Une crise sanitaire du type de celle que nous vivons, à savoir le COVID-19, "ne va pas stopper le mouvement inhérent de globalisation aux sociétés humaines depuis des siècles", estime Gilles Grin, directeur de la Fondation Jean Monnet pour l'Europe basée à Lausanne, en Suisse, dans une interview écrite exclusive accordée à Xinhua.
"Pour les Européens, la situation actuelle offre des similitudes avec la Grande Dépression de 1929 et la crise financière de 2008", observe-t-il, ajoutant que l'Europe n'est pas seule dans le monde et qu'elle ne peut pas s'isoler des grands chocs globaux causés par la pandémie actuelle.
"Au moment de la Grande Dépression de 1929 dominait encore largement le dogme économique du libéralisme ancien où l'Etat ne devait pas assumer de fonction macroéconomique stabilisatrice. Dans la gestion de la crise de 2008 comme dans celle du COVID-19, il est assumé que la réaction publique doit être forte. Ceci est positif en terme de stabilisation économique, mais au prix d'un gonflement des dettes publiques", selon Gilles Grin.
Les conséquences économiques de la pandémie seront considérables dans le monde comme en Europe. A ce stade, on ne connaît pas encore le chemin de sortie de la situation de confinement. "Il semble acquis que l'Union européenne et la Suisse entreront en récession. On ignore la profondeur et la durée de cette récession", poursuit-il. "Plus le confinement sera prolongé, plus les conséquences économiques seront grandes."
La crise actuelle est en train de révéler aux Européens "leurs vulnérabilités dans l'approvisionnement de certains équipements stratégiques", par exemple dans le domaine médical, et leur rappelle l'importance d'une forme d'autosuffisance alimentaire, indique l'expert qui souligne que "des réorganisations dans les chaînes de valeur sont ainsi probables".
Par contre, M. Grin pense qu'une crise sanitaire de ce type ne va pas stopper le mouvement de globalisation inhérent, car, "historiquement, les Etats-Unis ont succédé à l'Europe, puis les pays d'Asie aux Etats-Unis comme 'usine du monde'. Les pays d'Asie devraient conserver leur statut global, même si certains ajustements se produiront".
Selon lui, la crise qui s'esquisse actuellement risque de renforcer encore, comme en 2010-2015, le fossé Nord-Sud au sein de l'UE. Mais c'est à ses yeux un "devoir d'humanité pour les pays du Nord de ne pas laisser tomber leurs voisins du Sud".
"C'est aussi leur intérêt bien pensé de le faire, car ils bénéficient énormément des retombées économiques du marché intérieur et de l'union monétaire - sans doute les deux plus grands acquis du processus historique initié en 1950 par la Déclaration Schuman conçue par Jean Monnet. Dans les faits, les pays de l'UE forment une communauté de destin", explique-t-il.
En ce qui concerne les relations sino-européennes, Gilles Grin indique que "l'aide apportée par la Chine à l'Europe va assurément rester dans les mémoires", ajoutant que "les autres pays du monde pourront ainsi bénéficier des expériences chinoises".
"Au vu des grands enjeux globaux toujours plus pressants comme le climat, le maintien de la biodiversité, la lutte contre le surarmement et maintenant la santé globale, on voit qu'aucun Etat ne peut les gérer seul. Le monde a besoin de plus de solidarité bien comprise et cela devrait aussi, selon moi, influencer les relations entre la Chine et l'UE", conclut-il.
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