"Nous sommes pour le moment dans une érosion de la biodiversité à une vitesse jamais vue auparavant", a déclaré le professeur d'écologie à l'Université de Franche-Comté Patrick Giraudoux à la veille du Congrès mondial de la Nature de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui se tient à Marseille du 3 au 11 septembre.
Selon cet écologue français, "tous les gouvernements des grandes puissances sont d'accord pour aller de l'avant" et en prendre conscience, mais l'enjeu consiste à "savoir ce qui sera fait dans la réalité".
On ne sait pas bien mais on pense qu'il y a environ 10 à 15 millions d'espèce sur Terre, et ces espèces elles-mêmes sont diverses génétiquement. Et "nous sommes pour le moment dans une érosion de la biodiversité à une vitesse jamais vue auparavant, même dans les temps géologiques. C'est important car chaque espèce qui disparaît ne peut pas être reconstruite", a évoqué M. Giraudoux lors d'une interview accordée à Xinhua.
Les espèces, a-t-il souligné, sont issues de plus de 3 milliards d'années d'évolution et on ne pourra pas les refaire. C'est "préoccupant" de perdre des espèces.
"Par exemple, prenons l'exemple de la Tour Eiffel. C'est un gros machin fait avec plein de ferrailles, également avec des dizaine de milliers de boulons", a expliqué M. Giraudoux. "Si on enlève un boulon, ça ne change rien ... on peut enlever des boulons petit à petit sans que la Tour Eiffel ne s'écroule, mais il va arriver un moment où on va enlever un boulon, pas le dernier mais on ne sait pas lequel, et le bâtiment va s'écrouler. Ou bien à cause d'un coup de vent, on aura enlevé trop de boulons", a-t-il dit.
Pour les écosystèmes c'est pareil, a estimé le professeur, chaque espèce y a un emploi et chaque fois qu'on enlève une espèce de l'écosystème, on le fragilise, ce qui le rend dangereux dans la mesure où son fonctionnement peut s'écrouler et les services qu'il rend à l'humanité ne pourront plus être assurés et c'est irréversible car on ne peut pas reconstruire les espèces qui disparaissent.
"Je pense que pratiquement tous les gouvernements des grandes puissances sont d'accord pour aller de l'avant" et en prendre conscience, et "je ne doute pas de la volonté politique qui est partagée par la plupart des gens raisonnables qui savent ce qu'est la biodiversité et le risque qu'on prend en facilitant son érosion, maintenant il faudra la traduire dans les faits", a-t-il révélé.
Selon lui, on peut déjà "attendre une évaluation lucide de l'état des lieux" sur la biodiversité, c'est ce qui nous dit l'UICN, quelles sont les espèces qui sont menacées, à quelle vitesse elles le sont, etc. Ensuite il y a les décisions qui pourront être prises par les gouvernements et cela sera suite à ce qui se décidera à la 15e réunion de la Conférence des Parties (COP15) à la Convention sur la diversité biologique (CDB) à Kunming en Chine.
"Nous bénéficions globalement d'un momentum qui fait que les gouvernements ont pris conscience qu'il y avait un gros problème, poussés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et le Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES)", a raconté M. Giraudoux, "il faudra le traduire en décisions politiques auxquelles il faudra faire adhérer les populations du monde, chacun dans son système a sa propre manière de travailler mais l'enjeu est là".
L'écologue a lié la biodiversité avec la pandémie de COVID-19, qui reste intense au monde. "La pandémie est une sorte de leçon et c'est une conséquence directe des atteintes à la biodiversité d'une certaine manière, c'est un fait qui est avéré. On se met en danger en ne protégeant pas la biodiversité, à tous les niveaux et à toutes les échelles", a-t-il dit.
Depuis longtemps, c'est avec des programmes de recherche que M. Giraudoux participe activement à la coopération internationale pour la conservation de la biodiversité.
"Je travaille sur deux axes principaux. Un premier axe dans le domaine de la santé publique, avec le Center For Disease Control (CDC) de Chengdu sur une maladie qu'on appelle l'échinococcus alvéolaire, qui est extrêmement fréquente notamment sur le plateau tibétain et ses contreforts", a-t-il confié, "nous avons la même maladie en France dans le Jura. On a commencé à travailler sur l'écologie de cette maladie en France puis une fois que nous avons acquis assez de connaissances, nous les avons partagées avec nos collègues chinois dans des provinces de l'Ouest, dont le Xinjiang, le Ningxia, le Sichuan, le Gansu."
"Entre temps nous avons développé des relations avec des collègues qui travaillent dans la biologie de la conservation, notamment de l'Université des Finances et de l'Economie du Yunnan à Kunming et là on travaille sur des questions de biologie de la conservation, essentiellement sur deux espèces. Une première qui s'appelle le rhinopithèque de Biet et sur les éléphants secondairement", a poursuivi M. Giraudoux.
En Chine, a dit le professeur français, "la prise de conscience est devenue énorme", et maintenant la protection de l'environnement et des espèces là-bas est "une des priorités majeures". "Nous sommes bloqués des deux côtés" à cause de la COVID-19. "Nos terrains sont gelés. Bien sûr on continue à travailler en visioconférence et à co-écrire des articles mais on attend avec impatience de pouvoir reprendre les échanges physiques pour être sur des terrains communs", a-t-il conclu. Fin
Source : Xinhuanet
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