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L’intervention publique : un des facteurs importants de l’émergence de trois types d’agglomération industrielle à Wuhan
2013-01-12 23:27:32
Etudes Françaises 2007/03
Wang Zhan (Université de Wu Han)

1. Introduction

L’agglomération industrielle date du début du 20e siècle et la notion a connu une évolution temporelle et spatiale. Chronologiquement, elle est divisée en trois grandes périodes : agglomération (Marshall A, 1920) pour la baisse de coût de revient, district industriel (Becattini G, 1978) pour la synergie d’inter firmes et cluster (Porter M, 1986) pour un modèle high-tech. Marshall met en accent la proximité géographique pour réduire le coût de transport. Becattini souligne la compétition et la coopération entre les firmes au système localisé. Porter accorde importance à l’interaction entre les firmes et les universités. Spatialement, le district industriel se trouve en 3e Italie alors que le cluster se situe à la Silicone Vallée. En Asie, les modèles s’avèrent divers mais ressemblent en majorité à ceux en Europe ou aux Etats-Unis.

On observe en Chine une diversité d’agglomérations : Guangdong (Qiu Hai Xiong, 2006), fonctionnant à destination de réexportation, Rue Electronique Zhong guang chun (Wang Ji Ci, 1997), se développant à l’instar de la Silicone Vallée, Zhejiang (Cheng Yu Ping, 2005), proche de la 3e Italie. Nous observons aussi de nouvelles formes de concentrations dont les modèles s’interposent tant que l’on ne pourra pas les définir en fonction des modèles conçus en Europe ou aux Etats-Unis. Cependant, la plupart des clusters chinois témoignent d’une particularité : présence de l’intervention publique. Ce qui est rarement observé dans les modèles occidentaux ou américains. On constate notamment que l’échelon local n’intervient dans la province du Zhejiang qu’avec une politique macroéconomique : attitude de laisser-faire la spontanéité de firmes. Mais dans la Guangdong, l’autonomie de l’échelon local constitue un facteur important pour l’agglomération. La Rue Zhong Guanchun n’émerge qu’à l’initiative locale de l’Arrondissement et que grace à la mise en place de politique d’ouverture.

Wuhan, situé au centre de Chine, a sa propre spécificité. Cette zone est marquée profondément par de vieilles structures industrielles. Mais on y voit se développer de nouvelles formes de développement dans le domaine de l’automobile et de l’opto. Ces agglomérations sont devenues un véritable enjeu de développement pour Wuhan.

2. Organisation publique

2.1. Contexte politique et économique : fin des années 80

Tout problème économique est en rapport avec les facteurs politiques et sociaux. Si les clusters ont pu émerger dans la 3e Italie sous forme de compétition et de coopération entre les PME, c’est que ces régions sont isolées et moins développées et que les acteurs sociaux ne sont pas différents des acteurs économiques. Le rapport ambivalent consiste à faire fonctionner les industries qui se complètent les unes les autres.

Wuhan a son propre parcours du développement. Depuis la montée au pouvoir du Parti Communiste en 1949, la planification a été imposée et toute activité économique est contrôlée. En 30 ans, la ville est dotée d’énormes budgets et la base d’industries lourdes se construit. Son PIB se place au 3e ou 4e rang national parmi les mégalopoles.

Cependant, au début 90, l’expansion se décline à cause de la politique de privatisation et de restructuration. La situation difficile a atteint son apogée en 1995. La plupart des firmes publiques sont en faillite, surtout dans l’industrie lourde. Les problèmes sociaux comme chômage se posent. Dans ce contexte, l’échelon local a lancé la politique d’agglomérations industrielles pour doper ou réactiver l’économie locale. Ce sont respectivement la Zone d’Automobile JV Dongfeng et PSA, la Zone de la Vallée Optoélectronique et les Parcs d’Industries Citadines.

2.2. Trois agglomérations

Zone d’auto : le gouvernement local a créé en 1991 la Zone de Développement Economique et Technique pour accueillir la JV Dongfeng-Citroën. L’ investissement dépasse 1 milliard de US dollars. Le rôle principal de la zone est de faciliter toutes les formalités administratives de JV en lui faisant profiter des avantages politiques. Elle a été approuvée en 1993 comme parc national[1] par le Conseil des Affaires d’Etat.

Au début 90, l’échelon central généralise la politique de réforme et Wuhan est effectivement entré en jeu avec l’autonomie. Vis-à-vis des difficultés apportées par l’ancienne structure industrielle, l’implantation JV est considérée comme remède au problème. D’ailleurs, le statut JV est le synonyme d’ouverture pour l’échelon local et l’investissement direct) de Citroën doit être accompagné d’une somme équivalente de l’échelon central. L’activité principale du parc se fait autour de la présence de PSA avec ses fournisseurs comme Valeo, Faurecia, Hutchinson etc. En 2005, le PIB de la zone est de 22 milliards de yuans avec un taux de croissance de l’ordre de 30%. Selon les statistiques effectuées en 2001 par le Ministère du Commerce Extérieur, le PIB, la valeur de production industrielle et la recette financière se placent parmi les 48 zones nationales respectivement aux 10e et 11e rangs.

En effet, il s’agit d’un modèle complexe de production. L’agglomération fonctionne autour de la spécialisation d’une entreprise en interconnexion avec des fournisseurs en amont ou clients en aval. Le JV s’adapte au comportement local qui s’habitue à un système de production se suffisant à lui-même. Dongfeng, partenaire de Citroën, est une grande entreprise publique qui se conforme aux impératifs du gouvernement.

Le JV n’a pas bien fonctionné depuis sa création. Les raisons sont multiples : instabilité du marché chinois du secteur avec une forte fluctuation ; mauvaise articulation avec ses fournisseurs telle que le cas extrême survenu lorsque Valeo a refusé la livraison à cause du recul répétitif de l’échéance ; différend entre les partenaires chinois et français au sein du JV. En année 2000, le JV a produit 36 240 voitures dont 33 364 ont été écoulées avec un CA de 3,5 milliards de yuans et une part de marché de 7%. C’est une période bénéfique pour le JV mais qui ne lui a permis de se placer qu’au 5e rang parmi les dix grands constructeurs chinois.

L’échelon local a considéré l’implantation comme un pilier du développement locale. Mais l’exploitation de la JV est loin de son attente malgré une contribution apportée pour la création d’emploi et l’impôt. Dans ce contexte, la politique prioritaire de la croissance s’est orientée vers un autre parc : la vallée optoélectronique.

Zone d’Optique : l’échelon local a configuré en 1984 le Bureau d’Aménagement de Zone d’Intensification d’Intelligence Donghu. L’idée d’industrialiser des inventions technologiques de laser et d’optique est proposée par les enseignants de l’Université des Sciences et Technologies du Centre Chine. L’échelon local espérait suivre le modèle de la Rue Zhong Guang Chun pour mettre en valeur “les cerveaux” et pour y créer un des pôles les plus puissants en Chine.

Le statut de la zone est complexe. Il existe des firmes publiques, d’économie mixte et privées, chinoises ou étrangères. On peut y voir des institutions comme les marchés d’échange de propriété intellectuelle et de brevets déposés, les expositions et le Centre d’Innovation de la Nouvelle Technique (Incubateur). Cette zone a été classée en mars 1991 parc high-tech au niveau national[2] avec l’approbation des autorités centrales. La zone est spécialisée dans la production optoélectroniques et informatique. En 2004, plus de 500 firmes ont réalisé le CA de 26 milliards de yuans et l’impôt de 1,52 milliards. Quelque 700 brevets ont été déposés dans la même année avec un taux de croissance de 40%. La part de marché des cables et des fibres optiques est dans la même année de 50% au niveau national.

A l’époque de la création, un bureau administratif y a été installé comme gérant de la zone. Il s’occupe notamment de prospection et d’aide à la création de firmes high-tech. D’ailleurs, le marché des produits optoélectronique est assez limité bien que les firmes puissent en réaliser des bénéfices.

Avec ce statut, le bureau n’est qu’un coordinateur entre plusieurs niveaux : la municipalité, l’arrondissement et les firmes. Il est un porteur de message politique sans avoir le droit d’autoriser le terrain industriel aux firmes implantées. Pour l’obtention, elles sont obligées de contacter l’arrondissement pour la demande. En octobre 1988, Zone de Développement de Nouvelles Technologies Donghu a été autorisée par l’échelon local. La Commission d’Administration y a été créée pour gouverner la zone. La décision est prise selon l’expansion du marché optoélectronique. Mais le besoin est encore assez limité sur le marché. Seulement quelques firmes monopolistes avec brevet réalisent le bénéfice. La Société Tianyu, partenaire de Sagem, est une des premières firmes fabriquant des circuits intégrés. N’étant pas classées au niveau national ni high-tech, les firmes ne peuvent pas bénéficier de politiques d’avantages. Le rôle de gérant s’avère aussi “sensible”. Situé à l’intérieur de l’Arrondissement Hongshan, la Commission n’a pas de compétence d’administration bien que sa hiérarchie corresponde à celle d’arrondissement. Elle ne s’occupe que du registre de commerce et d’industrie sans avoir l’autorisation de l’aménagement du territoire. Les implantations sont obligées de déposer la demande de terrain industriel auprès de l’Arrondissement. Le prix foncier est un des facteurs avantageux pour les firmes.

En mars 1991, la zone a été classée au niveau national high-tech[3] avec l’approbation de l’échelon central. Mais comme la JV Citroën est en processus de démarrage, le centre d’intérêt de l’échelon local y a été déplacé. Ce n’est qu’au milieu des années 90 que l’échelon local a repositionné sa politique prioritaire sur la Vallée Optique lorsque la zone d’automobile n’a pas mieux fonctionné. Depuis, la Commission a remplacé progressivement l’Arrondissement et a commencé à être un réel acteur d’activités économiques. En 2000, elle a fixé son propre plan quinquennal (2001-2005) avec des objectifs à atteindre : 100 milliards de yuans de revenus, 4 entreprises géantes avec le CA de10 milliards de yuans. Ces ambitions s’avèrent bonnes mais révèlent en même temps qu’en dépit de la libéralisation, l’intervention publique est encore présente à l’intérieur de la Chine malgré qu’il s’agisse d’un plan de concertation ou directif.

Zone d’Industries Citadines : elle a été créée en 2001 dans l’Arrondissement Qingshan avec à peine 4 firmes privées, ayant pour objectif de transformer les entreprises clandestines en firmes ayant un statut juridique. En 2002, ce modèle est suivi par tous les arrondissements pour résoudre des problèmes de chômage. En 2004, 4 parcs au niveau municipal sont créés à caractère de concentration de PME avec un CA annuel de 5 millions de yuans.

La réussite de redynamiser les anciens locaux a permis à l’échelon local d’amorcer en 2004 le programme du Parc d’Industries Citadines. L’avantage est que le financement en infrastructures est moins élevé et que le terrain et le mur sont disponibles. Notamment, les parcs se trouvent en général au centre ville car ce sont d’anciens locaux de firmes publiques établies au sein du système planifié et se trouvant en faillite lors du passage à la libéralisation. Ainsi une surface de 9,57 millions m2dont 3,02 millions de m2de bâtiments est disponible. Ayant le désir de réactiver ces ressources disponibles et de résoudre les problèmes de chômage, l’échelon local intervient en créant cette nouvelle forme d’agglomération et tente de combiner toutes les ressources pour restructurer les industries locales sous la forme de cluster. D’ailleurs, le loyer des terrains au centre ville augmente considérablement avec l’urbanisation.

Les parcs citadins sont créés avec un triple objectif : relancer l’économie locale, réactiver les locaux disponibles et remédier au problème de chômage. Pour ce faire, l’échelon local a mis en place une série de politiques d’avantages pour attirer les implantations[4]. Quelques critères de création du parc sont extraits pour nos analyses.

La privatisation de firmes publiques doit être acheminée et les chômeurs sont intégrés à la sécurité sociale.

Les implantations se doivent d’embaucher en 3 ans les chômeurs des anciennes firmes publiques, lesquels représentent 30 % de l’effectif total.

Les firmes se doivent de payer 10 millions d’impôts par an.

Nous constatons que les conditions de la création portent surtout sur les problèmes sociaux : le chômage. L’objectif de la privatisation des anciennes firmes publiques n’est pas réellement la priorité de l’échelon local, car ces firmes ne fonctionnent plus depuis plus de 10 ans. Ce qui s’avère important, c’est l’intégration des chômeurs à la sécurité sociale. Parallèlement, une obligation est imposée aux firmes s’y implantant : recrutement de 30 % de chômeurs dans l’effectif total. Pourtant, ces prescriptions s’accompagnent également de plusieurs avantages. En plus d’exonération et réduction fiscales, une partie de l’impôt perçue par l’échelon local sera retournée au parc pour améliorer les infrastructures. Les firmes répondant aux critères de 30% de recrutement de chômeurs bénéficient aussi du “retour” de l’impôt payé.

Comme les parcs citadins sont dispersés dans les 7 arrondissements de Wuhan, la gouvernance s’avère compliquée. Tout d’abord, le nombre important des parcs rend difficile la création d`une commission d’administration spéciale. La gouvernance se partage entre plusieurs niveaux hiérarchiques. L’administration politique comme fiscalité, aménagement et infrastructure se fait à la municipalité dont la responsabilité est confiée au Comité Economique de Wuhan. Les procédures administratives comme le registre et la contribution s’effectuent se font à l’arrondissement où se trouvent les parcs. Quant au financement et au fonctionnement, Société Limitée d’Investissement et de Développement d’Industries Citadines de Wuhan (SLIDICW) a été créée avec le capital cent pour cent étatique. L’investissement total se compte en 366 millions de yuans. Deux actionnaires sont représentés par Centre de Réserve Foncière[5] avec la part de 96.17% et SLIDICW avec la part de 3.83%. Lors de la création du parc, la société intervient avec le fond de réserve pour le rachat de terrain d’anciennes firmes publiques en faillite, l’indemnisation des chômeurs, les remboursements des dettes des firmes, la restauration d’infrastructures et l’installation d’équipements.

Dans ce modèle, l’intervention de l’échelon central n’est pas du tout observée. L’échelon local est un acteur autonome vis-à-vis du réaménagement industriel. La prise de décision, les politiques accordées et les critères imposés lui reviennent de droit. A la différence des modèles du Zhejiang et du Guangdong qui prenaient une position de laisser-aller dans les clusters, l’échelon local se montre puissant et très impliqué dans l’organisation en privilégiant la restructuration d’industries publiques et la politique de création d’emplois ainsi que la solution du chômage.

3. Conclusion

Nous constatons que le contexte historique et politique à Wuhan se traduit par une forte présence de l’intervention publique. La zone auto en est la preuve. Avec la mise en place de la politique d’ouverture, l’échelon local commence à entrer dans le jeu économique. Dans l’agglomération optoélectronique et notamment dans la concentration d’industries citadines, l’échelon local est impliqué d’une façon ou d’une autre en fonction de sa compétence accordée par l’échelon central. Cela ressemble à la prise du relais entre les deux échelons. Le local se procure de plus en plus d’autonomie économique pour le développement local.

En somme, l’échelon local intervient de manière différente avec un rôle de micro régulateur en conformité avec la politique de macro contrôle de l’échelon central.

 

 

 

 

[1]En vertu du classement du parc industriel, quatre catégories sont attribuées par l’ordre en Chine : niveau national, niveau régional, niveau municipal et le niveau du district.

[2]Selon les critères établis par l’Etat, les zones high-tech à l’échelon national bénéficient de plus de politiques d`avantages que les zones de développement économique et technologique.

[3]Ibid..

[4]“市人民政府办公厅关于进一步加快推进都市工业园区建设和发展的若干意见”, 武政办[2004]85 , 2004.5.1

[5]Un bureau administratif de la municipalité. Sa fonction principale est de gérer le fond de réserve foncière(地储备资金) qui est composé de trois apporteurs : crédits bancaires, une partie du revenu provenant d’achat, revente et location de terrain, transfert budgétaire.

 

 

 

Bibliographie :

[1]Porter M, Competitive Advantage, New York, Free Press, traduction française L’avantage concurrentiel, Paris Intereditions, 1986.

[2]Marshall ALocalisation industrielle, 1909.

[3]Marshall APrinciples of Economics, London, Macmillan, 1920.

[4]Becattini G, The development of light industry in Tuscany: an interpretation, 1978, in Economic Notes.

[5]Qiu Hai Xiong, Xu Jiang Niu, Regional Government Behaviors in the Technical Innovation of Industrial Clusters, in “Industrial Clusters in China”, N°4, Edition d’Industrie Mécanique, P44-58.

[6]陈玉平等, 长江三角洲地区高新技术产业集群国际竞争力分析,载《中国产业集群》第三辑,机械工业出版社,2005, P95.

[7]王缉慈,中关村高新技术区域发展的危机和对策,原载景体华《北京经济形势分析与预测 1997 年经济蓝皮书》, 首都师范大学出版社, 1997








Edité par Yao Xiaodan
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