Le 26 janvier 2022, le jury d’arbitrage de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a rendu une décision statuant sur le différend commercial entre la Chine et les États-Unis concernant les mesures compensatoires : « Conformément à l’article 22 du Mémorandum d’accord sur le règlement des différends de l’OMC, la Chine peut demander à l’OMC une suspension de son obligation de concession tarifaire envers les États-Unis jusqu’à un maximum de 645,121 millions de dollars par an. » Bien que ce montant ne représente qu’environ 25 % de la demande de la Chine (2,4 milliards de dollars), cette décision de l’OMC confirme que les intérêts des entreprises chinoises ont été lésés en raison de la violation par les États-Unis de leurs engagements envers l’OMC, et émet un signal positif pour le maintien de l’autorité, de l’efficacité et de la rationalité du système économique et commercial multilatéral.
Il y a dix ans, le 25 mai 2012, la Chine a demandé à l’OMC des consultations avec les États-Unis au sujet des mesures américaines de droits compensateurs sur certains produits en Chine. La Chine a contesté la décision des États-Unis de mener une enquête et d’imposer des droits compensateurs, et a remis en question la norme américaine consistant à considérer les entreprises détenues majoritairement par le gouvernement comme des « organismes publics ». L’action de la Chine auprès de l’OMC n’est pas seulement une conséquence du traitement injuste qu’ont subi les entreprises et produits impliqués dans l’affaire, elle a donc également pour objet le processus d’élaboration de règles pertinentes. Finalement, dans sa décision, l’OMC a estimé que l’approche américaine de la détermination des organismes publics était incompatible avec les règles de l’OMC. D’ailleurs, si la Chine ne contestait pas le recours accru aux mesures compensatoires par les États-Unis et ne les obligeait pas à respecter les obligations auxquelles ils se sont engagés lors de leur adhésion à l’OMC, cela pourrait avoir des répercussions importantes sur d’autres activités commerciales plus larges à l’avenir. C’est pourquoi, bien que ce différend concerne les États-Unis et la Chine, lorsque le jury d’arbitrage de l’OMC a été établi en septembre 2012, l’Australie, le Brésil, le Canada, l’Union européenne, l’Inde, le Japon, la République de Corée, la Norvège, la Russie, la Turquie et le Vietnam - les principales économies mondiales - se sont réservé le droit de participer en tant que tierces parties au processus de règlement du différend. L’Arabie saoudite s’y est également jointe plus tard.
En avril 2013, le groupe d’arbitrage a informé l’OMC que le rapport final devait être soumis en janvier 2014. Toutefois, en raison de la complexité de la question, le rapport n’a été présenté qu’en juillet 2014. Par la suite, la Chine et les États-Unis ont tous deux fait appel et l’Organe d’appel de l’OMC a achevé son rapport à la fin de 2014. Le mécanisme de règlement des différends de l’OMC étant un système d’examen final à deux instances, les décisions de l’Organe d’appel doivent être mises en œuvre par les deux parties, sans quoi l’Organe d’appel est paralysé dans un délai de cinq ans, ce qui est effectivement arrivé le 11 décembre 2019.
En février 2015, les États-Unis ont notifié à l’OMC qu’ils avaient l’intention de respecter et d’appliquer la décision de l’Organe d’appel, mais qu’ils avaient besoin d’un délai raisonnable pour le faire. Le directeur général de l’OMC a arbitré le délai à la demande de la partie chinoise et a décidé que le délai raisonnable expirait le 1er avril 2016, mais la partie américaine n’a pas appliqué la décision à temps. Par conséquent, en juillet 2016, la Chine a constitué un groupe spécial conformément aux règles de l’OMC, qui a achevé et diffusé son rapport en mars 2018. En avril, les États-Unis ont demandé une explication concernant certaines questions juridiques dans ce rapport. En octobre 2019, la Chine a demandé l’autorisation de suspendre les obligations de concession tarifaire en raison du non-respect par les États-Unis de la décision de l’OMC dans un délai raisonnable, et les États-Unis s’y sont opposés. Dans l’ensemble, ce différend commercial sino-américain causé par les mesures compensatoires inappropriées des États-Unis a fait l’objet de deux cycles de décisions et de deux cycles d’arbitrage, un processus complexe qui a pris dix ans. Surtout, l’Organe d’appel a dû être paralysé lorsque les États-Unis ont insisté pour faire obstruction aux juges, jetant une ombre sur le fonctionnement efficace du système économique et commercial multilatéral.
Depuis son adhésion à l’OMC en 2001, la Chine a toujours été un partisan et un praticien du mécanisme de règlement des différends de l’OMC. Au 10 décembre 2021, elle avait engagé des poursuites dans 22 affaires, avait été poursuivie dans 47 affaires et avait participé en tant que tierce partie à 190 affaires, ce qui en fait l’un des utilisateurs les plus importants du mécanisme de règlement des différends de l’OMC. Les échanges commerciaux continuant à prendre de l’ampleur, il n’est pas surprenant que les liens commerciaux de plus en plus étroits et complexes entre la Chine et les économies mondiales aient donné lieu à des contradictions et des conflits. Cependant, la Chine ne s’est pas détournée du système économique et commercial multilatéral simplement parce qu’elle a été soumise à des recours commerciaux tels que des mesures antidumping, compensatoires et de sauvegarde spéciale de la part de diverses parties depuis plus de 20 ans. Au contraire, elle respecte ses engagements d’adhésion à l’OMC et explore avec les parties concernées des voies et des règles efficaces permettant de réaliser les concepts et les objectifs fondamentaux de l’OMC.
Bien sûr, le mécanisme économique et commercial multilatéral est loin d’être parfait. Pour l’OMC, créée en 1995, l’ampleur et le dynamisme des activités commerciales ne sont plus ce qu’ils étaient avant, car de nouveaux modèles et contenus commerciaux apparaissent, l’environnement institutionnel est en constante évolution, et les règles économiques et commerciales internationales doivent être améliorées par le dialogue et la consultation. Certes, des questions ont toujours été soulevées quant à savoir si le mécanisme de règlement des différends statue au-delà de son mandat, mais il n’est pas souhaitable de prendre des mesures directes telles que celles prises par les États-Unis pour rendre le mécanisme inefficace. Dans le cadre du système économique et commercial mondial, seule une action positive et coopérative de toutes les parties permettra de créer un espace plus raisonnable pour des règles qui protègent les intérêts des consommateurs et des économies ou acteurs du marché relativement vulnérables, tout en faisant jouer pleinement le rôle de la coopération économique et commerciale dans la promotion de la croissance économique et sociale. Par ailleurs, la pandémie de COVID-19 pose un défi encore plus grand aux activités économiques et commerciales mondiales, ce qui oblige chaque partie à tenir davantage compte des exigences sanitaires des autres parties dans son développement.
ZHOU MI est chercheur à l’Institut du commerce international et de la coopération économique au ministère chinois du Commerce.
Source : La Chine au présent
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