La Conférence sur le dialogue des civilisations asiatiques (CDCA) qui s'ouvre mercredi à Beijing est un événement majeur survenant dans un contexte marqué par l'ouverture d'"une nouvelle trajectoire pour l'humanité", estime récemment Nkolo Foé, ancien vice-président du Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA).
"Une conférence internationale sur les civilisations aujourd'hui, c'est forcément un événement majeur, de portée non seulement locale, certes, mais aussi internationale", souligne l'expert camerounais dans une interview écrite exclusive à Xinhua.
Ayant pour thème "Les échanges et la compréhension mutuelle entre les civilisations asiatiques et une communauté de destin", la CDCA doit attirer plus de 2.000 responsables gouvernementaux et représentants de divers milieux venus de 47 pays asiatiques et de pays extérieurs à la région, ainsi que la directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay, selon les organisateurs.
"Un nouvel ordre mondial est en train de s'écrire, sous nos yeux", pense M. Foé. "Et c'est l'Asie qui ouvre cette 'nouvelle trajectoire pour l'humanité', dont on parle beaucoup en Asie."
En tant que spécialiste en transitions culturelles postmodernes, il rappelle qu'au cours des dernières années, les observateurs avisés de l'histoire mondiale ont su discerner les frémissements de ce nouvel ordre mondial.
Selon lui, il est incontestable que ladite nouvelle ère qu'incarne l'Asie "est porteuse de bouleversements majeurs qui changeront, j'en suis sûr, le visage du monde".
Le professeur titulaire à l'Ecole normale supérieure de Yaoundé, dont il a dirigé le département de philosophie, note que malgré l'émergence des civilisations asiatiques, les leaders de l'Asie contemporaine assurent que l'affirmation de leur région comme nouveau pôle de civilisation ne signifie pas forcément l'éviction du calife pour prendre la place du calife.
"Il s'agit de tout autre chose : rappeler à l'humanité tout entière qu'il existe d'autres modes de pensée, d'autres sensibilités, d'autres conceptions de la personne humaine et de la société, d'autres modes d'appréhension de l'économie et de la propriété, d'autres approches de l'Etat et de la démocratie, d'autres perspectives de la destinée humaine et d'autres types de rapports à la spiritualité", estime-t-il.
D'après M. Foé, l'enjeu majeur de la CDCA, c'est que l'Occident doit apprendre à coexister avec d'autres formes culturelles et d'autres formes d'organisation de l'Etat et de la société.
En ce qui concerne les relations sino-africaines, M. Foé a des attentes spécifiques.
Il existe à ses yeux des "similitudes frappantes" entre la politique internationale de la Chine d'aujourd'hui et les idéaux de la conférence de Bandung, qui avait réuni les grandes nations d'Afrique et d'Asie en Indonésie en avril 1955, marquant l'entrée sur la scène internationale des pays du "tiers monde".
Cette conférence à laquelle avait activement pris part le Premier ministre chinois Zhou Enlai avait étudié attentivement le rôle de l'Asie et de l'Afrique dans le monde et examiné les moyens grâce auxquels les peuples des deux continents pouvaient réaliser une coopération plus étroite sur les plans économique, culturel et politique s'appuyant sur les intérêts mutuels et le respect de la souveraineté nationale, rapelle-t-il.
Pour M. Foé, Bandung a accordé une place centrale aux questions culturelles. Les dirigeants présents étaient en effet convaincus que le développement de la coopération culturelle constituait un outil puissant susceptible de favoriser l'entente entre les nations. A juste titre, la conférence a rappelé un fait historique majeur, à savoir que l'Afrique et l'Asie ont été les berceaux de grandes civilisations. Les participants ont souligné en même temps la contribution de ces civilisations aux progrès de l'humanité.
Ce fut l'occasion de saluer les "fondements spirituels universels" de ces civilisations, tout en regrettant le fait que les contacts culturels entre les pays asiatiques et africains aient été interrompus au cours des derniers siècles, alors que ces échanges avaient été extrêmement intenses dans l'Antiquité, déplore-t-il.
Le renouveau de la Chine permet aujourd'hui de rétablir les liens interrompus entre les deux continents. Il faut donc saluer l'engagement des autorités chinoises, qui ont multiplié des initiatives en direction de l'Afrique, en particulier, dans le cadre de l'Initiative la Ceinture et la Route (ICR), selon Nkolo Foé.
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