"C'était le meilleur et le pire de tous les temps", écrivait le romancier anglais Charles Dickens en 1859, évoquant les frissons et les espoirs suscités par la révolution industrielle.
Un siècle et demi plus tard, c'est encore un monde de contradictions, engendré par une nouvelle vague de révolutions industrielles et technologiques, observa le président chinois Xi Jinping lors de sa première participation au Forum économique mondial début 2017.
Les défis mondiaux, allant des conflits régionaux au terrorisme en passant par l'élargissement des écarts de revenus et le changement climatique, ont amené l'humanité à un carrefour de solutions conflictuelles : mondialisation ou antimondialisation, multilatéralisme ou unilatéralisme, intégration ou isolement ?
A l'heure où certains se replient sur l'option plus facile de l'unilatéralisme et de l'isolationnisme, le président chinois s'est livré à une défense énergique du multilatéralisme pour rendre la mondialisation économique plus revigorée, plus inclusive et plus durable.
Cet engagement a été réitéré lors de la dernière visite à l'étranger de M. Xi, laquelle l'a conduit en Grèce pour une visite d'Etat et au Brésil pour le 11e sommet des BRICS la semaine dernière et a été témoin de son appel à des efforts mondiaux pour défendre le multilatéralisme et orienter le monde vers la vision d'une "communauté de destin pour l'humanité".
UN CARREFOUR HISTORIQUE
"Nous nous réunissons à un moment où l'économie mondiale et le paysage international évoluent de manière cruciale", a déclaré M. Xi au récent sommet des BRICS, un bloc de marchés émergents regroupant le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud.
Alors que les dirigeants de cinq des plus grandes économies émergentes se rencontraient à Brasilia, le monde était assombri par des sujets d'inquiétude : les tensions commerciales et les incertitudes politiques pesaient sur l'économie mondiale, mais certains responsables politiques ignoraient toujours le fait que notre planète se réchauffe, le Royaume-Uni n'en finissait plus de divorcer de l'Union européenne et la Syrie était plongée dans une guerre déjà longue de huit ans.
Ce n'était pas la première fois que le président chinois sonnait l'alarme au sujet de la situation cruciale dans laquelle se trouve notre humanité.
"Qu'est-ce qui ne va pas dans le monde ?", a demandé M. Xi lors du rassemblement annuel du Forum économique mondial à Davos en janvier 2017, une grande question à laquelle le monde entier réfléchissait.
La réponse du président chinois a été que le monde subissait de profonds changements tels qu'on en avait pas vu depuis un siècle.
Il a exposé ses observations lors de la Réunion des dirigeants des économies de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) tenue en novembre 2018 en Papouasie-Nouvelle-Guinée :
Si la mondialisation économique progresse, la croissance mondiale est toutefois assombrie par le protectionnisme et l'unilatéralisme ; une nouvelle révolution dans les domaines de la science, de la technologie et de l'industrie est en préparation, mais les anciens moteurs doivent encore être remplacés par de nouveaux ; le paysage international connaît de profonds changements, mais les déséquilibres en matière de développement restent à résoudre ; enfin, la réforme du système de gouvernance mondiale prend certes de l'ampleur, mais l'amélioration de son efficacité reste un défi majeur.
Pour souligner la situation toujours critique à laquelle l'humanité est confrontée, M. Xi a eu recours à plusieurs reprises à l'analogie du carrefour.
"L'humanité se trouve à nouveau à un carrefour", a-t-il déclaré.
Quelle direction choisir ? Coopération ou confrontation ? Ouverture ou fermeture de sa porte ? Progrès gagnant-gagnant ou jeu à somme nulle ?
Au milieu d'une myriade de changements, une chose est tout de même sûre : il est aussi impossible d'inverser la tendance à la mondialisation que de rediriger les eaux de l'océan vers des lacs et des criques isolés. Dans le monde d'aujourd'hui, aucun pays ne peut rester à l'écart pour ne s'occuper que de lui-même.
Lors du sommet de l'APEC en Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui eut lieu à bord d'un paquebot de croisière amarré à Port Moresby, M. Xi a déclaré : "Nous sommes tous des passagers dans le même bateau".
DANS LE MEME BATEAU
Pour aider le monde à aller de l'avant malgré les épreuves et les difficultés, M. Xi a proposé l'Initiative "la Ceinture et la Route" (ICR), et a avancé l'idée de construire une communauté de destin pour l'humanité, deux éléments essentiels de ce que l'on surnomme désormais la "Xiplomatie. "
Preuve de la popularité croissante de ces idées à travers le monde, plus de 160 pays et organisations internationales ont de fait signé des documents de coopération relatifs à l'ICR avec la Chine, et la vision d'avenir du président Xi est de plus en plus souvent intégrée aux résolutions des Nations Unies.
"C'est en réfléchissant sur le moyen d'amener les pays du monde à nouer des relations basées sur les consultations, les bénéfices partagés, l'harmonie dans la diversité et la coopération mutuellement profitable dans un contexte de préoccupations et d'intérêts divergents que j'ai eu l'idée de proposer la construction d'une communauté de destin pour l'humanité et de 'la Ceinture et la Route'", a déclaré M. Xi au secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, en marge du sommet du G20 qui s'est tenu en novembre 2018 à Buenos Aires, en Argentine.
Pour tous les pays du monde, renforcer la coopération multilatérale est le meilleur choix possible face aux nombreux défis mondiaux qui se posent à eux, a déclaré M. Xi.
Dans cette optique, M. Xi considère que le développement de son pays est indissociable de celui du reste du monde. "La Chine ne réussira que lorsque le monde entier réussira", a-t-il souligné.
Les experts ont de fait observé que Beijing appliquait une politique étrangère plus engageante, en s'efforçant notamment de créer un environnement international stable pour permettre son propre développement, et en prenant acte de ses responsabilités internationales à mesure qu'elle se dirige vers le devant de la scène.
"Si je devais choisir un seul mot pour illustrer la politique étrangère de la Chine sous la présidence de Xi Jinping, je choisirais 'engagé', ou encore 'proactif'", a indiqué Robert Kuhn, un éminent spécialiste américain de la Chine.
La diplomatie engagée de la Chine est la marque distinctive de la présidence de M. Xi, a déclaré M. Kuhn, qui suit attentivement chaque voyage du président chinois à l'étranger.
La diplomatie chinoise connaît en outre actuellement une "inflexion" - qui est notamment liée à la détermination de Xi Jinping à défendre le multilatéralisme - en passant d'une attitude réactive à une attitude proactive en matière de relations internationales, a souligné l'expert, qui est également président de la Fondation Kuhn.
Aux yeux de l'ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin, qui a rencontré M. Xi une dizaine de fois, le président chinois est avant tout un homme plein de passion.
M. Raffarin a notamment évoqué une réunion sur la gouvernance mondiale à laquelle M. Xi a participé en mars dernier durant sa visite en France, aux côtés du président français Emmanuel Macron, de la chancelière allemande Angela Merkel et du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.
Au cours de la réunion, M. Xi s'est engagé à défendre le multilatéralisme, et a souligné que la Chine et l'Europe étaient deux forces majeures du monde, et constituaient en conséquence des acteurs et des constructeurs clé de la mondialisation économique.
Cette réunion était la première étape de la construction du "nouveau multilatéralisme du 21e siècle", a souligné M. Raffarin.
La gouvernance mondiale a connu des transformations, si bien le système multilatéral actuel, vieux de plus de 70 ans, a clairement besoin d'un nouvel élan, a-t-il indiqué.
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