Au Musée des civilisations noires à Dakar, la capitale sénégalaise, une copie du crâne de "Toumaï", le plus vieil ancêtre connu de l'humanité, est exposé, symbole de la fierté du continent noir, mais aussi source de débats.
Découvert le 19 juillet 2001 dans le désert du Djourab, à 800km au nord de la capitale tchadienne N'Djamena, Toumaï, qui veut dire "espoir de vie" en langue gorane, est le plus vieil hominidé découvert à ce jour, soit plus de 7 millions d'années.
UNE GRANDE PERCEE SCIENTIFIQUE
"C'est le plus ancien connu depuis qu'il a été trouvé en 2001 et depuis lors, personne n'a trouvé quelque chose plus ancien qui soit pré-humain", a confié à Xinhua le professeur Michel Brunet, chef de la Mission paléoanthropologique franco-tchadienne (MPFT) qui a découvert Toumaï.
Cette découverte est considérée comme une grande percée scientifique qui pourrait changer fondamentalement l'arbre de l'évolution des espèces. Comme le disait Daniel Lieberman de l'Université de Harvard en 2002, elle "aura l'impact d'une petite bombe nucléaire".
Avant Toumaï, c'était la célèbre Lucy, un fossile de squelette féminin datant de 3,5 millions d'années et découvert en 1974 en Ethiopie, qui était considérée comme l'un des plus anciens ancêtres de l'humanité et présentée longtemps comme la "grand-mère de l'Humanité".
En fait, en plus de son ancienneté, Toumaï revêt également une importance géographique. Sa découverte constitue une véritable révolution dans la paléontologie humaine car le crâne a été découvert à 2.500km à l'ouest du célèbre Grand Rift africain.
Cela défiait directement la théorie de la Vallée du Rift, l'hypothèse d'une origine australe ou orientale de l'être humain défendue par le paléoanthropologue français Yves Coppens, co-découvreur de l'australopithèque Lucy.
CONTROVERSES JUSQU'A AUJOURD'HUI
Toumaï est une espèce à cheval entre les grands chimpanzés et l'espèce Homo, explique pour sa part l'archéologue Aimé Kantoussan, du Musée des civilisations noires de Dakar. Pour certains experts, cette définition reflète parfaitement la controverse à laquelle Toumaï est confronté.
Trois mois seulement après la publication en juillet 2002 d'un article sur Toumaï par l'équipe de M. Brunet dans la prestigieuse revue scientifique Nature, Milford Wolpoff et d'autres paléoanthropologues de l'Université du Michigan ont mis en doute les conclusions de l'équipe de M. Brunet, affirmant que ce fossile ancien est probablement celui d'un gorille primitif, ou d'un chimpanzé ou d'une espèce disparue depuis.
"Le crâne de Toumaï est par essence un crâne d'hominidé. La canine est petite, très petite. Si on avait un gorille, par exemple (...) on aurait là une canine qui serait (...) très grande. Or, la pointe de la canine était à la hauteur des incisives", explique Michel Brunet à Xinhua.
"Ça, c'est une canine humaine. Rien que la canine permet de dire que ce n'est pas un grand singe", martèle-t-il.
Mais la controverse persiste à ce jour. Les chercheurs soupçonnent maintenant l'équipe de Michel Brunet de bloquer des informations sur un fémur trouvé près du crâne, ce qui pourrait amener les gens à s'interroger sur la bipédie de Toumaï.
"Il n'y a pas de connexion automatique entre le crâne et le fémur. C'est découvert au même endroit, mais personne ne peut dire que c'est au même individu", assure M. Brunet à Xinhua, ajoutant que "personne ne peut dire scientifiquement ce fémur appartient à Toumaï".
FIERTE ET PASSION
Malgré tous ces débats et controverses, le crâne de Toumaï ne cesse de susciter la passion et la fierté au Tchad, son "pays natal", et même sur le continent africain.
Après dix ans d'études scientifiques dans des laboratoires étrangers, le crâne a été officiellement remis aux autorités tchadiennes en novembre 2011. L'original est conservé au Centre national de recherche pour le développement (CNRD) du Tchad et deux copies sont exposées au Musée national du pays.
En 2013, le président tchadien Idriss Déby a en remis une copie à l'UNESCO à Paris. "C'est avec un grand plaisir que nous offrons la réplique du crâne de Toumaï (...) en tant que bien commun et ancêtre de l'humanité", avait-il lancé.
Au Tchad, la plupart des gens connaissent Toumaï et en sont fiers. "C'est une fierté immense pour nous les Tchadiens d'être les descendants de Toumaï", se félicite ainsi Aboubakar Mahamat Saleh, un employé local de la filiale d'une compagnie étrangère.
"C'est un sentiment de fierté que le Tchad soit le berceau de l'humanité. Cette découverte a fait connaître le Tchad à travers le monde entier", renchérit son collègue Ramadane Saadaddine Rahma Saleh.
Que signifie aujourd'hui la découverte de Toumaï? "Sur le plan scientifique, c'est la preuve que les recherches évoluent, en fonction des instruments, en fonctions des outils scientifiques", résume Aimé Kantoussan.
"Au début, c'est Lucy qui a été considérée comme l'ancêtre de l'humanité. Aujourd'hui, on voit que c'est Toumaï", indique l'archéologue sénégalais. "Plus l'humanité avance, avec, bien sûr, plus d'outils technologiques, plus (il y aura) de découvertes qui vont remettre en cause toutes ces théories acquises".
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