Relations sino-japonaises: le dégel nécessite sagesse politique et courage
2013-10-18 16:12:00
La Chine au présent
Zhu Feng

Depuis la « nationalisation » des îles Diaoyu décidée unilatéralement par le gouvernement Noda en septembre 2012, les relations sino-japonaises battent toujours de l’aile. Le gouvernement Abe, constitué le 26 décembre 2012, a adopté la même ligne offensive que son prédécesseur quant aux îles Diaoyu, refusant le dialogue avec la Chine. Dans cette dispute territoriale, Tokyo s’entête à dire « non » : non à l’existence même du litige, non à la concertation, et non à la mise de côté du différend. À l’heure actuelle, la Chine et le Japon revendiquent chacun la souveraineté sur les îles Diaoyu, de sorte que les navires officiels des deux pays patrouillent alternativement dans les eaux des îles Diaoyu. S’il arrivait que deux de ces vaisseaux entrent en collision, provoquant de lourds dommages humains et matériels, les tensions entre les deux pays sur les îles Diaoyu pourraient dégénérer en conflit militaire. Les deux gouvernements doivent donc faire preuve de sagesse politique et de courage, afin de sortir de cette impasse politique et diplomatique.

Quel avenir pour les relations sino-japonaises à l’ère d’Abe ?

Les rencontres politiques et le dialogue de haut niveau entre la Chine et le Japon avaient été interrompus pendant presque quatre ans, de 2001 à 2006, car M. Koizumi, alors en charge du cabinet, s’était rendu plusieurs fois au sanctuaire de Yasukuni durant son mandat, nonobstant les protestations de Beijing. Cependant, les relations économiques et sociales sino-japonaises, même à l’ère de Koizumi, n’avaient cessé de progresser. Le volume des échanges sino-japonais était passé de 187 milliards de dollars en 2001 à 240 milliards en 2006. Les relations sino-japonaises étaient alors caractérisées par « un froid sur le plan politique et un chaud sur le plan économique ». Le fait que le gouvernement de Koizumi ait prôné la visite au sanctuaire de Yasukuni reflète l’important changement qui s’est opéré au Japon dans sa « cognition de la Chine » à l’ère post-guerre froide, tout en montrant que celui-ci n’est pas prêt à appliquer une « diplomatie du pardon » envers son voisin.

La tension et la confrontation déjà présentes dans les relations sino-japonaises sous l’ère de Koizumi, il y a dix ans, se sont en fait amplifiées depuis la prise de fonction d’Abe au cabinet. Les controverses pour des questions historiques ont grossi aujourd’hui en différends territoriaux, qui touchent davantage aux intérêts et sentiments nationaux et menacent donc plus gravement la sécurité. De nos jours, la question des îles Diaoyu a dépassé le cadre du simple différend territorial et engendre tensions et méfiance dans les domaines politique, diplomatique, de la sécurité et de l’opinion publique. Les petites braises attisées par l’incident des îles Diaoyu pourraient donc se transformer en véritable brasier.

Le différend sur les îles Diaoyu entre la Chine et le Japon ne date pas d’hier. Au moment de l’établissement de leurs relations diplomatiques en 1972 et de la signature du Traité de paix et d’amitié entre la Chine et le Japon, les deux pays ont formulé le vœu commun de « mettre de côté ce différend et de laisser les générations futures le résoudre ». Depuis lors, la question des îles Diaoyu n’était pas souvent venue interférer dans les relations bilatérales. L’explosion actuelle du litige est ainsi fondamentalement attribuable au tournant qu’a pris le Japon dans sa stratégie envers la Chine et dans sa « cognition de la Chine ».

Surmonter le différend sur les îles Diaoyu : la clé pour sortir les relations sino-japonaises de l’impasse

Constitué de cinq îles inhabitées, l’archipel des Diaoyu recouvre une superficie de 3,6 km² seulement. De nombreux observateurs internationaux spéculent que le différend sino-japonais sur les îles Diaoyu est lié à leur position stratégique et aux riches ressources en hydrocarbures présentes dans les fonds marins. Mais il s’agit d’une vision partiale ignorant les faits.

La Chine s’appuie sur des preuves historiques indéniables pour revendiquer la souveraineté des îles Diaoyu. Après la Seconde Guerre mondiale, un nouvel ordre politique international a été établi pour l’Asie de l’Est avec la signature de documents internationaux, comme la Déclaration du Caire et la Proclamation de Potsdam. Ces textes ont privé officiellement le Japon des territoires asiatiques qu’il avait dérobés à travers son expansion militaire impérialiste d’avant-guerre. C’est la raison pour laquelle les États-Unis n’ont pas reconnu la souveraineté du Japon sur les îles Diaoyu, seulement leur administration japonaise. Depuis 1972, la majorité des gouvernements japonais ont reconnu le consensus conclu sur les îles Diaoyu entre la Chine et le Japon, c’est-à-dire « mettre de côté le différend ». Mais en 2009, le gouvernement japonais a soudainement changé d’attitude, essayant de nier l’existence du différend territorial entre la Chine et le Japon sur les îles Diaoyu et de mettre un terme à tout dialogue sur le sujet, dans l’intention d’en obtenir le contrôle effectif et la possession juridique. Cette manœuvre arrogante du gouvernement japonais a jeté une ombre sur les bonnes relations politiques bilatérales qu’avaient soigneusement cultivées les anciens hommes politiques chinois et japonais.

Ces dernières années, certains partis politiques japonais ont commencé à craindre que la montée de la Chine ne se transforme en une « menace stratégique » pour leur pays. Ainsi, faisant une croix sur le consensus antérieur, ils ont tenté de légaliser le contrôle du Japon sur les îles Diaoyu et de changer l’ordre actuel pourtant reconnu par la Chine et le Japon depuis longtemps.

Si cet obstacle que dresse la question des îles Diaoyu n’est pas surmonté, les relations bilatérales s’avanceront vers des perspectives sombres et criblées de facteurs dangereux. Aujourd’hui, le gouvernement Abe exploite le conflit sino-japonais sur les îles Diaoyu pour soutenir sa promesse électorale de premier ministre : celle du « retour du Japon », qui signifie la renaissance de la puissance japonaise sur les plans économique, politique et militaire. Néanmoins, inciter le nationalisme japonais sur la question des îles Diaoyu et tenir des discours révisionnistes sur des faits historiques comme celui des « femmes de réconfort » constituent un comportement inacceptable pour la communauté internationale.

Bientôt une période de « froid sur les plans politique et économique » ?

Depuis sa prise de fonction, le premier ministre Shinzo Abe a effectué des visites officielles dans 17 pays d’Asie, en proposant à chacun la construction d’une alliance visant spécifiquement à contenir la Chine. C’est d’ailleurs dans cet état d’esprit que le Japon s’était empressé de fournir une aide militaire aux Philippines et au Vietnam dans le soi-disant différend territorial en mer de Chine méridionale. Mais sur le plan intérieur, le gouvernement Abe va encore plus loin. Il a renforcé le déploiement militaire dans les îles du sud-ouest du pays, acheté des hélicoptères V-22 Osprey pour sa base d’Okinawa et projeté de constituer sa propre infanterie de marine. Par ailleurs, il se prépare à réviser le programme de défense nationale du Japon ainsi qu’à renforcer la R & D d’armes offensives, tout en recherchant ouvertement des missiles capables d’attaquer les bases ennemies. Autre initiative dangereuse du gouvernement Abe : celui-ci cherche à donner une nouvelle interprétation à l’article 9 de la Constitution japonaise, de sorte à s’arroger le droit formel d’exercer une auto-défense collective. Préparation militaire, refus opiniâtre de reconnaître le différend territorial sur les îles Diaoyu : ces phénomènes ont conduit dans l’impasse les relations politiques sino-japonaises.

Le différend entre la Chine et le Japon sur les îles Diaoyu est un fait universellement reconnu, que seul le gouvernement japonais s’obstine à nier. Cette objection permet au Japon de faire passer la Chine pour un « envahisseur » cherchant à intimider les autres pays. Ces calculs sont peut-être bien pensés par Tokyo, mais quelle place est accordée aux relations sino-japonaises ? La Chine et le Japon sont respectivement les deuxième et troisième économies du monde. Des relations amicales sont cruciales non seulement pour les deux pays, mais aussi pour l’économie mondiale, ainsi que pour la paix, la stabilité et la prospérité de la région Asie-Pacifique.

De plus, le commerce bilatéral entre la Chine et le Japon a été frappé de plein fouet par la crise persistante des îles Diaoyu. De janvier à juillet 2013, le volume total des échanges sino-japonais a baissé de 8,8 % par rapport à la même période de 2012 : les exportations chinoises vers le Japon ont reculé de 3,5 %, tandis que les importations chinoises du Japon ont chuté de 13,2 %. Si la tendance demeure, il va falloir s’attendre à ce que les relations sino-japonaises entrent dans une nouvelle ère, cette fois caractérisée par un « froid sur le plan politique comme sur le plan économique ».

Il est donc grand temps pour les hommes politiques chinois et japonais de manifester sagesse et courage. Le gouvernement Abe devrait admettre expressément l’existence du différend territorial sur les îles Diaoyu, et faire le pas d’entreprendre un dialogue avec la partie chinoise. Dans le même temps, les voies diplomatiques bilatérales à différents niveaux devraient être rouvertes, afin que les différents points de vue et préoccupations des deux pays puissent être réciproquement entendus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Edité par  Yao Xiaodan
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