1. Introduction
L’agglomération
industrielle date du début du 20e siècle et la notion a connu une évolution temporelle
et spatiale. Chronologiquement, elle est divisée en trois grandes périodes : agglomération
(Marshall A, 1920) pour la baisse de coût de revient, district industriel
(Becattini G, 1978) pour la synergie d’inter firmes et cluster (Porter M, 1986)
pour un modèle high-tech. Marshall met en accent la proximité géographique pour
réduire le coût de transport. Becattini souligne la compétition et la
coopération entre les firmes au système localisé. Porter accorde importance à
l’interaction entre les firmes et les universités. Spatialement, le district
industriel se trouve en 3e Italie alors que le cluster se situe à la Silicone
Vallée. En Asie, les modèles s’avèrent divers mais ressemblent en majorité à
ceux en Europe ou aux Etats-Unis.
On
observe en Chine une diversité d’agglomérations : Guangdong (Qiu Hai Xiong, 2006), fonctionnant
à destination de réexportation, Rue Electronique Zhong guang chun (Wang Ji Ci, 1997),
se développant à l’instar de la Silicone Vallée, Zhejiang (Cheng Yu Ping,
2005), proche de la 3e Italie. Nous observons aussi de nouvelles formes de concentrations
dont les modèles s’interposent tant que l’on ne pourra pas les définir en
fonction des modèles conçus en Europe ou aux Etats-Unis. Cependant, la plupart
des clusters chinois témoignent d’une particularité : présence de
l’intervention publique. Ce qui est rarement observé dans les modèles
occidentaux ou américains. On constate notamment que l’échelon local
n’intervient dans la province du Zhejiang qu’avec une politique macroéconomique
: attitude de laisser-faire la spontanéité de firmes. Mais dans la Guangdong,
l’autonomie de l’échelon local constitue un facteur important pour
l’agglomération. La Rue Zhong Guanchun n’émerge qu’à l’initiative locale de
l’Arrondissement et que grace à la mise en place de politique d’ouverture.
Wuhan,
situé au centre de Chine, a sa propre spécificité. Cette zone est marquée profondément
par de vieilles structures industrielles. Mais on y voit se développer de
nouvelles formes de développement dans le domaine de l’automobile et de l’opto.
Ces agglomérations sont devenues un véritable enjeu de développement pour
Wuhan.
2. Organisation publique
2.1. Contexte politique et économique :
fin des années 80
Tout
problème économique est en rapport avec les facteurs politiques et sociaux. Si
les clusters ont pu émerger dans la 3e Italie sous forme de compétition et de
coopération entre les PME, c’est que ces régions sont isolées et moins
développées et que les acteurs sociaux ne sont pas différents des acteurs
économiques. Le rapport ambivalent consiste à faire fonctionner les industries
qui se complètent les unes les autres.
Wuhan
a son propre parcours du développement. Depuis la montée au pouvoir du Parti Communiste
en 1949, la planification a été imposée et toute activité économique est
contrôlée. En 30 ans, la ville est dotée d’énormes budgets et la base
d’industries lourdes se construit. Son PIB se place au 3e ou 4e rang national
parmi les mégalopoles.
Cependant,
au début 90, l’expansion se décline à cause de la politique de privatisation et
de restructuration. La situation difficile a atteint son apogée en 1995. La
plupart des firmes publiques sont en faillite, surtout dans l’industrie lourde.
Les problèmes sociaux comme chômage se posent. Dans ce contexte, l’échelon
local a lancé la politique d’agglomérations industrielles pour doper ou
réactiver l’économie locale. Ce sont respectivement la Zone d’Automobile JV
Dongfeng et PSA, la Zone de la Vallée
Optoélectronique et les Parcs d’Industries Citadines.
2.2. Trois agglomérations
Zone d’auto : le gouvernement
local a créé en 1991 la Zone de Développement Economique et Technique pour
accueillir la JV Dongfeng-Citroën. L’ investissement dépasse 1 milliard de US
dollars. Le rôle principal de la zone est de faciliter toutes les formalités administratives
de JV en lui faisant profiter des avantages politiques. Elle a été approuvée en 1993
comme parc national[1] par le Conseil des Affaires d’Etat.
Au
début 90, l’échelon central généralise la politique de réforme et Wuhan est effectivement
entré en jeu avec l’autonomie. Vis-à-vis des difficultés apportées par
l’ancienne structure industrielle, l’implantation JV est considérée comme
remède au problème. D’ailleurs, le statut JV est le synonyme d’ouverture pour
l’échelon local et l’investissement direct) de Citroën doit être accompagné
d’une somme équivalente de l’échelon central. L’activité principale du parc se
fait autour de la présence de PSA avec ses fournisseurs comme Valeo, Faurecia,
Hutchinson etc. En 2005, le PIB de la zone est de 22 milliards de yuans avec un
taux de croissance de l’ordre de 30%. Selon les statistiques effectuées en 2001
par le Ministère du Commerce Extérieur, le PIB, la valeur de production
industrielle et la recette financière se placent parmi les 48 zones nationales
respectivement aux 10e et 11e rangs.
En
effet, il s’agit d’un modèle complexe de production. L’agglomération fonctionne
autour de la spécialisation d’une entreprise en interconnexion avec des
fournisseurs en amont ou clients en aval. Le JV s’adapte au comportement local
qui s’habitue à un système de production se suffisant à lui-même. Dongfeng,
partenaire de Citroën, est une grande entreprise publique qui se conforme aux
impératifs du gouvernement.
Le JV
n’a pas bien fonctionné depuis sa création. Les raisons sont multiples :
instabilité du marché chinois du secteur avec une forte fluctuation ; mauvaise
articulation avec ses fournisseurs telle que le cas extrême survenu lorsque
Valeo a refusé la livraison à cause du recul répétitif de l’échéance ;
différend entre les partenaires chinois et français au sein du JV. En année 2000,
le JV a produit 36 240 voitures dont 33 364 ont été écoulées avec un CA de 3,5
milliards de yuans et une part de marché de 7%. C’est une période bénéfique
pour le JV mais qui ne lui a permis de se placer qu’au 5e rang parmi les dix
grands constructeurs chinois.
L’échelon
local a considéré l’implantation comme un pilier du développement locale. Mais l’exploitation
de la JV est loin de son attente malgré une contribution apportée pour la
création d’emploi et l’impôt. Dans ce contexte, la politique prioritaire de la
croissance s’est orientée vers un autre parc : la vallée optoélectronique.
Zone d’Optique :
l’échelon local a configuré en 1984 le Bureau
d’Aménagement de Zone d’Intensification d’Intelligence Donghu. L’idée
d’industrialiser des inventions technologiques de laser et d’optique est
proposée par les enseignants de l’Université des Sciences et Technologies du
Centre Chine. L’échelon local espérait suivre le modèle de la Rue Zhong Guang
Chun pour mettre en valeur “les cerveaux” et pour y créer un des pôles les plus puissants
en Chine.
Le
statut de la zone est complexe. Il existe des firmes publiques, d’économie
mixte et privées, chinoises ou étrangères. On peut y voir des institutions
comme les marchés d’échange de propriété intellectuelle et de brevets déposés,
les expositions et le Centre d’Innovation de la Nouvelle Technique
(Incubateur). Cette zone a été classée en mars 1991 parc high-tech au niveau
national[2] avec l’approbation des autorités centrales. La zone est spécialisée
dans la production optoélectroniques et informatique. En 2004, plus de 500
firmes ont réalisé le CA de 26 milliards de yuans et l’impôt de 1,52 milliards.
Quelque 700 brevets ont été déposés dans la même année avec un taux de
croissance de 40%. La part de marché des cables et des fibres optiques est dans
la même année de 50% au niveau national.
A
l’époque de la création, un bureau administratif y a été installé comme gérant
de la zone. Il s’occupe notamment de prospection et d’aide à la création de
firmes high-tech. D’ailleurs, le marché des produits optoélectronique est assez
limité bien que les firmes puissent en réaliser des bénéfices.
Avec
ce statut, le bureau n’est qu’un coordinateur entre plusieurs niveaux : la
municipalité, l’arrondissement et les firmes. Il est un porteur de message
politique sans avoir le droit d’autoriser le terrain industriel aux firmes
implantées. Pour l’obtention, elles sont obligées de contacter l’arrondissement
pour la demande. En octobre 1988, Zone
de Développement de Nouvelles Technologies Donghu a été autorisée par
l’échelon local. La Commission d’Administration y a été créée pour gouverner la
zone. La décision est prise selon l’expansion du marché optoélectronique. Mais
le besoin est encore assez limité sur le marché. Seulement quelques firmes
monopolistes avec brevet réalisent le bénéfice. La Société Tianyu, partenaire
de Sagem, est une des premières firmes fabriquant des circuits intégrés.
N’étant pas classées au niveau national ni high-tech, les firmes ne peuvent pas
bénéficier de politiques d’avantages. Le rôle de gérant s’avère aussi
“sensible”. Situé à l’intérieur de l’Arrondissement Hongshan, la Commission n’a
pas de compétence d’administration bien que sa hiérarchie corresponde à celle d’arrondissement.
Elle ne s’occupe que du registre de commerce et d’industrie sans avoir l’autorisation
de l’aménagement du territoire. Les implantations sont obligées de déposer la demande
de terrain industriel auprès de l’Arrondissement. Le prix foncier est un des
facteurs avantageux pour les firmes.
En
mars 1991, la zone a été classée au niveau national high-tech[3] avec
l’approbation de l’échelon central. Mais comme la JV Citroën est en processus
de démarrage, le centre d’intérêt de l’échelon local y a été déplacé. Ce n’est
qu’au milieu des années 90 que l’échelon local a repositionné sa politique
prioritaire sur la Vallée Optique lorsque la zone d’automobile n’a pas mieux
fonctionné. Depuis, la Commission a remplacé progressivement l’Arrondissement
et a commencé à être un réel acteur d’activités économiques. En 2000, elle a
fixé son propre plan quinquennal (2001-2005) avec des objectifs à atteindre :
100 milliards de yuans de revenus, 4 entreprises géantes avec le CA de10
milliards de yuans. Ces ambitions s’avèrent bonnes mais révèlent en même temps
qu’en dépit de la libéralisation, l’intervention publique est encore présente à
l’intérieur de la Chine malgré qu’il s’agisse d’un plan de concertation ou
directif.
Zone d’Industries Citadines :
elle a été créée en 2001 dans l’Arrondissement Qingshan avec à peine 4 firmes
privées, ayant pour objectif de transformer les entreprises clandestines en firmes
ayant un statut juridique. En 2002, ce modèle est suivi par tous les
arrondissements pour résoudre des problèmes de chômage. En 2004, 4 parcs au
niveau municipal sont créés à caractère de concentration de PME avec un CA
annuel de 5 millions de yuans.
La
réussite de redynamiser les anciens locaux a permis à l’échelon local d’amorcer
en 2004 le programme du Parc d’Industries Citadines. L’avantage est que le
financement en infrastructures est moins élevé et que le terrain et le mur sont
disponibles. Notamment, les parcs se trouvent en général au centre ville car ce
sont d’anciens locaux de firmes publiques établies au sein du système planifié
et se trouvant en faillite lors du passage à la libéralisation. Ainsi une surface
de 9,57 millions m2dont 3,02 millions de m2de bâtiments est disponible. Ayant
le désir de réactiver ces ressources disponibles et de résoudre les problèmes
de chômage, l’échelon local intervient en créant cette nouvelle forme
d’agglomération et tente de combiner toutes les ressources pour restructurer les
industries locales sous la forme de cluster. D’ailleurs, le loyer des terrains
au centre ville augmente considérablement avec l’urbanisation.
Les
parcs citadins sont créés avec un triple objectif : relancer l’économie locale,
réactiver les locaux disponibles et remédier au problème de chômage. Pour ce
faire, l’échelon local a mis en place une série de politiques d’avantages pour
attirer les implantations[4]. Quelques critères de création du parc sont
extraits pour nos analyses.
● La privatisation
de firmes publiques doit être acheminée et les chômeurs sont intégrés à la
sécurité sociale.
● Les implantations se doivent
d’embaucher en 3 ans les chômeurs des anciennes firmes publiques, lesquels
représentent 30 % de l’effectif total.
●
Les firmes se doivent de payer 10 millions d’impôts par an.
Nous
constatons que les conditions de la création portent surtout sur les problèmes
sociaux : le chômage. L’objectif de la privatisation des anciennes firmes
publiques n’est pas réellement la priorité de l’échelon local, car ces firmes
ne fonctionnent plus depuis plus de 10 ans. Ce qui s’avère important, c’est
l’intégration des chômeurs à la sécurité sociale. Parallèlement, une obligation
est imposée aux firmes s’y implantant : recrutement de 30 % de chômeurs dans l’effectif
total. Pourtant, ces prescriptions s’accompagnent également de plusieurs
avantages. En plus d’exonération et réduction fiscales, une partie de l’impôt
perçue par l’échelon local sera retournée au parc pour améliorer les
infrastructures. Les firmes répondant aux critères de 30% de recrutement de
chômeurs bénéficient aussi du “retour” de l’impôt payé.
Comme
les parcs citadins sont dispersés dans les 7 arrondissements de Wuhan, la gouvernance
s’avère compliquée. Tout d’abord, le nombre important des parcs rend difficile
la création d`une commission d’administration spéciale. La gouvernance se
partage entre plusieurs niveaux hiérarchiques. L’administration politique comme
fiscalité, aménagement et infrastructure se fait à la municipalité dont la
responsabilité est confiée au Comité Economique de Wuhan. Les procédures
administratives comme le registre et la contribution s’effectuent se font à
l’arrondissement où se trouvent les parcs. Quant au financement et au
fonctionnement, Société Limitée d’Investissement et de Développement
d’Industries Citadines de Wuhan (SLIDICW) a été créée avec le capital cent pour
cent étatique. L’investissement total se compte en 366 millions de yuans. Deux
actionnaires sont représentés par Centre de Réserve Foncière[5] avec la part de
96.17% et SLIDICW avec la part de 3.83%. Lors de la création du parc, la
société intervient avec le fond de réserve pour le rachat de terrain
d’anciennes firmes publiques en faillite, l’indemnisation des chômeurs, les
remboursements des dettes des firmes, la restauration d’infrastructures et
l’installation d’équipements.
Dans
ce modèle, l’intervention de l’échelon central n’est pas du tout observée.
L’échelon local est un acteur autonome vis-à-vis du réaménagement industriel.
La prise de décision, les politiques accordées et les critères imposés lui
reviennent de droit. A la différence des modèles du Zhejiang et du Guangdong
qui prenaient une position de laisser-aller dans les clusters, l’échelon local
se montre puissant et très impliqué dans l’organisation en privilégiant la
restructuration d’industries publiques et la politique de création d’emplois
ainsi que la solution du chômage.
3. Conclusion
Nous
constatons que le contexte historique et politique à Wuhan se traduit par une
forte présence de l’intervention publique. La zone auto en est la preuve. Avec
la mise en place de la politique d’ouverture, l’échelon local commence à entrer
dans le jeu économique. Dans l’agglomération optoélectronique et notamment dans
la concentration d’industries citadines, l’échelon local est impliqué d’une
façon ou d’une autre en fonction de sa compétence accordée par l’échelon
central. Cela ressemble à la prise du relais entre les deux échelons. Le local
se procure de plus en plus d’autonomie économique pour le développement local.
En
somme, l’échelon local intervient de manière différente avec un rôle de micro
régulateur en conformité avec la politique de macro contrôle de l’échelon
central.
[1]En vertu du classement du parc
industriel, quatre catégories sont attribuées par l’ordre en Chine : niveau national,
niveau régional, niveau municipal et le niveau du district.
[2]Selon
les critères établis par l’Etat, les zones high-tech à l’échelon national
bénéficient de plus de politiques d`avantages que les zones de développement
économique et technologique.
[3]Ibid..
[4]“市人民政府办公厅关于进一步加快推进都市工业园区建设和发展的若干意见”, 武政办[2004]85 号, 2004.5.1
[5]Un
bureau administratif de la municipalité. Sa fonction principale est de gérer le
fond de réserve foncière(土 地储备资金) qui est composé de trois apporteurs :
crédits bancaires, une partie du revenu provenant d’achat, revente et location
de terrain, transfert budgétaire.
Bibliographie :
[1]Porter
M, Competitive Advantage, New York, Free Press, traduction française L’avantage
concurrentiel, Paris Intereditions, 1986.
[2]Marshall
A,Localisation
industrielle, 1909.
[3]Marshall
A,Principles of
Economics, London, Macmillan, 1920.
[4]Becattini
G, The development of light industry in Tuscany: an interpretation, 1978, in
Economic Notes.
[5]Qiu
Hai Xiong, Xu Jiang Niu, Regional Government Behaviors in the Technical
Innovation of Industrial Clusters, in “Industrial Clusters in China”, N°4,
Edition d’Industrie Mécanique, P44-58.
[6]陈玉平等, 长江三角洲地区高新技术产业集群国际竞争力分析,载《中国产业集群》第三辑,机械工业出版社,,2005, P95.
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