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Les valeurs humanistes dans les romans de Marguerite Yourcenar
Source : Etudes Françaises 2007/03 2013-01-12

 

Première femme élue à l’Académie française en 1981, Marguerite Yourcenar est incontestablement une des figures majeures de la littérature française du vingtième siècle. La gloire vient avec Mémoires d’Hadrien, son chef- d’oeuvre publié en 1951. Ce roman a eu un immense succès immédiat et a obtenu le prix Fémina de l’année en France. Une quinzaine d’année plus tard, son autre ouvrage, L’Oeuvre au noir, publié en 1968, lui a valu aussi de grands succès mondiaux. La consécration, c’est-à-dire son élection à l’Académie n’est ni accidentelle ni niée avec le fait qu’elle est une femme. Monsieur Jean d’Ormesson a très bien dit dans son discours d’acceuil lors de la cérémonie pour la réception de Yourcenar : « Madame, ce n’est pas parce que vous êtes une femme que vous êtes ici aujourd’hui : c’est parce que vous êtes un grand écrivain...Nous vous aurions élue aussi, et peut-être, je l’avoue, plus aisément et plus vite, si vous étiez un homme...C’est plutôt à nous de vous remercier, non pas de l’accident de votre sexe, mais de la fermeture de votre écriture et de la hauteur de votre pensée ».

Cette grande virtuose de l’écriture est surtout connue comme une romancière historique. Les Mémoires d’Hadrien retracent la vie d’un empereur qui gouverne à l’apogée de l’empire romain au deuxième siècle. L’Oeuvre au noir raconte l’itinéraire intellectuel d’un humaniste né à Bruge dans les Flandres au seizième siècle, la période où s’affrontent le Moyen Age et la Renaissance. A travers Zénon, le héro imaginaire du roman, on voit les faits de beaucoup de savants imprégnés d’esprit humaniste de son époque : Léonard de Vinci, Campanella, Bruno, Copernic, etc.. Or, ce serait trop réducteur et simplifié de considérer Yourcenar comme une historienne, son but n’est pas de brosser minutieusement des tableaux représentant des évémements qui ont eu lieu vraiment dans l’histoire ; la plupart du temps, l’écrivain Yourcenar, se servant de la matière-histoire, ressemble plutôt à une philosophe, son style mi-narratif, mi-méditatif est original et fascinant, elle mêle la narration et le commentaire, les événements passés lui prêtent lieux de réflexions : réflexions sur les événements contemporains, réflexions sur les conditions humaines, réflexions sur des thèmes éternels : la liberté, l’amour, la mort, la guerre, les servitudes, la religion, la maladie et la souffrance, bref, le destin de l’homme et de son univers. Cet article va essayer de dégager et d’analyser un des thèmes privilégiés dans les trois oeuvres représentatives de l’auteur (Alexis ou le Traité du vain combat, L’Oeuvre au noir, Mémoires d’Hadrien) : les valeurs huamnistes, surtout celle de la liberté. On verra que cette valeur est décrite, recherchée, défendue et exaltée sous différentes formes, de différentes manières et de profondeurs.

La liberté d’être, de vivre sa propre nature

Alexis ou le Traité du vain combat est le premier roman publié (1929) de l’auteur. Il s’agit d’une lettre d’un jeune musicien adressée à sa femme avant son départ définitif. Dans cette longue lettre, il a avoué un fait qu’il avait dissimulé péniblement pendant longtemps : il ne porte pas de désirs pour les femmes. Alexis vient d’une vieille famille noble en déclin de la fin du 19e siècle, il s’est très tôt rendu compte qu’il était différent des autres : il était timide et solitaire ; au collège il ne pouvait pas supporter la vie commune avec les autres garçons bruyants, affreux, et de langage vulgaire ; plus tard, pour lutter contre son crime intérieur et éviter de déshonorer sa famille, il s’est même marié avec une gentille femme respectable, Monique. Mais la vie conjugale s’avère très vite un échec total, il se sent malheureux et étouffé à tel point qu’il est obligé d’arrêter ses activités musicales. Il a compris que pour poursuivre sa carrière musicale, pour assurer son propre avenir et aussi celui de sa femme, il faut qu’il parte; il faut qu’il s’accepte comme tel qu’il est, enfin, il faut qu’il soit libre, libre de suivre ses penchants naturels. « Pour lui, la liberté veut dire la réalisation de sa propre nature, la reconnaissance de ses propres valeurs. La liberté de son propre être favorise sa sensibilité artistique »[1]. Ce n’est que dans cette condition que la musique lui reviendra. Pour un artiste comme Alexis, la musique, ce n’est pas seulement son métier, mais aussi une partie intégrante de son existence, le salut de sa vie.

L’homosexualité masculine, c’est un phénomène même très débattu aujourd’hui. Bien que ce ne soit plus un tabou à l’heure actuelle, il faut toujours un courage extraordinaire pour un homme contemporain de le reconnaître à sa famille. Il n’est pas difficile d’imaginer à quell point cette préférence sexuelle était mal vue il y a cent ans. L’historien Antony Copley, qui a étudié l’évolution morale sexuelle en France, montre que l’homosexualité devient d’abord criminelle et ensuite pathologique pendant la deuxième moitié du 19e siècle[2]. La famille était (elle continue d’être aujourd’hui) le fondement et la première valeur de la société. Sous cette atmosphère, la majorité des hommes homosexuels se sentent coupables et ils tentent de se racheter au moyen du marriage, en se conformant ainsi aux normes de la société, ils espèrent que leurs désirs particuliers sont peut-être passagers, qu’ils retrouveront leur place dans la vie. Or, quelles que soient les causes possibles, l’homosexualité est une nature contre laquelle il serait vain de lutter (d’où le titre du roman ). Ainsi, Alexis a compris que la libération de son propre être serait la condition préalable de la nouvelle voie qui le délivrerait et le mènerait à l’épanouissement de son individu. Et le choix de quitter sa femme et son fils nouveau-né constitue justement le symbole de cette libération. Le héro se rend compte parfaitement de la signification de ce départ, à la fin de la lettre, il écrit ceci:

“Mes mains, Monique, me libéreraient de vous. Elles pourraient de nouveau se tendre sans contrainte; elles m’ouvraient, mes mains libératrices, la porte du départ. Peut-être, mon amie, est-il absurde de tout dire, mais ce soir-là, gauchement, à la façon dont on scelle un pacte avec soi-même, j’ai baisé mes deux mains.” [3]

Alexis ou leTtraité du vain combat est une oeuvre de jeunesse de Marguerite Yourcenar, à défaut de documentation, il est difficile de dire exactement ce qui avait inspiré à l’auteur ce sujet, mais ce dont on est certain, c’est que le jeune écrivain voulait exprimer sa compréhension de la liberté, la liberté de vivre sa vraie nature et d’en jouir, son refus d’existence simulacre, son mépris pour les conventions et morales sociales, et son aspiration à un monde libre de préjugés et d’injustice.

La liberté de penser, d’exprimer et d’agir

La liberté de la nature humaine relève plutôt de la dimension physiologique et psychologique. Il existe une autre catégorie de liberté non moins primordiale, mais plus spirituelle---la liberté de la pensée, de l’expression et de l’action. C’est ce que recherche le protagoniste de L’Oeuvre au noir, autre chef-d’oeuvre-maître de Marguerite Yourcenar. 

Batard d’un prélat italien, né à Bruges en Belgique au 16e siècle, Zénon est envoyé très jeune apprendre la théologie pour être plus tard un prêtre, car à l’époque, « la cléricature restait pour un batard le moyen le plus sûr de vivre à l’aise et d’accéder aux honneurs »[4]. Or, cet enfant destiné à l’église commence très vite à douter de l’existence du Dieu et porte un regard critique aux oeuvres des grands classiques : « Platon d’une part, Aristot de l’autre étaient traités en simples marchands dont on vérifie les poids, Tite-Live n’était qu’un bavard »[4]. Après ses études, Zénon part en de longs voyages à travers toute l’Europe à la recherche de savoirs, de vérités, d’oasis idéal sans superstition, sans préjugés et persécution, à la recherche des endroits où on a la respiration libre. Au cours de cette vie errante, il est devenu médecin, alchimiste et philosophe. Il s’est aventuré aussi bien dans le domaine de la chair humaine (ses activités d’anatomie en tant que médecin) que dans celui de l’esprit, il observe l’homme et son univers, il réfléchit sans cesse et écrit des livres pour dégager les lois et principes de la nature et de l’espèce humaine : « A force de creuser de nos dents l’écorce des choses, nous finirons bien par trouver la raison secrète des affinités et des désaccords »[5]. Très en avance sur les recherches scientifiques de son temps, il a fait publier quelques livres impies pleins d’hérésie, ce qui provoque naturellement la haine et la persécution de l’Eglise. Bien qu’il soit toujours en fuite de la poursuite de l’Eglise, bien qu’il sache parfaitement qu’il risque une fin tragique—le bûcher, il n’a jamais songé à arrêter ses recherches de la vérité ni à renoncer à assumer son statut d’un intellectuel libre ; Voilà ce qu’il confesse à son cousin rencontré par hasard une vingtaine d’années après son départ : « ...Les outils de mon art m’étaient fournis, et parmi eux le plus rare et le plus précieux de tous, la licence de penser et d’agir à ma guise »[6].

En tant qu’un humaniste qui s’efforce de faire sortir le peuple des ténèbres de l’ignorance, Zénon possède de hautes qualités et de nobles sentiments ; mais en tant qu’un homme, il a aussi ses points faibles : par exemple, après son retour dans le pays natal sous un nom d’emprunt, installé temporairement chez son ancien maître et compère, il n’a pas pu résister deux fois à la tentation de la servante de celui-ci, et le matin suivant, il a beaucoup regretté « et il s’envoulait de s’être commis avec une créature comme on s’en veut d’avoir consenti à coucher dans un douteux lit d’auberge »[7]. Dans le couvent, il est au courant des soirées de débauche des jeunes prêtres, mais il ne les dénonce ni ne les dissuade, il s’implique ainsi dans ce scandale et se fait arrêter plus tard. Pourtant, l’aménagement de ‘ces petites intrigues’ n’a pas pour but de susciter l’intérêt des lecteurs, il a deux fonctions : d’une part, avec cette insuffisance ou défaillance de vertu, l’image de Zénon s’en est sorti plus vivante et véridique ; d’autre part, ce défaut reflète au contraire une autre revendication des humanistes : la liberté sexuelle. Au Moyen-Age, pendant presque mille ans, l’Eglise s’est toujours servi de l’outil de l’ascétisme pour maintenir et affermir sa puissance et dominance. La vie sexuelle conjugale était strictement contrôlée, et les plaisirs charnels étaient considérés comme des péchés. Ainsi, pour les humanistes tels que Zénon, accepter et louer les plaisirs et réjouissances sensuelles, c’est la libération de la nature humaine, cela égale aussi à un défi lancé aux dogmes et pouvoirs de l’Eglise.

L’éclat de l’humanisme en la personne de Zénon brille le plus solennellement à sa mort tragique. Il aurait pu s’échapper à ce destin : il pourrait quitter Bruge avant son arrestation ; incarcéré, il pourrait éviter la mort s’il acceptait d’abandonner publiquement son athéisme et de mettre désormais son talent au service de l’Eglise. Mais Zénon n’a fait ni l’un ni l’autre. Ayant fait des recherches scientifiques et philosophiques toute sa vie, il a perdu toute aptitude aux mensonges : il savait fort bien qu’il n’existe aucun accommodement durable entre ceux qui cherchent, pèsent, dissèquent , et s’honorent d’être capables de penser demain autrement qu’aujourd’hui, et ceux qui croient et affirment croire, et obliget sous peine de mort leurs semblables à en faire autant[8] ; à l’instar des précurseurs qu’il a vus ou sus brûler vifs à la place publique, il voulait défendre jusqu’au dernier souffle ses principes de la liberté de l’opinion et du droit à la vérité. Pour lui, la mort est en quelque sorte la délivrance, parce qu’il avait trop vécu dans un monde à feu et à sang,[9] et il a défendu sa dignité de l’homme en se donnant la mort, il s’est coupé son artère et rien qu’un quart d’heure, il serait libre; ce suicide constitue également son dernier triomphe sur la cruelle torture de L’Inquisition et de l’Eglise, parce que le lendemain, ils ne brûleront qu’un cadavre.

Le personnage de Zénon est la savante invention d’un homme nouveau, enfant de la réforme et de la Renaissance, seulement conduit par l’intelligence et la raison, un homme libre dont Marguerite Yourcenar a voulu nous léguer comme modèle[10]. Comme ce que nous avons souligné plus haut, l’image de Zénon est l’amalgame des grands humanistes du 15e et 16e siècle de l’Europe, une partie de ces défenseurs inflexibles des droits fondamentaux de l’homme ont réellement connu le sombre destin de Zénon, mais le feu les a transformés avec leurs pensées en de véritables flambeaux qui dirigeront le grand peuple vers la voie de l’émancipation et du progrès.

L’Antiquité gréco-latine : la source de l’esprit humanitaire

On sait bien que l’univers gréco-latin constitue la matière privilégiée des oeuvres de Marguerite Yourcenar. La liberté, l’égalité, le respect de l’individu, etc., toutes ces valeurs essentielles dont les occidentaux sont fiers d’être créateurs et défenseurs prennent leur origine dans la Grèce antique. Ce patrimoine spirituel est hérité ensuite par les Romains et il se perpétue à travers la quasi-totalité des civilisations européennes. Ainsi on comprendra mieux le cadre de Mémoires d’Hadrien. Ce roman est considéré comme un des grands textes et une des dernières classiques du 20e siècle. Hadrien était empereur romain de 117 à 136 après Jésus-Christ. C’est un soldat, mais un sage ; c’est un empereur, mais un homme ; c’est un Romain, mais un Grèc. Il renonce sagement aux territoires au-delà de L’Euphrate conquis par son prédécesseur Trajan, il entreprend des politiques de paix et de défense avec les royaumes barbares, il réforme l’administration et l’armée, il rêve d’une juste répartition des biens, il essaie d’améliorer la condition de l’esclave, il embellit Rome et le territoire de l’Empire par de nombreux monuments. Cet empereur est aussi un homme de culture. Il a toujours un grand appétit pour les savoirs et voyages, il passe les trois-quarts du temps de son règnes en voyages et tournées d’inspection dans toutes les provinces de l’Empire, il a du goût pour la littérature, la musique, l’astronomie, la médecine et la philosophie. C’est surtout un admirateur de l’art et de la culture grecque. Pendant ses nombreux voyages, sa destination préférée est la Grèce, depuis son plus jeune age, il est passionné de l’art grec, qu’il juge parfait, ainsi que ses penseurs.

Pourquoi l’empereur Hadrien ? Rappelons que ce livre est le premier ouvrage de l’auteur sorti au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Selon la propre explication de l’écrivain, Hadrien incarne le souverain idéal qu’elle voulait au monde, un chef d’Etat capable de stabiliser la terre. « Sortant moi-même des années de guerre, j’ai voulu présenté l’image d’un chef d’Etat intelligent, pacificateur et reconstructeur ». Mais pourquoi cet empereur baigné de l’esprit grec? Pour Adrien comme pour Yourcenar, tout ce qui en nous est humain, ordonné, et lucide vient d’Athènes[11]. La philosophie humaniste remonte à Protagoras, sophiste grec du 5e siècle avant notre ère, pour qui "l'homme est la mesure de toutes choses". Cette devise devrait inspirer combien de penseurs, de philosophes et d’auteurs à développer une vision humaniste: recherche d'un modèle d'homme libre, heureux et épanoui. Dans les notes qui accompagnent le texte des Mémoires d’Hadrien, Yourcenar indique que c’est une phrase de Flaubert qui lui a inspiré d’une certaine manière la création de ce chef-d’oeuvre: « Les dieux n’étant plus, et le Christ n’étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l’homme a été. » Cette indication est précieuse et révélatrice, elle témoigne de l’importance accordée à la valeur de liberté par l’auteur. Elle fait dire par Hadrien ceci: « Pour moi, j’ai cherché la liberté plus que la puissance, et la puissance seulement parce qu’en partie elle favorisait la liberté. »

Yourcenar pousse plus loin ses idées d’humanisme. Comme le dit son successeur à l’Académie, elle affectionne l’humanité tout entière, mais elle ne s’intéresse à aucune communauté. Elle-même n’a ni famille, ni patrie, ni frontière, comme elle est de partout. Hadrien se confesse aussi de façon semblable : Il faut faire ici un aveu que je n’ai fait à personne : je n’ai jamais eu le sentiment d’appartenir complètement à aucun lieu, pas même à mon Athènes bien-aimé, pas même à Rome. Etranger partout, je ne me sentais particulièrement isolé nulle part[12]. Dans l’Oeuvre au noir il a été évoqué l’indifférence du sage « pour qui tout pays est patrie et toute religion un culte valable à sa manière. »[13] Ainsi, avec les protagonistes yourcenariens, nous sommes emportés pour accéder à quelque chose de plus haut et de plus noble, l’universel. L’universel est une caractéristique par excellence de l'humanisme, il respecte la différence entre individus, groupes, communautés et ethnies, il admet la rationalité des différentes cultes, croyances et conceptions du monde; l’humanisme considère le droit à la différence comme une source d'enrichissement. Les valeurs humanistes modernes sont formés de l'apport de nombreuses civilisations et traditions différentes. Guidé par la même lignée de pensées, Hadrien a fait construire le Panthéon, la plus jolie perle de la construction romaine qui existe encore aujourd’hui. Yourcenar interprète ainsi les motifs idéologiques qui auraient poussé l’Empereur à construire ce temple consacré à tous les dieux il y a deux mille ans: «De plus en plus, toutes les déités m’apparaissent mystérieusement fondues en un Tout, émanations infiniment variées, manifestations égales d’une même force: leurs contradictions n’étaient qu’un mode de leur accord »[14].

Il est un détail qui mérite notre attention, les principaux héros yourcenariens de même que leur créatrice sont, dans la plupart des cas, homosexuels et sans descendants; en plus, ses oeuvres sont dominées par des voix masculines. Certaines critiques reprochent aux ouvrages de cette femme écrivain la plus illustre de notre temps le manque de présence féminine et la négligence pour les femmes de son propere sexe. Cela est sans doute une vision très limitée et simpliste de l’analyse littéraire. Un tel aménagement de thèmes et de personnages qui regardent très peu les femmes n’est pas aléatoire, il est voulu. Les hommes aspirent plus la liberté que les femmes, et ceux qui sont exempts de contraintes familiales ont peut-être plus de chance pour atteindre la vraie liberté. Ils n’ont pas d’enfants, mais cela n’a pas d’importance, ce n’est pas seulement par le sang que l’humanité continue. On peut donc constater que, pour Yourcenar, les hommes incarnent mieux que les femmes leurs idées humanistes . Pourtant, l’universel chez Yourcenar ne se limite pas aux figures d’hommes ou à la communauté des hommes. Les matières de la nature, le corps et l’ame de l’homme sont liés ensembles. Les paysages, les animaux et les plantes se communiquent entre eux, ils ne font qu’une seule unité: ainsi Zénon enfermé dans la cellule, à l’approche de la mort, « effleure du doigt les faibles aspérités d’une brique couverte de lichen et il croit explorer des mondes ».

Marguerite Yourcenar est un écrivain extrêmement sérieux, la gestation de ses oeuvres importantes est toujours longue et lente. Elle porte en elle ses grands projets d’écriture pendant dix, vingt, parfois même trente ans( Il est des livres qu’on ne doit pas oser avant d’avoir quarante ans, il faut s’imprégner complètement d’un sujet jusqu’à ce qu’il sorte de terre, comme une plante soigneusement arrosée, dit-elle.). Elle est aussi un des rares écrivains qui reprennent leur écriture précédente et la retouchent, la remanient, la perfectionne. Romancière qui puise ses ressources dans l’histoire, elle est aussi poète, auteur de pièces de théatre, essayiste et critique. La forme et le contenu de ses oeuvres sont aussi variés que riches. A la différence de beaucoup d’auteurs féminins qui travaillent et représentent directement leurs propres vie et expériences, Yourcenar n’affiche jamais son identité de femme. Dans ses livres, il y a tout, sauf elle-même. Elle sera toujours appréciée des lecteurs pour son érudition, la force et le poids de sa culture gréco-latine, la hauteur de sa pensée, sa poursuite sans relache des valeurs éternelles et son exaltation quasi-religieuse pour l’art et la littérature.

 

 

 

[1]L’Univers masculin de Marguerite Yourcenar, Andrea Hynynen, août 2002, ressource internet.

[2]Ibid.

[3]M. Yourcenar, Alexis ou le Traité du vain combat, Edition Pléiade de Gallimard, 1982, volume I, p. 75.

[4]M. Yourcenar, L’Oeuvre au noir, édition Gallimard, 1968, p. 34.

[5] Ibid, p. 37.

[6] Ibid, p. 160.

[7] Ibid, p. 147.

[8] Ibid, p. 196.

[9] Ibid, p. 395.

[10] Ibid, p. 256.

[11] Discours prononcé par Jean-Denis Bredin, successeur de M. Yourcenar à l’Académie française, le jeudi 17 mai 1990.

[12] M. Yourcenar, Mémoires d’Hadrien, Gallimard, 1979, p. 231.

[13] Ibid, p. 131.

[14] M. Yourcenar, L’Oeuvre au noir, Gallimard, 1968, p. 375.

[15] M. Yourcenar, Mémoires d’Hadrien, Gallimard, 1979, p. 175.

 

Bibliographie :

[1]Discours d’acceuil pour la réception de M. Yourcenar à l’Académie française, Jean d’Ormesson, janvier 1981.

[2]Discours d’hommage à M. Yourcenar, Jean-Denis Bredin, le jeudi 17 mai 1990.

[3]L’univers masculin de Marguerite Yourcenar, Andrea Hynynen, août 2002, ressource internet.

[4]《试论尤瑟纳尔的历史小说》,郑克鲁,抚州师专学报,1997 年第4 期。

[5]《论新寓言小说中本体与符号的关系---析尤瑟纳尔的〈王佛脱险记〉》,泉洲师范学院学报,2003 9 月,第21 卷第5 期。

[6]《古希腊早期哲学的人文精神》,韩秋红, 史巍,东北师大学报,2006年第5期。









Edité par Yao Xiaodan

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