La nouvelle ceinture économique sur la Route de la Soie : une marche de la Chine vers l’ouest ?
2013-11-12 17:16:00
La Chine au présent
Zhu Feng

Depuis l’arrivée au pouvoir des nouveaux dirigeants chinois, les relations extérieures de la Chine se révèlent plus dynamiques et plus créatives. Les multiples visites effectuées à l’étranger par le dirigeant suprême Xi Jinping sont devenues le « moteur » de la nouvelle logique et du nouveau concept de la diplomatie chinoise, et lui même est devenu un chef de file qui va conduire la Chine dans le traitement de relations internationales de plus en plus compliquées. Le président Xi Jinping a visité du 3 au 14 septembre quatre pays d’Asie centrale, et participé au sommet 2013 de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS). Par ses actions, il renvoie une image de « moteur » et de leader.

Bâtir une « communauté de destin » et une « communauté d’intérêt » entre la Chine et les pays d’Asie centrale

Depuis la création de l’OCS en 2001, les relations économiques, commerciales, sociales et culturelles entre la Chine et les pays d’Asie centrale ont considérablement progressé. Lorsque ces pays ont proclamé leur indépendance en 1992, le volume du commerce extérieur entre la Chine et les cinq pays d’Asie centrale n’était que de 460 millions de dollars ; en 2001, il était de 5,5 milliards de dollars. Mais évoluant dans le cadre de l’OCS, ce chiffre a atteint 45,94 milliards de dollars en 2012. Maintenant, la Chine est le plus grand partenaire commercial des cinq pays d’Asie centrale et le premier acheteur de ses ressources en pétrole et en gaz. Dans le cadre de l’OCS, la Chine et les pays d’Asie centrale ont établi un système d’organisation régulière de manœuvres conjointes anti-terroristes, un mécanisme de consultations régulières des ministres de la Défense et un dialogue régulier entre hauts fonctionnaires chargés des affaires de sécurité. Le sommet annuel de l’OCS constitue une importante plateforme stratégique pour coordonner et promouvoir la coopération politique, diplomatique et économique entre la Chine, la Russie et les quatre pays d’Asie centrale.

En ce nouveau moment historique du développement des relations entre la Chine et les pays d’Asie centrale, les deux parties sont en train de réfléchir à comment bâtir une base solide à leurs futures relations et leur garantir un bel avenir. La visite du président Xi Jinping en Asie centrale est la réponse à cette réflexion et montre la détermination chinoise à ouvrir une nouvelle page dans les relations entre la Chine et les pays d’Asie centrale.

La tournée de Xi Jinping a rehaussé le niveau des relations entre la Chine et les pays d’Asie centrale sous tous les aspects. Lors de sa visite, la Chine a successivement établi un partenariat stratégique avec le Turkménistan et le Kirghizistan, davantage approfondi le partenariat stratégique global avec le Kazakhstan et signé un traité de coopération amicale avec l’Ouzbékistan pour approndir leur partenariat stratégique déjà existant. Le Turkménistan est un pays « éternellement neutre » reconnu par l’ONU et la Chine est le premier pays à avoir établi un partenariat stratégique avec lui.

Le président Xi Jinping a présenté de manière globale et systématique les politiques extérieures du nouveau gouvernement chinois à l’égard de l’Asie centrale, soulignant que la Chine respectait le chemin de développement choisi par les populations des pays d’Asie centrale et que les deux parties devaient s’accorder l’une à l’autre un soutien ferme à propos des problèmes d’intérêt majeur tels que la souveraineté, l’intégrité territoriale, la sécurité et la stabilité. Il a fait passer à plusieurs reprises dans son discours le message que la Chine et les pays d’Asie centrale allaient se soutenir mutuellement et s’unir. Ce message expose clairement le principe fondamental selon lequel la Chine et les pays d’Asie centrale vont construire une « communauté de destin » et une « communauté d’intérêt ».

La Chine ne vise pas une « sphère d’influence »

L’Asie centrale est restée longtemps l’arrière-cour de la Russie et Moscou y a des intérêts politiques et sécuritaires particuliers qui restent irremplaçables. Après l’attentat des tours jumelles à New York, les États-Unis ont commencé à entrer dans cette région et y ont créé huit centres d’opération ou bases de ravitaillement. En 2005, une révolution de couleur a éclaté au Kirghizistan. Cela fait penser que la stratégie américaine en Asie centrale est de bâtir une deuxième Europe de l’Est qui se tienne à distance de la Chine et de la Russie. Le développement des relations entre la Chine et l’Asie centrale a également suscité des suspicions et des conjectures de la part des médias internationaux. Certains d’entre eux pensent que l’entrée de la Chine en Asie centrale témoigne de la volonté de celle-ci de se créer une zone d’influence géostratégique en Asie centrale.

La tournée du président Xi Jinping en Asie centrale a dissipé ces doutes et clarifié les intentions de la Chine dans ses relations avec les pays d’Asie centrale. Lors de son discours prononcé le 7 septembre à l’université Nazarbayev, Xi Jinping a souligné que « la Chine ne prendra jamais un rôle dominant dans les affaires régionales et n’essaiera pas d’imposer une sphère d’influence ». L’objectif stratégique chinois en Asie centrale est « de renforcer la confiance mutuelle avec les pays d’Asie centrale, de consolider l’amitié et de renforcer la coopération pour promouvoir un développement partagé et une propérité commune ».

Les relations de coopération étroite basées sur un « développement partagé » et une « prospérité commune » entre la Chine et les pays d’Asie centrale sont très vigoureuses. La région autour de la mer Caspienne recèle de riches ressources en pétrole et en gaz. L’exploitation de ces ressources est le pilier de l’économie en Asie centrale. La Chine est l’importateur le plus stable et le plus fiable à long terme des ressources en pétrole et en gaz de l’Asie centrale. En 2012, la Chine a consommé au total 127 milliards de m³ de gaz naturel, dont 25 milliards sont venus d’Asie centrale, soit 18% du gaz naturel consommé par la Chine. à l’heure actuelle, deux gazoducs reliant la Chine et l’Asie centrale fonctionnent. Le troisième qui transporte du gaz du Kazakhstan vers la Chine sera achevé avant la fin de cette année et entrera en service au début de l’année prochaine. Lors de la visite du président Xi Jinping au Turkménistan, la Chine et le Turkménistan ont conclu un accord sur la construction d’un quatrième gazoduc. Une fois achevé et mis en service, ce pipeline permettra au Turkménistan de livrer à la Chine 65 milliards de m³ chaque année. Si l’on y ajoute le gaz d’Ouzbékistan sur le passage du pipeline et celui transmis par le troisième pipeline venant du Kazakhstan, la Chine va importer chaque année 80 milliards de m3 de gaz de ces trois pays d’Asie centrale.

Résultat du renforcement des relations entre la Chine et les pays d’Asie centrale, les entreprises chinoises participent directement à l’exploitation des champs de pétrole et de gaz dans les pays d’Asie centrale. Lors de sa visite au Turkménistan, le président Xi Jinping a participé, avec le président Berdimuhamedow, à la cérémonie d’ouverture d’un champs gazier à l’exploitation duquel une entreprises chinoise sera associée. Pour bien exploiter et utiliser les ressources pétrolières, Xi Jinping a proposé de créer un club énergétique de l’Asie centrale destiné à coordonner les politiques et les intérêts en matière énergétique des pays de cette région.

Elaborer un plan grandiose de ceinture économique sur la Route de la Soie

Le 7 septembre, le président Xi Jinping a proposé de construire une ceinture économique sur la Route de la Soie lors de son discours prononcé à l’université Nazarbayev. Il s’agira d’une nouvelle zone de coopération eurasiatique allant du Pacifique à l’est à la Baltique à l’ouest.

Selon le gouvernement chinois, la ceinture économique sur la Route de la Soie peut être mise en place à travers les étapes suivantes. Premièrement, il faut renforcer la communication politique. Les pays concernés peuvent échanger leurs points de vue sur la stratégie du développement économique et discuter des plans et des mesures de coopération régionale. Deuxièmement, il faut améliorer le transport terrestre en construisant une voie reliant le Pacifique et la mer Baltique pour mettre en place progressivement un réseau desservant l’Asie de l’Est, l’Asie de l’Ouest et l’Asie du Sud. Troisièmement, il faut faciliter les échanges commerciaux. La ceinture économique sur la Route de la Soie compte au total 3 milliards d’habitants, l’envergure et le potentiel du marché sont immenses. Quatrièmement, il faut encourager la circulation des monnaies locales pour réaliser la convertibilité entre les différentes devises et faciliter les règlements effectués en monnaies locales dans le but de résister à la crise financière et d’élever la compétitivité des économies de cette région. Cinquièmement, il faut promouvoir les échanges amicaux entre les populations.

Il est encore trop tôt pour prédire l’impact que la ceinture économique produira sur la configuration économique mondiale actuelle. Mais une chose est sûre : après le TPP (Trans-Pacific Partnership Agreement) et le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) préconisés par les États-Unis et après la Communauté économique eurasiatique promue par la Russie, la ceinture économique sur la Route de la Soie fait entendre la voix de la Chine dans le processus d’intégration de l’économie mondiale.

*ZHU Feng est professeur à l’Institut des relations internationales de l’Université de Beijing.

 

 

 

 

 

 

 

 

Edité par  Yao Xiaodan
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