Première femme
élue à l’Académie française en 1981, Marguerite Yourcenar est incontestablement
une des figures majeures de la littérature française du vingtième siècle. La gloire
vient avec Mémoires d’Hadrien, son
chef- d’oeuvre publié en 1951. Ce roman a eu un immense succès immédiat et a
obtenu le prix Fémina de l’année en France. Une quinzaine d’année plus tard,
son autre ouvrage, L’Oeuvre au noir,
publié en 1968, lui a valu aussi de grands succès mondiaux. La consécration,
c’est-à-dire son élection à l’Académie n’est ni accidentelle ni niée avec le
fait qu’elle est une femme. Monsieur Jean d’Ormesson a très bien dit dans son
discours d’acceuil lors de la cérémonie pour la réception de Yourcenar : « Madame, ce n’est pas parce que vous êtes une
femme que vous êtes ici aujourd’hui : c’est parce que vous êtes un grand
écrivain...Nous vous aurions élue aussi, et peut-être, je l’avoue, plus
aisément et plus vite, si vous étiez un homme...C’est plutôt à nous de vous
remercier, non pas de l’accident de votre sexe, mais de la fermeture de votre
écriture et de la hauteur de votre pensée ».
Cette grande
virtuose de l’écriture est surtout connue comme une romancière historique. Les Mémoires d’Hadrien retracent la vie
d’un empereur qui gouverne à l’apogée de l’empire romain au deuxième siècle. L’Oeuvre au noir raconte l’itinéraire
intellectuel d’un humaniste né à Bruge dans les Flandres au seizième siècle, la
période où s’affrontent le Moyen Age et la Renaissance. A travers Zénon, le
héro imaginaire du roman, on voit les faits de beaucoup de savants imprégnés
d’esprit humaniste de son époque : Léonard de Vinci, Campanella, Bruno, Copernic,
etc.. Or, ce serait trop réducteur et simplifié de considérer Yourcenar comme
une historienne, son but n’est pas de brosser minutieusement des tableaux
représentant des évémements qui ont eu lieu vraiment dans l’histoire ; la
plupart du temps, l’écrivain Yourcenar, se servant de la matière-histoire,
ressemble plutôt à une philosophe, son style mi-narratif, mi-méditatif est
original et fascinant, elle mêle la narration et le commentaire, les événements passés
lui prêtent lieux de réflexions : réflexions sur les événements contemporains,
réflexions sur les conditions humaines, réflexions sur des thèmes éternels : la
liberté, l’amour, la mort, la guerre, les servitudes, la religion, la maladie
et la souffrance, bref, le destin de l’homme et de son univers. Cet article va
essayer de dégager et d’analyser un des thèmes privilégiés dans les trois
oeuvres représentatives de l’auteur (Alexis
ou le Traité du vain combat, L’Oeuvre au noir, Mémoires d’Hadrien) : les
valeurs huamnistes, surtout celle de la liberté. On verra que cette valeur est
décrite, recherchée, défendue et exaltée sous différentes formes, de
différentes manières et de profondeurs.
La liberté d’être, de vivre sa propre
nature
Alexis
ou le Traité du vain combat est le premier roman publié (1929) de
l’auteur. Il s’agit d’une lettre d’un jeune musicien adressée à sa femme avant
son départ définitif. Dans cette longue lettre, il a avoué un fait qu’il avait
dissimulé péniblement pendant longtemps : il ne porte pas de désirs pour les
femmes. Alexis vient d’une vieille famille noble en déclin de la fin du 19e siècle,
il s’est très tôt rendu compte qu’il était différent des autres : il était
timide et solitaire ; au collège il ne pouvait pas supporter la vie commune
avec les autres garçons bruyants, affreux, et de langage vulgaire ; plus tard,
pour lutter contre son crime intérieur et éviter de déshonorer sa famille, il s’est
même marié avec une gentille femme respectable, Monique. Mais la vie conjugale
s’avère très vite un échec total, il se sent malheureux et étouffé à tel point
qu’il est obligé d’arrêter ses activités musicales. Il a compris que pour
poursuivre sa carrière musicale, pour assurer son propre avenir et aussi celui
de sa femme, il faut qu’il parte; il faut qu’il s’accepte comme tel qu’il est,
enfin, il faut qu’il soit libre, libre de suivre ses penchants naturels. « Pour lui, la liberté veut dire la
réalisation de sa propre nature, la reconnaissance de ses propres valeurs. La
liberté de son propre être favorise sa sensibilité artistique »[1]. Ce
n’est que dans cette condition que la musique lui reviendra. Pour un artiste
comme Alexis, la musique, ce n’est pas seulement son métier, mais aussi une
partie intégrante de son existence, le salut de sa vie.
L’homosexualité
masculine, c’est un phénomène même très débattu aujourd’hui. Bien que ce ne
soit plus un tabou à l’heure actuelle, il faut toujours un courage
extraordinaire pour un homme contemporain de le reconnaître à sa famille. Il
n’est pas difficile d’imaginer à quell point cette préférence sexuelle était
mal vue il y a cent ans. L’historien
Antony Copley, qui a étudié l’évolution morale sexuelle en France, montre que
l’homosexualité devient d’abord criminelle et ensuite pathologique pendant la
deuxième moitié du 19e siècle[2]. La famille était (elle continue d’être
aujourd’hui) le fondement et la première valeur de la société. Sous cette
atmosphère, la majorité des hommes homosexuels se sentent coupables et ils
tentent de se racheter au moyen du marriage, en se conformant ainsi aux normes
de la société, ils espèrent que leurs désirs particuliers sont peut-être
passagers, qu’ils retrouveront leur place dans la vie. Or, quelles que soient
les causes possibles, l’homosexualité est une nature contre laquelle il serait
vain de lutter (d’où le titre du roman ). Ainsi, Alexis a compris que la
libération de son propre être serait la condition préalable de la nouvelle voie
qui le délivrerait et le mènerait à l’épanouissement de son individu. Et le
choix de quitter sa femme et son fils nouveau-né constitue justement le symbole de
cette libération. Le héro se rend compte parfaitement de la signification de ce
départ, à la fin de la lettre, il écrit ceci:
“Mes mains,
Monique, me libéreraient de vous. Elles pourraient de nouveau se tendre sans contrainte;
elles m’ouvraient, mes mains libératrices, la porte du départ. Peut-être, mon
amie, est-il absurde de tout dire, mais ce soir-là, gauchement, à la façon dont
on scelle un pacte avec soi-même, j’ai baisé mes deux mains.” [3]
Alexis
ou leTtraité du vain combat est une oeuvre de jeunesse de
Marguerite Yourcenar, à défaut de documentation, il est difficile de dire
exactement ce qui avait inspiré à l’auteur ce sujet, mais ce dont on est
certain, c’est que le jeune écrivain voulait exprimer sa compréhension de la liberté,
la liberté de vivre sa vraie nature et d’en jouir, son refus d’existence simulacre,
son mépris pour les conventions et morales sociales, et son aspiration à un
monde libre de préjugés et d’injustice.
La liberté de penser, d’exprimer et
d’agir
La liberté de la
nature humaine relève plutôt de la dimension physiologique et psychologique. Il
existe une autre catégorie de liberté non moins primordiale, mais plus spirituelle---la
liberté de la pensée, de l’expression et de l’action. C’est ce que recherche le protagoniste
de L’Oeuvre au noir, autre
chef-d’oeuvre-maître de Marguerite Yourcenar.
Batard d’un
prélat italien, né à Bruges en Belgique au 16e siècle, Zénon est envoyé très jeune
apprendre la théologie pour être plus tard un prêtre, car à l’époque, « la cléricature restait pour un batard le
moyen le plus sûr de vivre à l’aise et d’accéder aux honneurs »[4]. Or, cet enfant
destiné à l’église commence très vite à douter de l’existence du Dieu et porte
un regard critique aux oeuvres des grands classiques : « Platon d’une part, Aristot de l’autre étaient traités en simples
marchands dont on vérifie les poids, Tite-Live n’était qu’un bavard »[4].
Après ses études, Zénon part en de longs voyages à travers toute l’Europe à la
recherche de savoirs, de vérités, d’oasis idéal sans superstition, sans
préjugés et persécution, à la recherche des endroits où on a la respiration
libre. Au cours de cette vie errante, il est devenu médecin, alchimiste et philosophe.
Il s’est aventuré aussi bien dans le domaine de la chair humaine (ses activités d’anatomie
en tant que médecin) que dans celui de l’esprit, il observe l’homme et son
univers, il réfléchit sans cesse et écrit des livres pour dégager les lois et
principes de la nature et de l’espèce humaine : « A force de creuser de nos dents l’écorce des choses, nous finirons bien
par trouver la raison secrète des affinités et des désaccords »[5]. Très en
avance sur les recherches scientifiques de son temps, il a fait publier
quelques livres impies pleins d’hérésie, ce qui provoque naturellement la haine
et la persécution de l’Eglise. Bien qu’il soit toujours en fuite de la
poursuite de l’Eglise, bien qu’il sache parfaitement qu’il risque une fin
tragique—le bûcher, il n’a jamais songé à arrêter ses recherches de la vérité
ni à renoncer à assumer son statut d’un intellectuel libre ; Voilà ce qu’il
confesse à son cousin rencontré par hasard une vingtaine d’années après son
départ : « ...Les outils de mon art
m’étaient fournis, et parmi eux le plus rare et le plus précieux de tous, la
licence de penser et d’agir à ma guise »[6].
En tant qu’un
humaniste qui s’efforce de faire sortir le peuple des ténèbres de l’ignorance,
Zénon possède de hautes qualités et de nobles sentiments ; mais en tant qu’un
homme, il a aussi ses points faibles : par exemple, après son retour dans le
pays natal sous un nom d’emprunt, installé temporairement chez son ancien
maître et compère, il n’a pas pu résister deux fois à la tentation de la
servante de celui-ci, et le matin suivant, il a beaucoup regretté « et il s’envoulait de s’être commis avec une
créature comme on s’en veut d’avoir consenti à coucher dans un douteux lit
d’auberge »[7]. Dans le couvent, il est au courant des soirées de débauche
des jeunes prêtres, mais il ne les dénonce ni ne les dissuade, il s’implique
ainsi dans ce scandale et se fait arrêter plus tard. Pourtant, l’aménagement de
‘ces petites intrigues’ n’a pas pour but de susciter l’intérêt des lecteurs, il
a deux fonctions : d’une part, avec cette insuffisance ou défaillance de vertu,
l’image de Zénon s’en est sorti plus vivante et véridique ; d’autre part, ce
défaut reflète au contraire une autre revendication des humanistes : la liberté
sexuelle. Au Moyen-Age, pendant presque mille ans, l’Eglise s’est toujours
servi de l’outil de l’ascétisme pour maintenir et affermir sa puissance et
dominance. La vie sexuelle conjugale était strictement contrôlée, et les plaisirs
charnels étaient considérés comme des péchés. Ainsi, pour les humanistes tels
que Zénon, accepter et louer les plaisirs et réjouissances sensuelles, c’est la
libération de la nature humaine, cela égale aussi à un défi lancé aux dogmes et
pouvoirs de l’Eglise.
L’éclat de
l’humanisme en la personne de Zénon brille le plus solennellement à sa mort tragique.
Il aurait pu s’échapper à ce destin : il pourrait quitter Bruge avant son
arrestation ; incarcéré, il pourrait éviter la mort s’il acceptait d’abandonner
publiquement son athéisme et de mettre désormais son talent au service de
l’Eglise. Mais Zénon n’a fait ni l’un ni l’autre. Ayant fait des recherches
scientifiques et philosophiques toute sa vie, il a perdu toute aptitude aux mensonges
: il savait fort bien qu’il n’existe
aucun accommodement durable entre ceux qui cherchent, pèsent, dissèquent , et
s’honorent d’être capables de penser demain autrement qu’aujourd’hui, et ceux
qui croient et affirment croire, et obliget sous peine de mort leurs semblables
à en faire autant[8] ; à l’instar des précurseurs qu’il a vus ou sus brûler
vifs à la place publique, il voulait défendre jusqu’au dernier souffle ses
principes de la liberté de l’opinion et du droit à la vérité. Pour lui, la mort
est en quelque sorte la délivrance, parce qu’il avait trop vécu dans un monde à
feu et à sang,[9] et il a défendu sa dignité de l’homme en se donnant la mort,
il s’est coupé son artère et rien qu’un quart d’heure, il serait libre; ce
suicide constitue également son dernier triomphe sur la cruelle torture de
L’Inquisition et de l’Eglise, parce que le lendemain, ils ne brûleront qu’un
cadavre.
Le
personnage de Zénon est la savante invention d’un homme nouveau, enfant de la réforme
et de la Renaissance, seulement conduit par l’intelligence et la raison, un
homme libre dont Marguerite Yourcenar a voulu nous léguer comme modèle[10].
Comme ce que nous avons souligné plus haut, l’image de Zénon est l’amalgame des
grands humanistes du 15e et 16e siècle de l’Europe, une partie de ces
défenseurs inflexibles des droits fondamentaux de l’homme ont réellement connu
le sombre destin de Zénon, mais le feu les a transformés avec leurs pensées en de
véritables flambeaux qui dirigeront le grand peuple vers la voie de
l’émancipation et du progrès.
L’Antiquité gréco-latine : la source de
l’esprit humanitaire
On sait bien que
l’univers gréco-latin constitue la matière privilégiée des oeuvres de Marguerite
Yourcenar. La liberté, l’égalité, le respect de l’individu, etc., toutes ces
valeurs essentielles dont les occidentaux sont fiers d’être créateurs et
défenseurs prennent leur origine dans la Grèce antique. Ce patrimoine spirituel
est hérité ensuite par les Romains et il se perpétue à travers la
quasi-totalité des civilisations européennes. Ainsi on comprendra mieux le
cadre de Mémoires d’Hadrien. Ce roman
est considéré comme un des grands textes et une des dernières classiques du 20e
siècle. Hadrien était empereur romain de 117 à 136 après Jésus-Christ. C’est un
soldat, mais un sage ; c’est un empereur, mais un homme ; c’est un Romain, mais
un Grèc. Il renonce sagement aux territoires au-delà de L’Euphrate conquis par
son prédécesseur Trajan, il entreprend des politiques de paix et de défense
avec les royaumes barbares, il réforme l’administration et l’armée, il rêve
d’une juste répartition des biens, il essaie d’améliorer la condition de
l’esclave, il embellit Rome et le territoire de l’Empire par de nombreux
monuments. Cet empereur est aussi un homme de culture. Il a toujours un grand
appétit pour les savoirs et voyages, il passe les trois-quarts du temps de son
règnes en voyages et tournées d’inspection dans toutes les provinces de
l’Empire, il a du goût pour la littérature, la musique, l’astronomie, la médecine
et la philosophie. C’est surtout un admirateur de l’art et de la culture
grecque. Pendant ses nombreux voyages, sa destination préférée est la Grèce,
depuis son plus jeune age, il est passionné de l’art grec, qu’il juge parfait,
ainsi que ses penseurs.
Pourquoi
l’empereur Hadrien ? Rappelons que ce livre est le premier ouvrage de l’auteur sorti
au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Selon la propre explication de
l’écrivain, Hadrien incarne le souverain idéal qu’elle voulait au monde, un
chef d’Etat capable de stabiliser la terre. « Sortant moi-même des années de
guerre, j’ai voulu présenté l’image d’un chef d’Etat intelligent, pacificateur
et reconstructeur ». Mais pourquoi cet empereur baigné de l’esprit grec? Pour
Adrien comme pour Yourcenar, tout ce qui
en nous est humain, ordonné, et lucide vient d’Athènes[11]. La philosophie
humaniste remonte à Protagoras, sophiste grec du 5e siècle avant notre ère,
pour qui "l'homme est la mesure de toutes choses". Cette devise
devrait inspirer combien de penseurs, de philosophes et d’auteurs à développer
une vision humaniste: recherche d'un modèle d'homme libre, heureux et épanoui.
Dans les notes qui accompagnent le texte des Mémoires d’Hadrien, Yourcenar
indique que c’est une phrase de Flaubert qui lui a inspiré d’une certaine
manière la création de ce chef-d’oeuvre: « Les dieux n’étant plus, et le Christ
n’étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où
l’homme a été. » Cette indication est précieuse et révélatrice, elle témoigne
de l’importance accordée à la valeur de liberté par l’auteur. Elle fait dire
par Hadrien ceci: « Pour moi, j’ai
cherché la liberté plus que la puissance, et la puissance seulement parce qu’en
partie elle favorisait la liberté. »
Yourcenar pousse
plus loin ses idées d’humanisme. Comme le dit son successeur à l’Académie, elle
affectionne l’humanité tout entière, mais elle ne s’intéresse à aucune communauté.
Elle-même n’a ni famille, ni patrie, ni frontière, comme elle est de partout. Hadrien
se confesse aussi de façon semblable : Il
faut faire ici un aveu que je n’ai fait à personne : je n’ai jamais eu le
sentiment d’appartenir complètement à aucun lieu, pas même à mon Athènes
bien-aimé, pas même à Rome. Etranger partout, je ne me sentais particulièrement
isolé nulle part[12]. Dans l’Oeuvre au noir il a été évoqué l’indifférence
du sage « pour qui tout pays est patrie
et toute religion un culte valable à sa manière. »[13] Ainsi, avec les
protagonistes yourcenariens, nous sommes emportés pour accéder à quelque chose
de plus haut et de plus noble, l’universel. L’universel est une caractéristique
par excellence de l'humanisme, il respecte la différence entre individus,
groupes, communautés et ethnies, il admet la rationalité des différentes
cultes, croyances et conceptions du monde; l’humanisme considère le droit à la différence
comme une source d'enrichissement. Les valeurs humanistes modernes sont formés
de l'apport de nombreuses civilisations et traditions différentes. Guidé par la
même lignée de pensées, Hadrien a fait construire le Panthéon, la plus jolie
perle de la construction romaine qui existe encore aujourd’hui. Yourcenar
interprète ainsi les motifs idéologiques qui auraient poussé l’Empereur à
construire ce temple consacré à tous les dieux il y a deux mille ans: «De plus en plus, toutes les déités
m’apparaissent mystérieusement fondues en un Tout, émanations infiniment
variées, manifestations égales d’une même force: leurs contradictions n’étaient
qu’un mode de leur accord »[14].
Il est un détail
qui mérite notre attention, les principaux héros yourcenariens de même que leur
créatrice sont, dans la plupart des cas, homosexuels et sans descendants; en
plus, ses oeuvres sont dominées par des voix masculines. Certaines critiques
reprochent aux ouvrages de cette femme écrivain la plus illustre de notre temps
le manque de présence féminine et la négligence pour les femmes de son propere
sexe. Cela est sans doute une vision très limitée et simpliste de l’analyse
littéraire. Un tel aménagement de thèmes et de personnages qui regardent très
peu les femmes n’est pas aléatoire, il est voulu. Les hommes aspirent plus la
liberté que les femmes, et ceux qui sont exempts de contraintes familiales ont
peut-être plus de chance pour atteindre la vraie liberté. Ils n’ont pas
d’enfants, mais cela n’a pas d’importance, ce n’est pas seulement par le sang
que l’humanité continue. On peut donc constater que, pour Yourcenar, les hommes incarnent
mieux que les femmes leurs idées humanistes . Pourtant, l’universel chez
Yourcenar ne se limite pas aux figures d’hommes ou à la communauté des hommes.
Les matières de la nature, le corps et l’ame de l’homme sont liés ensembles.
Les paysages, les animaux et les plantes se communiquent entre eux, ils ne font
qu’une seule unité: ainsi Zénon enfermé dans la cellule, à l’approche de la
mort, « effleure du doigt les faibles aspérités d’une brique couverte de lichen
et il croit explorer des mondes ».
Marguerite
Yourcenar est un écrivain extrêmement sérieux, la gestation de ses oeuvres importantes
est toujours longue et lente. Elle porte en elle ses grands projets d’écriture
pendant dix, vingt, parfois même trente ans( Il est des livres qu’on ne doit
pas oser avant d’avoir quarante ans, il faut s’imprégner complètement d’un
sujet jusqu’à ce qu’il sorte de terre, comme une plante soigneusement arrosée,
dit-elle.). Elle est aussi un des rares écrivains qui reprennent leur écriture
précédente et la retouchent, la remanient, la perfectionne. Romancière qui
puise ses ressources dans l’histoire, elle est aussi poète, auteur de pièces de
théatre, essayiste et critique. La forme et le contenu de ses oeuvres sont
aussi variés que riches. A la différence de beaucoup d’auteurs féminins qui
travaillent et représentent directement leurs propres vie et expériences, Yourcenar
n’affiche jamais son identité de femme. Dans ses livres, il y a tout, sauf
elle-même. Elle sera toujours appréciée des lecteurs pour son érudition, la
force et le poids de sa culture gréco-latine, la hauteur de sa pensée, sa
poursuite sans relache des valeurs éternelles et son exaltation
quasi-religieuse pour l’art et la littérature.
[1]L’Univers
masculin de Marguerite Yourcenar, Andrea Hynynen, août 2002, ressource
internet.
[2]Ibid.
[3]M.
Yourcenar, Alexis ou le Traité du vain combat, Edition Pléiade de Gallimard,
1982, volume I, p. 75.
[4]M.
Yourcenar, L’Oeuvre au noir, édition Gallimard, 1968, p. 34.
[5]
Ibid, p. 37.
[6]
Ibid, p. 160.
[7]
Ibid, p. 147.
[8]
Ibid, p. 196.
[9]
Ibid, p. 395.
[10]
Ibid, p. 256.
[11]
Discours prononcé par Jean-Denis Bredin, successeur de M. Yourcenar à
l’Académie française, le jeudi 17 mai 1990.
[12]
M. Yourcenar, Mémoires d’Hadrien, Gallimard, 1979, p. 231.
[13]
Ibid, p. 131.
[14]
M. Yourcenar, L’Oeuvre au noir, Gallimard, 1968, p. 375.
[15]
M. Yourcenar, Mémoires d’Hadrien, Gallimard, 1979, p. 175.
Bibliographie :
[1]Discours
d’acceuil pour la réception de M. Yourcenar à l’Académie française, Jean
d’Ormesson, janvier 1981.
[2]Discours
d’hommage à M. Yourcenar, Jean-Denis Bredin, le jeudi 17 mai 1990.
[3]L’univers
masculin de Marguerite Yourcenar, Andrea Hynynen, août 2002, ressource
internet.
[4]《试论尤瑟纳尔的历史小说》,郑克鲁,抚州师专学报,1997 年第4 期。
[5]《论新寓言小说中本体与符号的关系---析尤瑟纳尔的〈王佛脱险记〉》,泉洲师范学院学报,2003 年9 月,第21 卷第5 期。
Edité par Yao Xiaodan