Thang (618-907), la Notice sur les Liao occidentaux, le Traité de la chronologie chinoise, l’histoire abrégée de l’astronomie chinoise, etc.11 Grace aux missionnaires chrétiens, la philosophie et l’esprit chinois furent diffusés en Europe, mais compte tenu des besoins de leurs missions, les Jésuites devaient sélectionner les classiques chinois qu’ils traduisaient. 

        C’est à travers les nombreux ouvrages de ces observateurs variés, que s’est construite une certaine image de la Chine en Occident. Celle-ci constitue aujourd’hui le « négatif » historique des imaginaires de la Chine parmi les Occidentaux. à l’époque, la Chine était, dans la culture occidentale, davantage un pays imaginé et inventé, caractérisé par son altérité, un espace « autre », qu’un pays réel géographiquement. L’Occident se regardait et s’identifiait dans le miroir de la Chine, qu’il avait construit lui-même. 

        Selon Said, chaque culture a besoin d’un adversaire, c’est-à-dire d’un « autre » pour se développer et se maintenir. Pour les Français et les Anglais, ce qu’on appelle l’Orientalisme est une manière d’entrer en contact avec l’Orient, fondée sur la place particulière que celui-ci tient dans l’expérience de l’Europe occidentale. De plus, l’Orient a permis de définir l’Europe (ou l’Occident) par contraste : son idée, son image, sa personnalité, son expérience... Rien de cet Orient n’est pourtant purement imaginaire.12 De ce point de vue, la nature de l’Orientalisme chez Said est justement l’idéologie à travers laquelle l’Occident regardait l’Orient depuis plusieurs siècles. Said, doutant de la vérité de la représentation de l’Orient en Occident, pense que l’Orient est associé aux désirs, idées, hégémonies et savoirs des orientalistes, et fut déformé par eux, entraînant une différence entre l’Orient véritable et celui représenté en Occident. Mais Said, dans son essai Orientalisme, a pour objet les discours occidentaux sur l’Orient, pas l’Orient lui-même. 

3. Images chinoises à l’époque de la Renaissance 

        La Renaissance est une époque de grandes découvertes géographiques qui dessinent la carte du monde alors que les Lumières marquent une époque de grandes découvertes culturelles.13 La Chine fut identifiée comme l’empire oriental le plus lointain à cette époque et l’image qu’en avaient les Européens, et notamment les Français, restait confuse. L’image de la Chine en tant qu’ « autre » ne reflète pas la réalité chinoise, mais permet à l’Occident de confirmer ses idées sur un ordre des civilisations géographiques, car les Occidentaux ont alors besoin d’un nouvel ordre reconnu mondialement pour se protéger de la désorganisation issue de l’expansionnisme géographique. En Europe, la Renaissance délimite l’histoire ancienne de l’histoire moderne, marquant le commencement de la modernité européenne. Les premiers contacts massifs avec la Chine apportent des sources d’idées et d’inspiration pour la modernité française, voire européenne. L’image de la Chine chez les Européens, comme un autre lointain, s’est progressivement fixée. Les imaginaires de la Chine nourris par l’histoire culturelle occidentale fournissent une série de stéréotypes et d’attentes vis-à-vis de la Chine. 

        En tant que critique savant, ayant pour devise « que-sais je ? », Michel de Montaigne (1533-1592) préconise, à l’époque de la Renaissance, une étude pondérée de la culture et de la civilisation des autres nations. Même s’il n’y a que deux endroits dans ses oeuvres où Montaigne mentionne la Chine et ses cultures, il en note la puissance et la longue histoire ; en comparant consciemment la Chine avec la France, il exprime ses réflexions sur la société et la civilisation française.


        « En la Chine, duquel royaume la police et les arts, sans commerce et cognoissance des nostres, surpassent nos exemples en plusieurs parties d’excellence, et duquel l’histoire m’apprend combien le monde est plus ample et plus divers que ny les anciens ny nous ne pénétrons(...)14

         (...) Nous nous escriïons du miracle de l’invention de nostre artillerie,de nostre impression ; d’autres hommes, un autre bout du monde à la Chine, en jouyssoit mille ans auparavant. Si nous voyons autant du monde comme nous n’en voyons pas, nous apercevrions, comme il est à croire, une perpétuelle multiplication et vicissitude de formes. »15 

        Montaigne avait une passion pour l’inconnu et de l’admiration pour l’ancienne civilisation chinoise. Sa passion, comme celle de ses contemporains, vient du contraste entre les deux pays et est liée au métarécit de l’époque. La puissance d’un pays oriental alors peu connu pouvait évidemment attirer l’attention des Européens. Pour Montaigne, la Chine est un miroir qui permet de regarder la France et constitue un dialogue entre les deux civilisations ; cependant le noyau du dialogue n’est pas la Chine, mais la France. Le changement de la configuration sociale et mondiale issue des grandes découvertes géographiques et culturelles de l’époque oblige les Occidentaux, surtout les érudits, à trouver un « autre » pour se comparer par rapport à lui. 

        Le goût des choses chinoises, qui allait se développer en France à partir de la fin de la Renaissance, commença cependant à se répandre dès le début du règne de Louis XIV, grace aux importations d’objets de Chine et aux informations répandues par les missionnaires.16 Le thé introduit en France au XVIIe siècle, d’abord consommé comme une panacée, devint au siècle suivant une boisson d’usage courant.17 

        Dans un autre registre, le terme de « chinoiserie » reflète un modèle artistique français d’influence chinoise qui démontre la passion française pour la culture chinoise. 

      Pendant la deuxième moitié du XVIIIe siècle, il était très à la mode d’avoir un pavillon chinois.18 Tout au long du siècle, beaucoup de Français s’entichèrent de tout ce qui était « chinois », l’adjectif désignait non plus seulement les marchandises importées mais aussi les objets d’inspiration chinoise et, plus largement encore, tout ce qui rappelait les qualités de raffinement, de luxe, de légèreté et de fantaisie que l’on prêtait à cette contrée lointaine.19 On ne peut pas nier que les chinoiseries ont confirmé aux yeux des Français une identité culturelle stéréotypée de la Chine en excitant leurs imaginaires exotiques. 

4. Imaginaires doubles à l’époque des Lumières 

      L’Europe est entrée au XVIIIe siècle dans la période des Lumières. Au fur et à mesure que se développaient les sciences humaines, la notion d’évolution ou d’origine biologique a servi à comprendre la société humaine. Cette nouvelle vague d’idées était à l’opposé de la théologie européenne. à cette époque, où régnait la passion des idées, ’introduction des pensées philosophiques chinoises devint une source d’inspiration pour beaucoup de penseurs. Les Lumières marquent l’inauguration de la modernité occidentale et confirment un nouvel ordre dans le monde occidental. 

      L’Orient et l’Occident, les deux pôles principaux du monde depuis les Lumières, renvoient à un ordre du monde dominé par l’Occident, dont les critères de mesure sont le progrès, la liberté et la modernité. C’est également un ordre du savoir, des valeurs et du pouvoir, qui répertorie toutes les nations en deux categories opposées.20 La nouvelle structure sociale du monde confirme et renforce un ordre culturel de l’Occident, fondé sur la différence et un métarécit à travers lequel la Chine est imaginée. Il faut noter ici que ce métarécit bloque les perspectives de l’homme dans sa capacité à voir le monde et délimite le cadre de sa réflexion sur le monde.Comme l’indique Said dans Orientalisme :


    « Lorsqu’un savant orientaliste voyageait dans le pays de sa spécialité, c’était toujours bardé d’inébranlables maximes abstraites concernant la « civilisation » qu’il avait étudiée... »21 

        La Chine était considérée par certains penseurs des Lumières comme un pays sauvage et immobile, mais cette vision n’est pas la plus fondamentale. L’important est que les penseurs des Lumières voyaient la Chine comme un miroir qui leur servait à s’identifier dans un nouvel ordre mondial. C’est dans ce sens que l’on peut dire que les imaginaires de la Chine avaient une grande valeur pour la France, voire pour l’ensemble de l’Europe des Lumières. Même le célèbre écrivain français François-René de Chateaubriand (1768-1848) ne cherchait avant tout que des images en voyageant en Orient.22 

Voltaire vs Montesquieu 

        On ne peut parler des imaginaires de la Chine au siècle des Lumières sans citer deux penseurs : Voltaire (1694-1778) et Montesquieu (1689-1755). 

Voltaire 

        Au XVIIIe siècle, les penseurs des Lumières avaient plusieurs moyens d’accès aux connaissances de la Chine, notamment par les missionnaires qui diffusaient des informations dans des domaines très variés tels que la politique, l’économie, la culture, la géographie, les ressources naturelles, etc. Influencé par les connaissances sur la Chine, Voltaire, déiste, avait la plus grande estime pour la Chine, notamment pour le confucianisme.

       « Il invite les hommes à pardonner les injures et à ne se souvenir que des bienfaits.

       à veiller sans cesse sur soi-même, à corriger aujourd’hui les fautes d’hier.

      à réprimer ses passions, et cultiver l’amitié ; à donner sans faste, et à ne recevoir que l’extrême nécessaire sans bassesse.

      Il ne dit point qu’il ne faut pas faire à autrui ce que nous ne voulons pas qu’on fasse à nous-mêmes ; ce n’est que défendre le mal : il fait plus, il recommande le bien : Traite autrui comme tu veux qu’on te traite.

      Il enseigne non seulement la modestie, mais encore l’humilité ; il recommande toutes les vertus. »23 

C’est en empruntant les pensées en provenance de Chine et d’autres pays orientaux que Voltaire développe ses perspectives et les idées des Lumières. Selon des statistiques, Voltaire, surnommé le « Confucius de France », mentionne la Chine dans ses oeuvres plus de 70 fois, et en parle plus de 200 fois dans sa correspondance avec des amis.24 

En 1741, Voltaire écrivit un apologue moral contre l’autisme européen dont le héros était chinois :

     « En 1723, il y avait en Hollande un Chinois [...] qui était lettré et négociant. Ce Chinois, [...] se trouva dans une boutique de librairie avec quelques savants : il demanda un livre, on lui proposa l’Histoire universelle de Bossuet mal traduite. à ce beau mot d’Histoire universelle : ‘‘ je suis, dit-il, trop heureux, je vais voir ce qu’on dit de notre grand empire, de notre nation qui subsiste en corps de people depuis plus de cinquante mille ans, de cette suite d’empereurs qui nous ont gouvernés tant de siècles [...]. Je crois que l’auteur se sera bien mépris dans l’histoire de la guerre que nous eûmes il y a vingt-deux mille cinq cent cinquante-deux ans contre les peuples belliqueux du Tonquin et du Japon ; et sur cette ambassade solennelle par laquelle le puissant empereur du Mongol nous envoya demander des lois l’an du monde 50000000000007912345. — Hélas ! lui dit un des savants, on ne parle pas seulement de vous dans ce livre ; vous êtes trop peu de chose ; presque tout roule sur la première nation du monde, l’unique nation, le grand peuple juif. ’’ »25 

Grand combattant des préjugés nationaux, faisant la satire des moeurs françaises, Voltaire se plaisait à humilier l’orgueil de ses compatriotes et à écrire son admiration pour le peuple chinois, qu’il considérait déiste, vertueux et pacifique. En raison de sa fascination pour la Chine, Voltaire fait l’éloge de l’histoire chinoise en pensant qu’elle a été écrite de façon rationnelle et qu’elle est basée sur la réalité, sans laisser aucune part à l’imagination. Il trouvait par ailleurs que la loi chinoise était également conforme à la raison et aux lois de la nature ; à propos du système politique chinois, il voyait la Chine comme un état politique admirablement organisé, comme un modèle parfait.26 Pour Voltaire :

 « Les Chinois n’eurent aucune superstition, aucun charlatanisme à se reprocher comme les autres peuples. Le gouvernement chinois montrait aux hommes, il y a fort au-delà de quatre mille ans, et leur montre encore qu’on peut les régir sans les tromper ; que ce n’est pas par le mensonge qu’on sert le Dieu de vérité ; que la superstition est non seulement inutile, mais nuisible à la religion. Jamais l’adoration de Dieu ne fut si pure et si sainte qu’à la Chine (à la révélation près). Je ne parle pas des sectes du peuple, je parle de la religion du prince, et de celle de tous les tribunaux et de tout ce qui n’est pas populace. Quelle est la religion de tous les honnêtes gens à la Chine, depuis tant de siècles ? La voici : Adorez le ciel, et soyez juste. Aucun empereur n’en a eu d’autre. »27 

     C’est après avoir lu la pièce L’Orphelin de la maison de Tchao : tragédie chinoise, traduite du chinois par le missionnaire Joseph Maria de Prémare (1666-1736), que Voltaire décide en 1755 de l’adapter et écrit L’Orphelin de la Chine en cinq actes, don’t il a beaucoup changé l’histoire. Il souhaite ainsi faire connaître au public sa Chine imaginée parfaite, dont il vante la supériorité morale sur les pays voisins.28 

Voltaire a évidemment perçu les facettes d’une Chine « immobile », mais cela ne l’empêche pas de la louer ; il trouve avec la Chine une matière toute nouvelle pour son esprit critique. Voltaire fausse parfois intentionnellement la réalité chinoise pour la réinterpréter en fonction de ses idées. Il accorde une grande valeur à la culture chinoise, non en raison d’une quelconque curiosité pour la Chine mais afin de pouvoir nourrir ses pensées ; il se sert de l’esprit culturel chinois comme d’une arme idéologique. L’image de la Chine en Occident permet aux penseurs des Lumières de « remettre en cause la religion catholique et la monarchie de droit divin » et, à cet égard, marque la prise de conscience de l’identité culturelle européenne en considérant la Chine comme un « autre » sous l’influence du métarécit de l’époque.29 Comme le dit René étiemble :


« Quiconque pense doit se référer à ce que l’on découvre de l’histoire, des moeurs, de la pensée chinoise. Pourquoi voulez-vous que Voltaire, qui fut à sa façon l’écho sonore de son siècle, refuse de voir, d’entendre, de lire tout ce qui concerne la Chine dans le milieu qui est le sien ? »30 

Montesquieu

Alors que Voltaire était fasciné par la Chine, Montesquieu adoptait quant à lui une attitude presque entièrement négative envers elle. Chez lui, la Chine constitue un exemple opposé à sa propre conception de la loi et de la liberté. Pour Montesquieu, la différence entre la Chine et l’Occident se situe non seulement dans la loi, mais aussi dans la moralité. Il est persuadé que « la Chine est [donc] un état despotique, dont le principe est la crainte. »31 

Etant convaincu que sa conception et ses principes concernant le régime politique sont corrects, Montesquieu classe la Chine dans la catégorie du despotisme, et utilize pour la qualifier les informations qui en étaient rapportées par les missionnaires.


« Nos missionnaires nous parlent du vaste empire de la Chine, comme d’un gouvernement admirable, qui mêle ensemble la crainte, l’honneur et la vertu. J’ai donc posé une distinction vaine, lorsque j’ai établi les principes des trois gouvernements.

J’ignore ce que c’est que cet honneur dont on parle chez des peuples à qui on ne fait rien faire qu’à coups de baton. »32 

Comme le dit Pierre Martial Cibot (1727-1780), missionnaire à Pékin de 1760 à 1780, après avoir lu L’Esprit des lois, dans son Essai sur la langue des Chinois inclus dans les Mémoires concernant les Chinois : « soit que le célèbre auteur de L’Esprit des lois ait voulu plier le code de la Chine à son système, soit qu’il en ait parlé sans l’avoir approfondi, il s’est exprimé en politique de roman sur presque tout ce qui concerne ce grand empire. L’empereur de Chine n’est pas plus despotique que les rois de France et d’Espagne. »33 L’imaginaire de la Chine chez Montesquieu, comme chez ses contemporains, est ici fortement relié à son époque. 

Il y avait aussi, à l’époque des Lumières, des économistes, par exemple ceux reliés à la Physiocratie, école de pensée économique et politique née en France vers 1750, qui pensaient à la Chine selon leur conception moderne de l’économie. Les plus connus furent François Quesnay (1694-1774) et Jacques Turgot (1727-1781). De même, Condorcet (1743-1794) évoque dans son Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain les expériences chinoises pour qualifier sa vision progressiste de l’histoire. 

Pensées des Lumières et construction de l’autre 

La philosophie chinoise a eu une influence intellectuelle importante dans la dénonciation de la théocratie européenne chez les penseurs des Lumières. L’importance de l’image de la Chine était de représenter la différence, de confirmer aux Occidentaux une nouvelle identité culturelle de la modernité dans ce nouvel ordre mondial conçu par la culture moderne occidentale. Quelle que soit l’image présentée de la Chine, négative ou positive, elle était avant tout un outil qui avait pour but de « se regarder soi-même » ; les penseurs ne voyaient que ce qu’ils voulaient voir de la Chine et qu’ils pouvaient relier à leur système de pensée. Mais comme les Lumières ont renforcé une idéologie d’expansion, devenue plus tard l’impérialisme, et construit une conception du monde dont le noyau est le progrès, la Chine, étant classée par l’Europe en bas de l’échelle du progrès, est devenue peu à peu l’un des exemples opposés à l’Occident. à cette époque, la Chine n’est plus culturellement, économiquement et politiquement une grande puissance orientale, mais un « autre » par rapport à la modernité occidentale. à la fin des Lumières, ce stéréotype imaginaire de la Chine est fixé ; les discours principaux limitent la perception que les Français et d’autres Occidentaux ont de la Chine.


« Je demanderai toujours pourquoi l’histoire de tous les pays du monde n’offre rien qui ne puisse s’expliquer aisément, tandis que celle de la Chine ne présente que des événements dont on ne peut découvrir les causes et qui paraissent contrarier la nature du coeur humain. »34 

Cependant il faut reconnaître que l’influence des imaginaires de la Chine au siècle des Lumières était réservée aux élites savantes ; quant aux Français moyens, ils ne connaissaient principalement la Chine qu’à travers des objets de Chine, remplis d’exotisme, ou des récits de missionnaires revenus de Chine. 

5. La Chine imaginée et représentée à l’époque de l’impérialisme occidental 

                              ... nous entendons la voix des autres avec les oreilles.

                              — et la nôtre ?

                              — Avec la gorge...

André Malraux35 

La fin du siècle des Lumières marque le moment où la France, voire l’ensemble de l’Europe, est passée de la sinophilie à la sinophobie, concomitamment à un expansionnisme économique ; en même temps, la Chine avec sa culture devient, aux yeux des Français ou d’autres Européens, un pays abandonné par le progrès, sans espoir. 

Mutation structurale du temps 

                             Pour le racisme, l’autre est inconvertible.

Cornelius Castoriadis36 

Exemple contraire de la civilisation occidentale, la Chine est devenue l’objet des visées impérialistes de la France à la recherche de débouchés pour son industrie et son commerce alors en plein essor, tandis que celle-là ne voyait dans la violence de celle-ci qu’une démonstration de « barbarie ».37 Pendant la première moitié du XXe siècle, la Chine minée par les guerres laisse une sombre impression à l’Occident ; son image, comme un référent « autre » pour les Français, est de plus en plus influence par les idéologies politiques et économiques, et se charge ainsi de nouveaux stéréotypes. 

Les changements dans la conception que les Occidentaux ont de la Chine s’accélèrent, répondant en cela à l’évolution de plus en plus rapide du métarécit de l’époque.


« Les pays occidentaux finirent tous, tôt ou tard, par avoir des relations avec la Chine, que le contact fût établi par des marchands, des missionnaires, des diplomates, des soldats ou des marins, des médecins,  des enseignants ou des techniciens. Leurs rapports aidèrent les érudits et les théoriciens à mieux situer la Chine dans l’histoire du monde, à essayer de prédire son avenir, bref à l’intégrer dans un système plus global, à partir des témoignages recueillis çà et là. Les écrivains, quant à eux, puisèrent largement dans cet ensemble de faits et d’idées, chacun selon ses inclinations et ses ambitions commerciales. Parmi tous ceux qui, de plus en plus nombreux, s’intéressaient à la Chine, à peu près aucun n’était vraiment neutre ou objectif. Qu’ils aient passé des années en Chine, qu’ils n’y aient fait que de courtes visites ou qu’ils n’y soient jamais allés ne faisaient pas grande différence. Ils allaient tous d’une vague d’émotions à l’autre, de la crainte à l’amusement, de l’irritation à l’engouement.

Les Français tirèrent de ces thèmes enchevêtrés une série d’images et de perceptions qui se renforçaient mutuellement et qui se fondirent, vers la fin du XIXe siècle, dans ce qu’on peut appeler un « nouvel exotisme »... »38    

Said pense que « dans le système de connaissances sur l’Orient, celui-ci est moins un lieu au sens géographique qu’un topos, un ensemble de références, un amas de caractéristiques qui semble avoir son origine dans une citation ou un fragment de texte, ou un passage de l’oeuvre de quelqu’un sur l’Orient, ou quelque morceau d’imagination plus ancien, ou un amalgame de tout cela ». Il conclut même qu’« il est donc exact que tout Européen, dans ce qu’il pouvait dire sur l’Orient, était, pour cette raison, raciste, impérialiste, et presque totalement ethnocentriste.»39 

L’expansion impérialiste n’a pas changé les images sur la Chine élaborées pendant les Lumières, mais a au contraire renforcé le caractère négatif de ces images et a consacré son importance en tant qu’autre culturel, nourrissant l’attitude occidentale de « sauveur ». La Chine a besoin de l’aide de l’Occident pour se moderniser :


« La civilisation moderne ne se fera décidément un chemin en Chine, qu’à coups de canon, et n’aura pas d’autre moyen d’arrêter cet immense empire sur la pente de la décadence où il glisse lentement mais sûrement, car, de nos jours, n’est-ce pas reculer que de rester stationnaire ? Et voilà 3000 ans peut-être que l’empire chinois s’endort dans le statu quo. Il faudra un rude coup d’épaule pour remettre en mouvement cette énorme masse ! » 40 

Le penseur, Leroy-Beaulieu, considère qu’une société colonise quand elle est parvenue elle-même à un haut degré de maturité et de force, et que la colonization est la force d’expansion d’un peuple ; c’est son pouvoir de reproduction, c’est sa croissance et sa multiplication dans l’espace ; c’est la sujétion de l’univers ou d’une grande partie de l’univers à la langue, aux usages, aux idées et lois de ce peuple.41 à l’époque de l’impérialisme, la France, voire l’ensemble de l’Occident, suit de près la Chine : sa force, son statut et son pouvoir en Chine et en Orient sont au coeur de son intérêt pour la Chine. Voici, par exemple, ce que dit Gabriel Charmes en 1880 :


« Le jour où nous ne serons plus en Orient et où les autres grandes puissances européennes y seront, tout sera fini pour notre commerce en Méditerranée, pour notre avenir en Asie, pour le trafic de nos ports méridionaux. L’une des sources les plus fertiles de notre richesse nationale sera tarie. »42 

L’imaginaire de la Chine est alors culturellement caractérisé par l’exotisme et idéologiquement par sa figure représentative de l’« autre ». Spence note que la passion pour l’exotisme chinois en France depuis Louis XVI fut la motivation pour poursuivre des études chinoises : « ce fut le grand début de la sinologie en Occident. »43 Cet historien américain fait un bilan de la passion française pour l’exotisme chinois au XIXe siècle :


« Rétrospectivement, il apparaît qu’au XIXe siècle ce nouveau culte français de l’exotisme chinois s’appuyait sur quatre domaines de sensibilité. Notons, en premier lieu, l’appréciation de la grace et de la délicatesse chinoise ; une sensibilité aux résonances et aux textures, éveillée au contact de la soie, de la porcelaine et de l’architecture, et qui devint ensuite la base de toute une esthétique. En deuxième lieu, on trouvait la conscience que les Français avaient de la sensualité chinoise ; une conscience qui était d’abord liée à cette esthétique, mais qui se mit vite à englober quelque chose de plus rude, de plus absolu, d’inconnaissable, de dangereux et d’enivrant, quelque chose qui était fait de parfum et de sueur, des exhalaisons moites de l’air nocturne. Les Français avaient par ailleurs le sentiment qu’existait, séparé des autres tout en leur étant inéluctablement lié, un monde de violence et de barbarie chinoise, de cruautés cachées, de seductions irrésistibles et d’impulsions incontrôlables. Enfin, la Chine apparaissait comme le royaume de la mélancolie, de ce qui était à jamais perdu — perdu pour l’Occident à cause de son matérialisme insensible, perdu pour la Chine à cause du poids écrasant de son passé, de sa faiblesse et de sa pauvreté. Le compagnon naturel de cette dernière sphère de représentations était l’opium, drogue de la langueur et de la nostalgie. »44 

Le nouveau découpage politique et économique du monde, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, caractéristique de l’expansion impérialiste, délimitait les façons de regarder la Chine et les jugements qui en découlaient. En ce temps-là, beaucoup de voyageurs occidentaux rapportèrent de Chine des récits concernant leurs propres perceptions culturelles et qui inventaient une Chine portant des traits culturels spécifiques influençant beaucoup les imaginaires français. Citons Pierre Loti (1850- 1923), Victor Segalen (1878-1919), André Malraux (1901-1976), Henri Michaux (1899-1985), Judith Gautier (1845-1917), etc., dont les oeuvres furent populaires. 

Imaginaires chez des néo-voyageurs en Chine 

       A la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux Français voyagèrent en Chine et rapportèrent ensuite leurs propres impressions sur ce pays alors en pleine mutation. Le Comte de Beauvoir, venu à Pékin en 1867, conclut dans son Voyage autour du monde, que « cette civilisation s’est figée depuis longtemps. »45 Cela était très représentatif de l’imaginaire des Français à l’époque. Pendant les années où l’Occident démembrait l’Afrique à la fin du 19e siècle, le racisme, dominant en Occident, influençait également les imaginaires de la Chine. Nous pouvons le constater à travers les romans populaires et les récits, ainsi que la presse. Les images des Chinois, liées au racisme et à l’impérialisme, étaient déformées par les prejudges colonialistes. 

Basé sur une croyance qui postule une hiérarchie entre les êtres humains selon leurs origines ethniques, le racisme désigne la croyance que les différences biologiques innées conditionnent inévitablement l’accomplissement culturel et individuel. Le racisme peut alors se traduire par des discriminations envers les personnes selon leurs origines ethniques, et prendre la forme de la xénophobie ou de l’ethnocentrisme. Les thèses racistes ont servi de support à certaines idéologies politiques pour mettre en place des discriminations sociales, des ségrégations ethniques et commettre des violences, dont des actes de génocides. Le racisme reflète évidemment une hostilité culturelle. Comme le dit Castoriadis :


« à partir du moment où il y a la fixation raciste, on le sait, les ‘‘autres’’ ne sont pas seulement exclus et inférieurs ; ils deviennent, comme individus et comme collectivité, point de support d’une cristallisation imaginaire seconde qui les dote d’une série d’attributs et, derrière ces attributs, d’une essence mauvaise et perverse qui justifie d’avance tout ce que l’on se propose de leur faire subir.

Mais le racisme ne veut pas la conversion des autres, il veut leur mort. »46 

En général, dans l’imaginaire collectif français du XIXe siècle, le Chinois est malhonnête, fourbe et hypocrite, avili par l’opium et raffiné seulement dans la cruauté ou la débauche. Jules Verne, dans Le Tour du monde en quatre-vingts jours (1873), ne représente d’autres spécimens du peuple chinois que le fumeur abruti par la drogue, faisant de lui un véritable type national ; si son personnage Kin-Fo, dans Les Tribulations d’un Chinois en Chine (1879), peut faire figure de héros, c’est parce qu’il n’est plus tout à fait chinois, ayant accepté de se mettre à l’école de l’Occident. Cette image fortement dépréciative de l’autre dessine en creux une image de soi hautement positive.47 à la même période, la propagande du discours sur le peril jaune dans les pays occidentaux ou les romans populaires tels que The Yellow Danger (1898) de Matthew Phipps Shiel, L’Invasion jaune (1904) de Danrit, suscitaient de longs discours négatifs contre la Chine. 

En 1901, Le Figaro publiait régulièrement des récits de séjours à Pékin de Loti, plus tard publiés chez Calmann-Lévy dans Les derniers jours de Pékin. S’intéressant à l’exotisme chinois, Loti raconte justement au public l’exotisme culturel de la Chine. Pour lui, ce qui est au centre de ses récits est le contraste des cultures. 

André Malraux gagne sa réputation à travers ses romans La Voie royale (1928),Les Conquérants (1931), et La Condition humaine (1933), qui prennent place dans une Chine en guerre et qui nourrissent et renforcent l’imaginaire négatif des Français sur ce pays. Mais Malraux évoque également dans La Tentation de l’Occident (1926) son inquiétude dans la rencontre entre la Chine et l’Occident. Dans La Condition humaine, Malraux situe son histoire à Shanghai, une ville chinoise présentée comme la plus terrible du monde. Albert Londres (1932-1984), à la même époque, écrit également que Shanghai ne reflète que l’exotisme chinois et il parle de choc :


« On m’avait dit qu’à Shanghai on ne parlait que l’anglais. C’était un affreux mensonge. Tout alphabet y est inconnu. La langue de ce pays n’est pas une langue de lettres, c’est une langue de chiffres. On ne s’aborde pas en se disant « Bonjour, comment allez-vous ? » mais : « 88.53 – 19.05 – 10.60 » Pour devenir millionnaire, inutile de savoir lire, savoir compter suffit.

C’est un veau d’or adipeux.

Si Lénine a vu Shanghai il est excusable !

C’est en Chine et ce n’est pas une ville chinoise. Elle enferme un million de Chinois, cela ne prouve rien encore. Ce million de Chinois ne fait pas plus Shanghai que mille poux sur un poney ne font le cheval. »48 

Malraux n’a pas pour objectif dans ses oeuvres de rendre compte de la politique chinoise, en revanche son imaginaire de la Chine est comme un raccourci de celui de la société française. L’accueil reçu par ses oeuvres le prouve. Pour Malraux, la Chine constitue également un moyen de s’exprimer. Malraux fait partie d’une « nouvelle génération d’écrivains français qui s’impose vers 1930... Ces écrivains ne se préoccupent guère de distraire le public. Ils veulent agir sur les esprits. Ils proposent dans leurs livres un style de vie. Dans leurs romans, le contenu intellectuel et moral occupe la première place. »49 

Dans ces oeuvres qui ont pour sujet la Chine, on constate que les relations entre l’Occident et l’Orient font l’objet de vives attentions, entre les deux guerres mondiales. Sylvain Lévi, président de la Société asiatique entre 1928 et 1935, réfléchissait sérieusement en 1925 à l’urgence du problème Orient-Occident :


« Notre devoir, c’est de comprendre la civilisation orientale. Le problème de l’humanisme qui consiste, sur le plan intellectuel, dans un effort de sympathie et d’intelligence pour comprendre les civilizations étrangères dans leur passé et leur présent, se pose pour nous, Français, dans l’ordre pratique, à l’égard de nos grandes colonies d’Asie [un Anglais aurait pu exprimer les mêmes sentiments : il s’agit d’un problème européen][...]

Ces populations sont les héritières d’un long passé d’histoire, d’art, de religion, dont elles n’ont pas entièrement perdu la conscience et qu’elles étaient probablement susceptibles de prolonger. Nous avons assumé la responsabilité d’intervenir dans leur développement, parfois sans les consulter, parfois sur leur requête... Nous prétendons, à tort ou à raison, représenter une civilisation supérieure, et du droit de cette supériorité que nous avons affirmée avec tant d’assurance qu’elle avait paru incontestable aux indigènes, nous avons mis en question toutes leurs traditions [...].

D’une manière générale, partout où l’Européen était intervenu, l’indigène s’aperçoit avec une sorte de désespoir vraiment poignant que la somme de son bonheur, dans l’ordre moral plus encore que dans l’ordre matériel, loin de s’accroître, a diminué. [...]

Cette déception se traduit en rancune d’un bout à l’autre de l’Orient et la rancune est tout près de se convertir en haine et la haine n’attend que l’heure propice pour passer à l’action.

Si l’Europe, par paresse ou par incompréhension, ne fait pas l’effort que ses intérêts seuls suffiraient à lui commander, le drame asiatique approche de sa crise.

C’est ici que la science qui est une forme de vie et un instrument de politique – c’est-à-dire en ce qui nous concerne – se doit de faire effort pour pénétrer la civilisation indigène dans leur esprit intime, pour en discerner les valeurs fondamentales et les facteurs durables au lieu de l’étouffer sous la menace incohérente des apports européens. Il nous faut offrir cette civilisation comme nos autres marchandises sur le marché des échanges locaux... »50 

Selon Said, Sylvain Lévi n’a pas de peine à relier l’orientalisme à la politique, car l’intervention longue (ou plutôt prolongée) de l’Occident en Orient ne peut être niée, que ce soit dans ses conséquences pour le savoir ou dans ses effets sur le malheureux indigène ; ils s’additionnent pour former ce qui pourrait bien être un avenir menaçant. Malgré tout l’humanisme qu’il exprime, toute l’admirable sollicitude qu’il a pour les autres, Sylvain Lévi conçoit le moment présent en des termes désagréablement étriqués.51 

Victor Segalen, médecin de marine, mais aussi ethnographe et archéologue, a parcouru la Chine de bout en bout, à la recherche de sa Chine imaginée. Il a écrit au sujet de ce pays des romans Le fils du ciel, René Leys ; des récits et essais de voyage, en particulier Briques et tuiles, équipée, qui ont suscité beaucoup d’intérêts pour l’exotisme chinois chez les lecteurs français. Pour lui, la Chine est un territoire de l’altérité.52 C’est avec Segalen que l’exotisme s’est développé profondément en France. « Avec Stèles, l’exotisme, n’est plus qu’un moyen et non pas une fin. Le déguisement chinois a été adopté pour faciliter l’exploration du moi, non pas pour éclairer l’autre. »53 

Au début du XXe siècle, certains Français, partant en Orient, avaient pour objectif de trouver des remèdes aux crises de la civilisation occidentale face à la croissance de l’Orient qui les inquiétait. Le 27 mars 1925, la revue française Les Cahiers du mois publia les résultats d’une enquête, « Les Appels de l’Orient », effectuée parmi des intellectuels célèbres dont des orientalistes et notamment des sinologues. 

Les questions concernaient les relations et les influences mutuelles de l’Orient et de l’Occident.54 La réponse de Paul Valéry nous intéresse :


« Au point de vue de la culture, je ne crois pas que nous ayons beaucoup à craindre actuellement de l’influence orientale. Elle ne nous est pas inconnue. Nous lui devons tous les commencements de nos arts et de nos connaissances. Nous pourrions bien accueillir ce qui nous viendrait de l’Orient, si quelque chose de neuf pouvait en venir, ce dont je doute. Ce doute est précisément notre garantie et notre arme européenne.

D’ailleurs, la question, en ces matières, n’est que de digérer. Mais ce fut là précisément la grande affaire et la spécialité même de l’esprit européen à travers les ages. Notre rôle est de maintenir cette puissance de choix, de compréhension universelle et de transformation en substance nôtre, qui nous a fait ce que nous sommes. Les Grecs et les Romains nous ont montré comment l’on opère avec les monstres de l’Asie, comme on les traite par l’analyse, quels sucs l’on en retire... Le bassin de la Méditerranée me semble un vase clos où les essences du vaste Orient sont venues de tout temps se condenser. »55 

Selon Valéry, l’Orient semble en quelque sorte inutile pour l’Occident, car il ne représente rien de neuf, mais nécessaire, car le doute envers l’Orient sert à confirmer à l’Europe sa supériorité sur l’Orient, et l’Orient est relié aux intérêts de l’Occident. C’est plutôt dans ce sens que ce doute est précisément la garantie et l’arme de l’Europe. D’après cette même logique, la Chine ne peut donc échapper au jugement de l’Occident. 

6. La Révolution de l’imaginaire : vers une Chine plurielle ? 

Au début de la deuxième moitié du XXe siècle, il y eut une vague d’enthousiasme pour la Chine dont la nouvelle politique intéressait les Français. Le succès de la Chine socialiste a enthousiasmé des intellectuels français, tel que Jean-Paul Sartre, et a donné lieu à de nombreuses oeuvres louant le régime chinois. Parmi les ouvrages les plus populaires, nous pouvons citer Journal de Chine (fini en 1955, publié en1994) de Michel Leiris, Antimémoires (1967) d’André Malraux, Le Sac du Palais d’été (1971) de Pierre-Jean Remy. 

Mais ces ouvrages semblent avoir mal compris la Chine, notamment au début de la Révolution culturelle, en dépeignant une Chine mythique à des Français sinophiles à l’extrême. Pour illustrer cet enthousiasme pour la Chine, il convient également de citer la revue Tel Quel, fondée en 1960, où s’exprimaient de nombreux écrivains français, avec à sa tête Philippe Sollers (1936- ). Cette revue se consacrait, entre autres, aux rapports avec la Chine en s’intéressant à la construction de la nouvelle Chine et en exprimant une passion sans retenue pour le maoïsme.56 

Par ailleurs, à cette même époque, un journal bimestriel, Aujourd’hui la Chine, fondé par l’Association des amitiés franco-chinoises, devenu plus tard une revue, entretenait une vision fantastique de la Chine. Ses articles étaient consacrés au développement politique et économique de ce pays, et sans adhérer aux idées communistes, on y faisait l’éloge de son développement. C’était, en quelque sorte, une revue chinoise en langue française. La vision fantastique de la Chine, présentée lors des événements de mai 1968 en France, forme le contexte d’Aujourd’hui la Chine.57 

Dès ses débuts, cette revue a manifesté de l’intérêt pour le développement de la politique et de l’économie chinoises. Dans son numéro 15 en décembre 1971, elle publie un article, La Chine populaire à l’O.N.U. : Victoire commune de tous les peuples du monde :


« Le rétablissement de la République Populaire de Chine dans ses droits légitimes à l’O.N.U. marque une étape importante dans l’évolution progressive de la situation à l’échelle mondiale en faveur de la Chine. Il marque aussi une évolution de situation en France :

– on parle de plus en plus de la Chine, de ses idées, de ses réalisations (dans tous les milieux d’ailleurs) ;

– la Chine suscite de plus en plus largement la curiosité, l’intérêt et la sympathie.

Mais, comme nous l’avons déjà souligné, les ennemis de la Chine se font plus insidieux et plus subtils, utilisant une information tronquée, déformée et isolée de son contexte.

Nous devons tenir compte de cette situation nouvelle et adapter notre travail dans ses divers aspects. La question se pose plus que jamais de savoir qui parlera de la Chine et comment on en parlera. La Chine socialiste sera-t-elle présentée dans tous ses aspects, économiques, politiques et idéologiques, ou nous en proposera-t-on une vision tronquée et déformée ?

C’est à notre Association qu’incombe la responsabilité de diffuser une connaissance complète et exacte sur la Chine. C’est dans cette perspective que s’est tenue à Paris le 12 décembre une réunion nationale des comités, dont nous vous parlerons dans le prochain numéro. »58 

Le discours de cette revue reflète les polémiques politiques et économiques de la Chine de l’époque. Parmi ceux qui ont été envoyés travailler dans ce pays, certains se passionnent encore aujourd’hui pour la Chine des années 1960. Par la suite, cette fascination faiblit, les Français montrant moins d’intérêt pour une Chine instable. Nous pouvons constater ce changement à travers les articles d’Aujourd’hui la Chine. L’imaginaire dominant sur ce pays y devient de plus en plus politisé. Le voyage « pèlerinage » organisé par Tel Quel, en 1974, mit fin à l’illusion utopique que ces participants entretenaient sur la Chine, et fit réaliser à certains Français que la Chine n’était qu’un « autre » éternel de l’Occident et n’incarnait pas leur idéal.

La publication à la fin des années 1980 de grandes oeuvres de cultures comparées telles que L’Europe chinoise marque, avec beaucoup d’autres ouvrages et événements, une attention accrue portée à la Chine, et une volonté de la comprendre à travers plusieurs perspectives. La nouvelle configuration mondiale permet aux critiques postcolonialistes et postmodernes de s’exprimer dans les discours scientifiques et de relire les textes classiques afin de réviser certains de leurs préjugés en adoptant de nouveaux points de vue et d’autres métarécits du monde. C’est dans ce contexte que la Chine affiche une nouvelle image en Occident à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle. Mais cette nouvelle configuration renvoie à un autre discours complexe et diversifié, qui mériterait une étude plus approfondie s’accompagnant d’un travail de terrain. 

7. Conclusion

...la Chine... : elle apparaît bel et bien être partout.59 

Quand l’Occident se mit à discuter de l’immobilisme de la Chine autour de 1750, celle-ci était sous le règne des Qing ; la représentation de ce pays comme un « autre » pour l’Occident était sur le point de changer, de manière négative. Les imaginaires doubles de Voltaire et Montesquieu représentaient la tendance dominante de l’époque des Lumières et confirmaient la notion de progrès pour le monde occidental. Presque tous les penseurs des Lumières ne voyaient que ce qu’ils voulaient de la Chine en attachant de l’importance à des aspects culturels précis à des fins démonstratives. En conséquence, ils appliquaient leurs idées à tout ce qu’ils découvraient de la Chine sans chercher de preuves pour les étayer. Ce « programme » répondait au métarécit de l’époque. Mais on voit également des influences culturelles chez chaque savant français, dont les discours affectaient différemment l’imaginaire populaire. C’est dans ce sens que la Chine était importante pour la France et l’Occident. 

L’Europe du XVIIIe siècle désirait l’Amérique, le Nouveau Continent où l’avenir par la conquête de l’espace correspondait aux idéaux de progrès propagés par les Lumières. La Chine lointaine représentait en revanche le passé et restait synonyme de recul. L’image figée chinoise inventée par les Lumières fut confirmée par les missionnaires et sinologues venus en Chine au moment des guerres de l’opium, et créant une Chine plus mystérieuse et sombre. La structure du métarécit dualiste confirme l’opposition entre le progrès et le recul, entre l’Orient et l’Occident. Pour s’affirmer, le progrès occidental doit nier l’Orient et son développement. Le changement d’images sur la Chine reflète moins les mutations chinoises que le changement de paradigmes intellectuels et culturels occidentaux. 

Censée être l’empire oriental le plus lointain à l’époque de la Renaissance, la Chine fut réduite à des stéréotypes par les Occidentaux à partir des Lumières. Cette image chinoise une fois diffusée, l’Occident cherche les preuves politiques et culturelles qui abondent dans ce sens. Les Occidentaux ne découvrent plus la Chine, mais confirment la vision qu’ils en ont déjà. Cette vision, cet imaginaire permettent par ailleurs à l’Occident de se décrire et d’affirmer son identité. 

Quelle que soit la place de la Chine dans l’imaginaire français, sa fonction fut avant tout d’être un miroir dans lequel la France se regardait, un « autre » par rapport auquel elle se définissait. La Chine est une construction culturelle collective dans l’histoire de l’imaginaire. En Occident, il existe deux sortes d’imaginaires sur la Chine : l’un est scientifique, l’autre est populaire. L’un est influencé par l’idéologie, alors que l’autre s’attache aux objets chinois et aux romans ayant pour sujet la Chine. Grace à une plus grande connaissance sur ce pays depuis la fin du XXe siècle, l’Occidental moyen a davantage l’occasion de la découvrir même à distance. Dans ce processus, on voit apparaître dans le quotidien de nouveaux imaginaires. 

Il existait et existe une passion européenne, surtout française, pour la Chine ; même aujourd’hui, celle-ci joue un rôle très important, parce qu’elle offre à l’Occident une perspective qui permet de penser les fondements des traditions occidentales. « Peu de pays peuvent provoquer une telle réaction : quand l’Europe pense à la Chine, elle remet à chaque fois en cause son rapport au reste du monde. »60 Les images dominantes de la Chine en France ne furent ni invariables ni homogènes dans l’histoire française. Leur évolution dépend, d’une part, des changements dans les métarécits de chaque époque et d’autre part, de certains facteurs culturels français. Mais ces changements, considérant les valeurs sociales de chaque époque, reflètent avant tout les mutations de l’idéologie française concernant la construction de l’image de la Chine. 





1. Aux yeux des Occidentaux, la Chine apparaît plutôt comme « les Chines » : une Chine politique, une Chine économique, une Chine culturelle, voire une Chine de l’environnement, etc. Cette appellation ne présente pas seulement la diversité de la réalité chinoise, mais aussi les perspectives multiples à travers lesquelles les Occidentaux regardent la Chine. Gregory B. Lee a intitulé son livre sur l’analyse des textes chinois littéraires et culturels, Chinas Unlimited, ce qui sous-entend une Chine plurielle et illimitée. Lee, G.B., Chinas Unlimited: Making the Imaginaries of China and Chineseness, London, New York: Routledge-Curzon, 2003.

2. Luo, Niansheng (éd.), Zhu Xiang shuxin ji, Shanghai : éditions Librairie de Shanghai, 1983, p.138.

3. Clifford Geertz préconise de clarifier les concepts de structure sociale et de culture pour comprendre mieux la nature de leurs relations. Geertz, Clifford, The Interpretation of Cultures, New York: Basic Books, 1973, p. 362.

4. Lyotard, J.-F., La Condition postmoderne, Paris : Les éditions de Minuit, 1979, p.7.

5. Le journaliste américain Harold Robert Isaacs (1980), qui travailla longtemps à Shanghai, met en évidence, dans son étude sur l’image de la Chine dans la société américaine, que l’image de la Chine et des Chinois chez les Américains depuis le XVIIIè siècle, en particulier pendant le XXè siècle, est catégorisée chronologiquement en six phases : Respect (XVIIIe siècle), Contempt (1840-1905), Benevolence (1905-1937), Admiration (1937- 1944), Disenchantment (1944-1949), Hostility (1949- ). Isaacs, H.R., Scratches on our minds: American images of China and India, Armonk, New York: M.E. Sharpe, Inc, 1980.

6. Pan, L., Encyclopédie de la diaspora chinoise (traduit de l’anglais), Paris : Les éditions Du Pacifique, 2000, p.311.

7. Lin, Yanqing et Li, Mengzhi, etc., Wuqian nian zhongwai wenhua jiaoliu shi (volume 2), Beijing : Presse des Affaires Mondiales, 2002, p.397-417.

8. Said, E.W., L’Orientalisme: L’Orient créé par l’Occident (traduit de l’Américain par Catherine Malamoud), Paris : Seuil, 1980, p.67.

9. Ibid., p.31.

10. Détrie, M., France-Chine : Quand deux mondes se rencontrent, Paris : Gallimard, 2004, p.51.

11. Lin, Yanqing et Li, Mengzhi, etc., op. cit.

12. Said, op. cit., p.13-14.

13. Zhou, Ning, Lishi de Chenchuan, Beijing : Xueyuan Chubanshe, 2004, p.2.

14. De Montaigne, M., Les Essais. Livre III / Montaigne ; édition conforme au texte de l’exemplaire de Bordeaux (par Pierre Villey, sous la direction et avec une préface de V.-L. Saulnier), Paris : Presses universitaires de France, 1999, p.1071.

15. Ibid., p.908.

16. Les Compagnies françaises des Indes de 1660 et de 1664 n’ayant pas fait usage de leur privilège en Extrême-Orient, ce ne fut qu’en 1697 que la France inaugura son commerce avec la Chine, et elle ne le développa complètement qu’après la création de la grande Compagnie de 1719 ; les agents de la Compagnie, (...) à partir de 1776, n’exportaient, comme les autres étrangers, que les marchandises reçues à Canton de l’intérieur par les intermédiaires indigènes, in Cordier, H., La Chine en France au XVIIIe siècle, Paris : Laurens, 1910, p.23-28.

17. Détrie, op. cit., p.27.

        18. Cordier, op. cit., p.23-28.

        19. Ibid., p.28.

        20. Zhou, Ning, op. cit., p.1-3.

        21. Said, op. cit., p.69.

        22. « Je n’ai point fait un voyage pour l’écrire ; j’avais un autre dessein : ce dessein je l’ai rempli dans Les Martyrs. J’allais chercher des images; voilà tout. » De Chateaubriand, F.-R., Oeuvres romanesques et voyages (II), par Maurice Regard (éd.), Paris : Gallimard, 1987, p.702.

        23. Voltaire, « De Confucius », Les oeuvres complètes de Voltaire (62, 1766-1767), Oxford : The Voltaire Fondation, 1987, p.91-92.

24. Trousson, R. et Vercruysse, J. (dir.), Dictionnaire général de Voltaire, Paris : Honoré Champion éditeur, 2003, p.198.

25. étiemble, R., L’Europe chinoise (II), Paris : éditions Gallimard, 1989, p.220-221.

26. Lin, Yanqing et Li, Mengzhi, etc., op. cit., p.456.

27. Voltaire, op. cit., p.91.

        28. En revanche, les nombreuses autres pièces du XVIIIè siècle (comédies, opéras, farces ou ballets) d’inspiration chinoise, comme Le Roi de la Chine (1700), Le Chinois poli par la France (1754), Les Noces chinoises (1772), mettent en scène des Chinois de fantaisie dont les aventures cocasses et invraisemblables ne sont que prétexte à un déploiement de décors enchanteurs et de costumes somptueux. Détrie, op. cit., p.29-30.

29. Détrie, op. cit., p.31.

        30. étiemble, op.cit., p.208.

31. Montesquieu, « De l’empire de la Chine », OEuvres complètes (II). Paris : éditions Gallimard. 1951, p.368. D’ailleurs Paul Thiry, baron d’Holbach (1723-1789), note que « la Chine est le seul pays connu où la politique se trouve par la Constitution même, intimement liée avec la morale. » Thiry, P., Système social (II, chapitre 7), cité in Oster, P.(dir.), Dictionnaires de citations françaises, Paris : Le Robert, 1978, p.608.

32. Montesquieu, op. cit., p.365-366.

        33. étiemble, op. cit., p.50.

34. De Mably, A., Doutes proposés aux philosophes économistes sur l’ordre naturel et essential des sociétés politiques (Lettre IV), cité in Oster, P.(dir.), Dictionnaires de citations françaises, Paris : Le Robert, 1978, p.533.

35. Malraux, A., « La Condition humaine », OEuvres complètes (tome 1), Paris : Gallimard, 1989, p.540.

        36. Castoriadis, C., Le monde morcelé : les carrefours du labyrinthe III, Paris : Seuil, 1990, p.34.

        37. Détrie, op. cit., p.49.

38. Spence, J.D., La Chine imaginaire : La Chine vue par les Occidentaux de Marco Polo à nos jours, (traduit de l’anglais : The Chan’s Great Continent, China in Western Minds, par Olivier, B.), Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal, 2000, p.161.

        39. Said, op. cit., p. 204, 234.

        40. Boothroyd, N. et Détrie, M., Le Voyage en Chine: Anthologie des voyageurs occidentaux du moyen age à la chute de l’empire chinois, Paris : éditions Robert Laffont, 1992, p.579.

        41. Said, op. cit., p.579.

        42. Ibid., p.250-251.

        43. Spence, op. cit., p.162.

        44. Ibid., p.162.

        45. Beauvoir, Voyage autour du monde, Paris : Plon, 1868, p.611.

        46. Castoriadis, op. cit., p.32, 34.

        47. Détrie, op. cit., p.51.

        48. D’Huriel, T., La Chine vue par les écrivains français (anthologie), Paris : Bartillat, 2004, p.235-236.

        49. Raimond, M., Le Roman depuis la Révolution, Paris : Armand Colin, 1981, p.192-193.

        50. Lefèvre, F., « Une Heure avec Sylvain Lévi », in Bacot, J.(dir.), Mémorial Sylvain Lévi, Paris : Paul Hartmann, 1937, p.123-124.

        51. Said, op. cit., p.279.

        52. Gontard, M., La Chine de Victor Segalen, Paris : Presses Universitaires de France, 2000, p.1.

        53. Segalen, V., OEuvres complètes (II) [édition établie et présentée par Bouillier, H.], Paris : Robert Laffont, 1995, p.14.

        54. Voici notamment trois questions posées: 1. Pensez-vous que l’Occident et l’Orient soient complètement impénétrables l’un à l’autre ou tout au moins que, selon le mot de Maeterlinck, il y ait dans le cerveau humain un lobe occidental et un lobe oriental qui ont toujours mutuellement paralysé leurs efforts ? 2. êtes-vous d’avis, avec Henri Massis, que cette influence de l’Orient puisse constituer pour la pensée et les arts français un péril grave et qu’il serait urgent de combattre... ? 3. Quel est le domaine – art, lettres, philosophie – dans lequel cette influence vous semble devoir donner des résultats particulièrement féconds ? Valéry, P., OEuvres II [édition établie et annotée par Hytier, J.], Paris : Gallimard, 1960, p.1556-1557.

        55. Valéry, op. cit., p.1558.

        56. Sans oublier le livre de Maria-Antonietta Macciocchi De la Chine, publié en 1971.

       57. Le film qui s’appelle Les Chinois à Paris, raconte une histoire inventée : Paris, voire la France, l’Europe, est occupé par les Chinois, sans aucune arme, mais à l’aide du Petit livre rouge et la nombreuse population. Les Chinois entreprennent de réformer la France à leur façon, mais ne réussissent pas dans leur tentative. Ce film reflète l’imaginaire complexe de la Chine des Français pendant les années 1960 et 1970.

       58. « Nouvelles de l’Association des amitiés franco-chinoises », Aujourd’hui la Chine, Paris : Association des amitiés franco-chinoises, décembre 1971, No. 15, p.7.

       59. Angremy, J.-P., France-Chine: Des livres en français sur la Chine (Laureillard, M. ; Thivolle, J.-C. et Sanjuan, T.), Paris : Association pour la diffusion de la pensée française, 2004, p.11.

       60. Gauvin, F., « La Chine, une passion européenne », Le Point (hors-série, mars-avril), 2007, p.102-105.









Edité par Yao Xiaodan

Selon moi, il s’agit du concept de « réforme dans la stabilité ». À travers le processus historique de réforme...【PLUS】