L'effet positif de l'AIIB sur la concurrence financière internationale
2015-04-15 09:40:00
china.org.cn
Ding Yifan

Depuis quelques jours, la création de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures (AIIB) fait couler beaucoup d'encre dans la presse internationale, non pas parce qu'elle annonce l'arrivée d'une nouvelle ère économique, mais parce qu'en dépit de l'opposition des Etats-Unis à cette initiative, leurs alliés européens et asiatiques ont tout de même tenu à se joindre à l'institution mise en place par la Chine. Est-ce un signe du déclin des Etats-Unis qui avaient jusqu'alors pour habitude de dicter la conduite de leurs alliés ? Quoi qu'il en soit, c'est la thèse défendue par Larry Summers, ancien secrétaire du Trésor américain et ancien conseiller économique du président Obama, qui critique la position du gouvernement américain, selon lui incapable de fournir des biens publics internationaux et d'offrir cette opportunité à la Chine.

Officiellement, la Chine a pris l'initiative de créer une banque d'investissement dans les infrastructures en 2014, une proposition qui fut immédiatement applaudie par une vingtaine de pays asiatiques. En octobre, ces derniers ont donc signé un protocole d'entente et ont décidé que la date butoir pour rejoindre l'AIIB en tant que membre fondateur serait fixée au 31 mars 2015.

L'attitude des pays asiatiques au sujet de la création d'une nouvelle banque reflète bien l'ampleur de leurs besoins dans le domaine des investissements pour la construction d'infrastructures. En effet, l'émergence de l'Asie dans l'économie mondiale depuis la fin du siècle dernier est telle que certains parlent du 21e siècle comme du « siècle asiatique ». Pour maintenir le rythme de la croissance économique en Asie, beaucoup de pays asiatiques doivent toutefois repousser les limites liées à l'imperfection de leurs infrastructures. On estime que le besoin d'investissement dans les infrastructures en Asie atteindra plus de 8000 milliards de dollars américains dans les dix ans à venir, soit en moyenne 750 milliards par an. Les institutions financières régionales et mondiales actuelles, tels que la Banque asiatique de développement et la Banque mondiale, sont toutefois incapables de combler ce manque. La Banque asiatique de développement, par exemple, est dotée d'une capacité de crédit de seulement 13 milliards de dollars par an et est fortement sollicitée, notamment pour lutter contre la pauvreté. Il en est de même pour la Banque mondiale.

Il faut dire que le mode de fonctionnement de ces deux banques, mais aussi celui du Fonds monétaire international (FMI), est en quelque sorte désuet et ne répond pas aux besoins des nouvelles économies émergeantes, ni reflète les besoins de l'économie mondiale actuelle. Prenons le cas de la Banque asiatique de développement. Le droit de vote de la Chine au sein de la banque est trois fois inférieur à celui du Japon, alors que l'économie chinoise fait déjà le double de celle du Japon. Même si le Congrès américain approuve la réforme des quotes-parts de vote au sein de la Banque mondiale et du FMI, le droit de vote de la Chine ne représentera toujours que le tiers de celui des Etats-Unis, alors que selon le FMI et la Banque mondiale, la Chine aurait dépassé les Etats-Unis en 2014 en termes de PIB en parité de pouvoir d'achat. Dans de telles circonstances, comment peut-on envisager que la Chine ne prenne pas l'initiative de créer de nouvelles institutions financières internationales, et qu'elle se contente des institutions existantes ? Compte tenu des résultats obtenus par la Chine dans le domaine de la construction d'infrastructures ces dernières années (9 des 12 plus grands ponts du monde, le plus long réseau de TGV du monde, etc.) et de ses réserves colossales en devises étrangères (environ 4000 milliards de dollars), la Chine est capable de faire bénéficier le reste du monde de ses capacités de construction d'infrastructures. En outre, la création de la nouvelle banque asiatique est favorable pour la nouvelle route de la soie, une autre initiative chinoise qui suscite beaucoup d'intérêt, aussi bien en Asie qu'en Europe.

Par ailleurs, l'opinion publique internationale a constaté avec surprise que malgré les avertissements émis par le gouvernement américain, qui ne voit pas d'un bon œil que d'autres pays se joignent à l'initiative chinoise, de nombreux pays européens ont tout de même tenu à faire leur demande d'adhésion avant la date limite, le 31 mars, en vue de participer à la création de la banque en tant que membre fondateur. Ces pays sont des puissances économiques traditionnelles et ils ne veulent pas ignorer la croissance asiatique. En participant à l'AIIB, les pays européens peuvent non seulement réaliser des profits financiers, mais aussi avoir accès à un marché colossal dans le domaine de la construction d'infrastructures. La participation des pays européens a également donné plus de crédibilité à l'AIIB, ce qui pourrait faire baisser le coût de son financement, si elle voulait lancer des emprunts sur le marché international des capitaux. C'est donc une situation gagnant-gagnant.

Même si la Chine ne prétend pas vouloir concurrencer le système de Bretton Woods en créant la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, d'aucuns pensent que cette nouvelle institution aura un effet positif sur la concurrence dans l'actuel système financier international, en forçant d'autres organismes, tels la Banque mondiale ou les banques de développement régionales, à devenir plus compétitives et plus efficaces. La création de l'AIIB semble donc être une bonne chose pour la gouvernance globale.

Auteur : Ding Yifan, chercheur au Centre de recherche sur le développement du Conseil des affaires d'Etat de Chine.

 

 

 

 

 

 

 

 

Edité par  Yao Xiaodan
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