"Le monde a besoin d'une coopération plus étroite entre la Chine et les États-Unis. A l'échelle européenne, Jean Monnet et les autres pères fondateurs de l'Europe unie avaient bien compris tous les risques inhérents au nationalisme et aux maux dérivés que sont le protectionnisme et la course aux armements", souligne Gilles Grin, directeur de la Fondation Jean Monnet pour l'Europe, lors d'une interview écrite accordée récemment à Xinhua.
Basée à Lausanne, en Suisse, la Fondation Jean Monnet pour l'Europe a été créée en 1978 pour recueillir l'ensemble des archives de Jean Monnet, père fondateur de l'Union européenne. Dans la réponse à l'interview, M. Grin explique pourquoi le monde a besoin d'une coopération sino-américaine plus étroite, et en quoi l'Europe doit se montrer plus solidaire avec ses Etats membres.
"Je déplore personnellement la façon dont l'administration américaine actuelle a géré sa relation avec la Chine. Même si certains thèmes commerciaux et monétaires peuvent tout à fait être mis sur la table, la façon de le faire sous le sceau de l'unilatéralisme et de la pression permanente n'est pas digne du respect que l'on doit à un grand partenaire", analyse-t-il.
"Il ne faut pas souhaiter que les relations sino-américaines se dégradent encore", ajoute-t-il, en rappelant qu'il est absurde de se demander quelle est la nationalité d'un virus. Pour lui, "les questions sanitaires - et environnementales - globales appellent des réponses coordonnées globales".
En outre, les coûts programmés de la pandémie aux Etats-Unis risquent de rendre l'administration actuelle "encore plus virulente dans sa volonté d'en faire payer les coûts aux autres", craint le directeur de la Fondation Jean Monnet pour l'Europe, basée à Lausanne, en Suisse. Si l'élection d'une administration démocrate en novembre 2020 ne réglera pas tous les problèmes d'un "coup de baguette magique", elle serait de nature à "détendre les relations internationales".
Pour une Europe unie
Sur l'ancien continent, à l'heure où les pays sont "divisés" et agissent sans coordination suffisante, c'est l'avenir du projet européen qui est remis en question, selon Gilles Grin. En effet, il estime que les coups de canif répétés contre la solidarité nécessaire entre États membres de l'UE ne seront pas "indéfiniment sans effet".
Il y avait chez les fondateurs de l'Europe la double constante de vouloir développer à l'intérieur "un ordre juridique et institutionnel qui soutient les valeurs du continent, rendant impossible toute nouvelle guerre fratricide et promeut le bien-être économique d'ensemble", rappelle-t-il. Un succès dû au fait que les États membres ont décidé de régler les problèmes en favorisant leur intérêt commun, constate Gilles Grin, qui craint que le succès de la construction européenne "ne puisse pas survivre si une majorité d'Etats européens opte pour une doctrine nationaliste".
L'après-crise
"La Chine a été et reste à la pointe du combat contre le COVID-19", estime-t-il. Comme le virus est un ennemi invisible, de l'humanité tout entière, la Chine et d'autres pays combattent pour le bien commun de l'humanité et "un hommage doit leur être rendu", explique-t-il. Si au début de l'épidémie, les mesures de confinement à large échelle initiées en Chine avaient pu sembler impossibles à mettre en œuvre en Europe, l'urgence sanitaire a pourtant conduit les Européens à aller dans la même direction selon lui.
Si les considérations sanitaires ont primé dans le monde, la tension avec les impératifs économiques va s'exacerber plus la crise durera, avertit-il toutefois. "Pour qu'une politique efficace de distanciation sociale puisse fonctionner, il faut que les citoyens l'acceptent". Et d'appeler à observer de très près ce qui se passe en Chine en matière de déconfinement. Le directeur de la Fondation Jean Monnet ne croit cependant pas qu'il existe une façon universelle de trancher cette question.
La grande question sera de savoir si, une fois la crise passée, un retour à la situation antérieure se fera. "Les leçons tirées de la lutte contre le terrorisme depuis environ deux décennies tendraient à montrer que l'on n'en reviendra pas à la situation d'avant". Il observe que les grandes crises globales semblent réaffirmer le pouvoir régalien des Etats.
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