Le mausolée de l'empereur Wen de Han identifié
2022-02-09 14:42:00
Lu Hang

  

  Des figurines en poterie découvertes dans une fosse funéraire extérieure au mausolée de Ba  Photo par l'Académie d'archéologie du Shaanxi

  Le mausolée de Ba de l'empereur Wen de Han (r. 180-157 avant J.-C.), le troisième empereur de la dynastie des Han occidentaux (206 avant notre ère-8 de notre ère), a été identifié, a annoncé le 14 décembre l'Administration nationale du patrimoine culturel de Chine (NCHA). Il s'agit d'un mausolée de grande envergure situé dans la plaine du cerf blanc à Xi'an, dans la province du Shaanxi, précédemment connu sous le nom de Grande Tombe de Jiangcun. Cette nouvelle est rapidement devenue un sujet d'actualité sur les médias sociaux. 

  Une tombe mystérieuse 

  La plaine du cerf blanc était également connue dans l'histoire sous le nom de Bashang, étant donné qu'elle donne sur la rivière Ba. Le village de Jiangcun, dans la plaine du cerf blanc, est récemment devenu célèbre pour avoir abrité cette grande tombe.

  Le 14 décembre, les journalistes de CSST ont visité le site archéologique de la Grande Tombe de Jiangcun. En descendant les marches, près de 1 000 figurines en poterie de la dynastie des Han étaient empilées à même le sol. Ces figurines  mesurent de 50 à 60 centimètres de haut, soit un tiers de la taille d'un être humain. Elles ont été fabriquées en respectant les proportions du corps humain, et ont été méticuleusement travaillées. Avec des expressions variées, l’aspect de chaque figurine est unique. Un examen plus approfondi révèle que les caractéristiques sexuelles de ces figurines sont facilement reconnaissables. Même les figurines d'eunuques sont facilement reconnaissables.

  Au total, 115 fosses funéraires extérieures disposées autour de la Grande Tombe de Jiangcun ont été découvertes jusqu'à présent, dont huit ont été fouillées par les archéologues. Plus de 1 000 figurines en poterie habillées, plus de 3 000 artefacts en or, argent, cuivre, fer et argile, ainsi que de nombreux objets en laque ont été exhumés de ces huit fosses. Les archéologues ont également découvert de nombreux sceaux officiels qui étaient réservés aux défunts, cette découverte indique que les fosses funéraires extérieures autour de la Grande Tombe de Jiangcun imitaient de véritables bureaux et trésors gouvernementaux.

  Au tournant des XXe et XXIe siècles, les tombes et sites anciens des dynasties Han et Tang (618-907) à Xi'an et Xianyang [une ville de la province du Shaanxi] ont été fréquemment pillés par des pilleurs de tombes. En 2001, un pilleur de tombes nommé Zhang Xiaoyan a excavé et volé 180 figurines de poterie "nues" de la dynastie des Han occidentaux dans la plaine du cerf blanc. Certaines de ces figurines ont été vendues à l'étranger. En mars 2002, la police du Shaanxi a appris que six figurines noires en poterie "nues" déterrées à Xi'an allaient être présentées le lendemain à une vente aux enchères de Sotheby's aux États-Unis. Le gouvernement provincial de Shaanxi a demandé d'aide auprès du ministère de la Sécurité publique, de la NCHA et d'autres ministères. Jiao Nanfeng, chef de l'équipe archéologique du mausolée de Yang à l'époque, a été chargé par la NCHA de négocier directement avec Sotheby's. L'ambassade de Chine, par les moyens diplomatiques, a finalement mis un terme à la transaction. En 2003, les États-Unis ont restitué à la Chine ces six figurines.

  Hormis la surface noire, la forme et la taille de ces six figurines sont presque identiques aux figurines en poterie habillées déterrées dans le mausolée de Yang, tombeau de l'empereur Jing de Han (r. 157-141 avant J.-C.), situé à Xianyang. Par la suite, le ministère de la Sécurité publique a lancé une enquête sur l'origine de ces six figurines, et a finalement démontré qu'elles avaient été volées par Zhang Xiaoyan. Zhang a avoué le vol de ces figurines dans une ancienne tombe à Jiangcun. La noirceur à la surface de ces figurines peut avoir été causée par la combustion de charbon de bois lors d'un pillage antérieur. De 2006 à 2009, des archéologues ont lancé des fouilles de sauvetage dans le village de Jiangcun. Ils ont été surpris de découvrir une tombe de grande taille comportant quatre allées [conduisant à l'entrée de la chambre funéraire]. Avant que l'identité du propriétaire de la tombe ne soit confirmée, cette tombe a été appelée la Grande Tombe de Jiangcun par les archéologues.

  Les détails archéologiques

  Les anciens Chinois pensaient que les défunts devaient être assistés comme s'ils étaient vivants. C'est pourquoi de nombreuses tombes anciennes sont conçues à l’imitation du monde réel qu’ont connu de leur vivant les propriétaires de la tombe. La disposition du mausolée de Ba ressemble au caractère chinois "亞", et la chambre funéraire a une longueur d'environ 72 mètres.

  Pourquoi les figurines de poterie enterrées dans les fosses extérieures sont-elles nues ? Selon Cao Long, chercheur associé à l'Académie d'archéologie du Shaanxi, ces figurines devraient être appelées "figurines de poterie habillées-nues". Il explique que lorsque ces figurines ont été enterrées, elles avaient des bras en bois qui s'inséraient dans leur corps par des joints à rotule, et elles étaient habillées de vêtements en soie ou en lin conformément aux statuts sociaux qu'elles représentaient. Cependant, après avoir été enterrées sous terre pendant plus de 2 000 ans, leurs vêtements et leurs bras en bois se sont décomposés. C'est pourquoi ces figurines sont devenues "nues".

  Ma Yongying, chercheur à l'Académie d'archéologie du Shaanxi, a noté que, d'après les découvertes archéologiques de ces dernières années, la plupart des figurines en poterie habillées-nues ont été mises au jour dans les tombes des empereurs et impératrices de la dynastie des Han. Il s'agissait d'objets funéraires de haut niveau destinés exclusivement aux membres de la famille impériale.

  Dans les fosses funéraires extérieures, les archéologues ont découvert pour la première fois des figurines en poterie représentant des prisonniers enchaînés par le cou, les poignets et les chevilles. Ces figurines symbolisent le travail de corvée qui a été imposé pour mener à terme la construction du mausolée. Zhu Chenlu, chercheur assistant à l'Académie d'archéologie du Shaanxi, a expliqué en indiquant une figurine : "Regardez, cette figurine féminine porte une pince en fer [un instrument de torture dans la Chine antique] autour du cou, et son crâne rasé est un symbole de la décalvation [peine qui consistait à couper les cheveux du délinquant]."

  L'équipe archéologique a exploré finement la périphérie de la Grande Tombe de Jiangcun et a découvert un mur en terre battue d'environ 1 200 mètres de long d'est en ouest et de 860 mètres de long du nord au sud, qui entoure conjointement la Grande Tombe de Jiangcun et le mausolée de l'impératrice Dou [épouse de l'empereur Wen]. Sur la base de ces découvertes, l'équipe estime que la Grande Tombe de Jiangcun est, en termes de disposition et d'échelle, similaire aux autres mausolées des empereurs de la dynastie des Han occidentaux, tels que le mausolée Chang de l'empereur Gaozu, le mausolée Yang de l'empereur Jing et le mausolée de l'empereur Wu. De plus, à l'appui des documents historiques, les experts ont finalement confirmé qu'il s'agissait de la véritable tombe de l'empereur Wen.

  La fin des rumeurs

  Les documents anciens indiquaient grossièrement que le mausolée de l'empereur Wen se trouvait à Fenghuangzui (bec de phénix), une colline située à l'ouest de la plaine du cerf blanc, mais son emplacement exact demeurait inconnu.

  Fenghuangzui ressemble à un tertre funéraire, au pied du quel, il y a plus de dix anciennes tablettes de pierre, dont l'une comporte l’inscription "Mausolée de Ba de l'empereur Wen de Han" formulée par Bi Yuanyin, gouverneur de la dynastie des Qing dans la province du Shaanxi.

  Dans la première moitié du XXe siècle, de nombreux experts chinois et étrangers ont inspecté successivement Fenghuangzui. Tous croyaient qu'il était le mausolée de Ba. Au début du XXIe siècle, les archéologues ont exploré Fenghuangzui à plusieurs reprises, mais ils n'y ont trouvé aucune relique ressemblant à une tombe, ni même aucun indice de construction.

  Tout au long de l'histoire, il y a toujours eu des experts qui ont douté que le mausolée de Ba soit situé à Fenghuangzui, en partie parce que les mausolées impériaux de la dynastie des Han occidentaux étaient généralement construits au bord d'un plateau de lœss et que l'ensemble du cimetière était relativement plat. Cependant, Fenghuangzui se situe 230 mètres plus haut que le point le plus bas du cimetière, ce qui indique qu'il serait difficile de construire des fosses funéraires extérieures, des bâtiments rituels et d'autres installations. Une autre raison est que Fenghuangzui est trop éloigné du mausolée de l'impératrice Dou. Selon la tradition établie des mausolées impériaux de la dynastie des Han, les tombes du couple impérial ne devaient pas être éloignées les unes des autres. Par exemple, les mausolées de l'empereur Hui et de son épouse ne sont distants que de 260 mètres. Le mausolée de l'empereur Gaozu est à 280 mètres de celui de son épouse l'impératrice Lyu. En revanche, les mausolées de l'impératrice Dou et de Fenghuangzui sont distants de plus de 2 000 mètres.

  De plus en plus d'archéologues ont commencé à faire l’hypothèse que la Grande Tombe de Jiangcun était en réalité le mausolée de l'Empereur Wen. "Bien que nous en soyons assez certains, nous devons fournir des preuves. Nous avons besoin de plus de preuves archéologiques avant d'annoncer officiellement cette nouvelle", a déclaré Ma Yongying.

  La Grande Tombe de Jiangcun est située à 800 mètres du mausolée de l'impératrice Dou. Un mur de terre battue entoure la Grande Tombe de Jiangcun et le mausolée de l'impératrice Dou dans un grand cimetière, ce qui correspond à la tradition de la dynastie des Han selon laquelle le couple impérial doit être enterré ensemble. Ces caractéristiques sont également conformes à ce qui est écrit dans les Mémoires historiques de Sima Qian. Un grand nombre de reliques culturelles déterrées dans le mausolée de Ba confirment également l'ancienne croyance stipulant que le mausolée impérial "devait imiter le véritable empire de la dynastie des Han occidentaux". Ces découvertes ont mis fin à la vieille rumeur selon laquelle l'emplacement du mausolée de Ba se trouve à Fenghuangzui.

  La découverte de l'emplacement réel du mausolée de Ba est également liée au pillage en 2016 de la tombe de Dame Gouyi, une concubine de l'empereur Wu de Han. Après un an d'enquête, la police chinoise a arrêté 91 personnes soupçonnées d'être des pilleurs de tombes et de procéder à la contrebande d'antiquités. La police a également récupéré plus de 1 100 reliques culturelles. Il s'est avéré qu'un grand nombre des reliques récupérées provenaient de la Grande Tombe de Jiangcun.

  Lors d'un séminaire il y a cinq ans, certains ont cru pouvoir plaisanter en affirmant que les pilleurs de tombes étaient les véritables découvreurs du mausolée de Ba. Cette affirmation a été vertement rejetée par Jiao Nanfeng : " Toute découverte archéologique ne consiste pas simplement à voir, encore moins à creuser ou à piller des tombes ; elle consiste avant tout à voir, à comprendre et à fournir des explications scientifiques. " Le pillage de tombes est un crime grave, et cause souvent des dommages irréversibles à une culture historique. Une grande quantité d'informations historiques et culturelles peut en effet être perdue à tout jamais. Les archéologues sont les gardiens de l'histoire et de la culture, et la recherche archéologique vise à sauvegarder les vestiges culturels de manière planifiée et scientifique.

  En raison d'un manque de professionnels extrême et de l'énorme charge de travail, de nombreux sites et tombes de premier ordre ont été pillés et détruits avant qu’un travail d'exploration archéologique ne puisse être entrepris. Ce n'est que lorsque l'État accordera les moyens de renforcer la protection des vestiges culturels et la recherche archéologique, et permettra aux services de protection des vestiges culturels et à la recherche archéologique de travailler en amont des projets d'infrastructure et de devancer les pilleurs, que la protection du patrimoine culturel sera à même de sortir de la passivité actuelle.

 

 

 

 

Source : Chinese Social Sciences Today

Traduit par Zhao Xin

 

 

Edité par  Zhao Xin