La dichotomie géographique Nord-Sud, en tant que paradigme littéraire, s'est progressivement inscrite dans la trajectoire développementale de la littérature chinoise, de l'Antiquité à l'époque contemporaine. Elle révèle non seulement la pérennité remarquable de la tradition littéraire en Chine, mais souligne aussi la divergence profonde de la littérature chinoise avec la littérature occidentale, tant dans sa constitution esthétique que dans ses orientations axiologiques.
La prééminence durable du style septentrional dans le paysage littéraire
Cette conscience géographique reflète le sentiment du lieu profondément ancré dans la littérature chinoise, exprimant un lien affectif enraciné entre le peuple chinois et sa terre. Elle incarne une nostalgie traditionnelle du foyer et un attachement à la terre natale. Ces sentiments trouvent leur expression la plus aboutie dans les vastes paysages septentrionaux ; ainsi, de l'époque classique à l'ère moderne, un style esthétique septentrional, nourri de cette sensibilité géographique, a longtemps conservé une position dominante. Si les métamorphoses modernes ont altéré dans une certaine mesure les conceptions littéraires, elles n'ont point effacé la mémoire culturelle traditionnelle ni l'appartenance esthétique. Pourvu que la tradition retrouve une vénération renouvelée à l'ère contemporaine, la mémoire esthétique enracinée dans cette conscience géographique continuera de traverser la modernité et trouvera des occasions de reconfiguration.
Au cours du XXe siècle, les écrivains du Nord et du Sud ont partagé la scène littéraire, connaissant des fortunes diverses. Parmi les maîtres modernes — Lu Xun, Guo Moruo, Mao Dun, Ba Jin, Lao She et Cao Yu — quatre étaient originaires du Sud. Cependant, dans les années 1950-1960, les auteurs septentrionaux regagnèrent leur prééminence avec des figures telles que Liang Bin, Liu Qing, Yang Mo, Du Pengcheng et Qu Bo qui dominèrent le paysage littéraire. Portée par ses descriptions de la Chine rurale et ses fresques historiques familiales, la littérature du Nord continua de définir le courant dominant jusqu'aux années 1980-1990 et au début du XXIe siècle, établissant l'exigence ultime de la littérature chinoise.
Pourtant, il faut reconnaître que le style septentrional, avec son écriture rurale et ses grands récits historiques, est entré dans sa « période tardive ». Cela ne tient pas seulement au grand âge des figures emblématiques de cette génération, mais aussi à la maturation et à la quasi-perfection atteintes par cette forme littéraire elle-même. Un nouveau style narratif, porteur de sensibilités esthétiques inédites, serait en train d'émerger : assisterait-on à l'essor d'un « style méridional » ?
Émergence de la « nouvelle écriture méridionale »
Le « style méridional », à l'instar de son homologue septentrional, relève d'une désignation théorique. Pourtant, il ne s'agit pas d'une pure imagination — il constitue une forme de mémoire culturelle, profondément enracinée dans la conscience collective des lettrés chinois à travers les âges. Il puise sa vitalité dans les montagnes, les cours d'eau et les configurations terrestres tangibles du paysage naturel, et trouve son expression dans des langages, des coutumes et des sensibilités sociales distinctives. En tant que catégorie critique, la distinction entre les styles septentrional et méridional a longtemps été un concept important dans la poétique classique chinoise. Ces dernières années, le style méridional a refait surface, la notion de « nouvelle écriture méridionale » devenant un ressort remarquable. Il possède le potentiel de cultiver une gamme plus diversifiée de styles créatifs dans la littérature chinoise contemporaine et d'ouvrir de nouvelles orientations en théorie et critique littéraires.
Pendant la majeure partie de son histoire moderne, la littérature chinoise s'est articulée autour du paradigme esthétique septentrional. Les vastes et majestueux paysages du Nord — immenses, austères et puissants — ont engendré une prédilection pour l'esthétique de la grandeur, donnant naissance à des récits historiques et des sagas familiales qui incarnaient les épreuves et l'héroïsme de la Chine du XXe siècle. La nation chinoise, en ce siècle, avait besoin d'un tel appel spirituel ; ce n'est qu'au prix d'immenses souffrances que le courage et la résolution ont pu être éveillés. En ce sens, l'esthétique de la grandeur revêtait une nécessité historique.
Le concept de « nouvelle écriture méridionale », cependant, ne se réduit pas à un renforcement de la conscience régionale en littérature ; il aspire aussi à raviver la tradition stylistique elle-même. Aujourd'hui, le Midi n'incarne pas seulement le centre des formes post-industrielles et nouvelles de la modernisation, il constitue également l'espace où les jeunes générations s'adaptent et s'épanouissent le plus volontiers. Sous les alizés subtropicaux et leurs marées, les émotions subtiles, les sensibilités intérieures complexes et les récits finement tissés d'un « nouveau Midi » pourront-ils déployer leur richesse et leur vitalité sans limites ? Cela reste à voir.
La littérature chinoise, marquée par l'empreinte de sa configuration géographique
Dans la Chine du milieu du XXe siècle, l'idée de modernité radicale imprégnait tout discours littéraire, et les paradigmes universalistes régnaient naturellement en maîtres. Ce n'est qu'à la fin du XXe siècle et au début du XXIe que les débats sur la distinction littéraire entre Nord et Sud ont commencé à ressurgir, culminant avec la brève émergence de ce qu'on a appelé la « nouvelle écriture méridionale ». De cette trajectoire, plusieurs constatations essentielles peuvent être tirées.
Premièrement, la conception selon laquelle la culture et la littérature chinoises sont modelées par leur configuration géographique possède une longue lignée. Elle émergea durant la période pré-Qin, se structura de l'époque des Wei, Jin et des Dynasties du Nord et du Sud jusqu'aux Tang, et fut systématisée au début de l'ère moderne par des érudits chinois tels que Zhang Xiangwen, Liang Qichao et Liu Shipei.
Deuxièmement, ce discours est apparu en Chine de façon tout à fait naturelle. Les monts Qinling et le Yangtsé en constituent le fondement géographique inhérent, tandis que sa cause profonde réside dans l'émergence précoce et la domination de la culture agraire au sein de la civilisation chinoise. Cette habitude d'interpréter le caractère national, le style culturel et l'esthétique littéraire à travers la géographie relève fondamentalement d'une vision du monde agraire. Aujourd'hui encore, la vie rurale demeure centrale dans l'expérience vécue de nombreux Chinois. C'est pourquoi les expressions littéraires de la patrie, de la campagne et de la géographie éveillent facilement une profonde empathie.
Troisièmement, de nombreux écrivains chinois puisent leurs origines dans le monde rural, et la Chine rurale a longtemps occupé une place centrale dans la littérature chinoise moderne tout au long du XXe siècle. Dès qu'une œuvre décrit les paysages campagnards et les coutumes locales, ces éléments en deviennent la texture sous-jacente. La géographie vaste et imposante du Nord, sous l'empire d'une conscience esthétique marquée par la souffrance et la volonté héroïque qui domina le XXe siècle, a naturellement relégué le Midi dans l'ombre. Au XXIe siècle, alors que la vie moderne se diversifie et que les sensibilités s'individualisent, la littérature tend elle aussi vers une diversité formelle ; l'essor du Midi apparaît de ce fait inéluctable.
Quatrièmement, la distinction Nord-Sud constitue une mémoire culturelle profondément enracinée et résiliente dans la tradition chinoise. Elle a établi une catégorie signifiante de récit géographique, formant l'un des paradigmes de la théorie littéraire tant classique que moderne. Tant qu'elle n'est pas réprimée par un discours universaliste hégémonique, elle continue d'exercer une influence constructive sur les plans théorique et créatif. On peut donc en tirer une conclusion : la littérature chinoise a effectivement suivi une voie distincte de celle de l'Occident. Depuis la Renaissance, la littérature européenne a évolué de la tradition shakespearienne au romantisme, considéré comme ayant modelé le déploiement entier de la culture européenne moderne.
Cinquièmement, la force traditionnelle et mnémonique de la littérature chinoise a fait preuve d'une ténacité remarquable — même à travers les bouleversements violents du XXe siècle. Dans les années 1990 et au-delà, les œuvres en langue chinoise ont produit des réalisations exceptionnellement substantielles — presqu' sans exception des chroniques de la Chine rurale. Ces œuvres ont absorbé et transformé les acquis de la littérature mondiale tout en conservant une tonalité résolument chinoise. Pourtant, cet accomplissement même marque un stade tardif de maturité : il exige désormais renouvellement et transformation. L'immense littérature terrienne du nord rural a peut-être accompli sa mission millénaire. Les transitions modernes du XXe siècle ont tenté de la modifier fondamentalement. Alors que la « génération post-50 » vieillit, une nouvelle génération d'auteurs septentrionaux ne peut plus recréer la grandeur tragique du siècle dernier.
Le paysage littéraire chinois se trouve ainsi à l'aube d'une métamorphose. S'il est prématuré de proclamer l'acte de naissance définitif de l'écriture méridionale, une évidence s'impose : les mutations de l'esthétique littéraire chinoise s'ancrent toujours dans la géographie. L'écriture du Midi porte en son noyau la mémoire première du lieu. Notre espoir est qu'elle ne marque point un aboutissement mais un commencement — la promesse de possibles inédits. Sous le nom de la géographie méridionale, la littérature pourrait s'ouvrir à des horizons plus riches et plus divers.
En somme, la spatialité géographique est une construction de l'imaginaire, mais elle porte aussi le poids de l'accumulation historique et de la mémoire culturelle profonde. La modernité et la contemporanéité ont grandi avec elle, conférant au paradigme Nord-Sud sa légitimité persistante. Aujourd'hui, notre « impulsion contemporaine » — qu'elle s'exprime sous le nom de nouvelle écriture méridionale ou autre — constitue un nouvel acte d'imagination. Non pas une rupture, mais un recommencement nécessaire. La tradition rurale septentrionale a exercé une domination écrasante parce qu'elle définissait la finalité morale, le destin humain et la continuité traditionnelle. Toute nouvelle écriture continuera de se réclamer de la configuration géographique chinoise. La littérature chinoise conserve ainsi sa nature intrinsèque et son authenticité : elle respire encore à l'unisson de la terre de la civilisation agraire. Telle est son essence et son destin. Elle ne se tient qu'à un pas de la littérature mondiale, mais entre elles s'étend encore l'immense terre des monts et fleuves chinois.
Chen Xiaoming est professeur au Département de la Langue et de la Littérature chinoises de l'Université de Pékin.