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Atouts de la méthode Reflets pour le public de l’Alliance Française de Wuhan
Source : Etudes Françaises, 2006/04 2012-12-28

L’approche communicative étant maintenant bien intégrée pour l'enseignement de FLE aux Alliances Françaises en Chine, quelle méthode française sera la mieux adaptée aux particularités de cet enseignement et à ses objectifs ? Le sujet reste très discuté entre les enseignants chinois.

A l’Alliance Française de Wuhan (dénommée AFW ci-après), après avoir utilisé Le Nouveau Sans Frontières, on a choisi Reflets comme matériau de base. Ayant eu à pratiquer successivement ces deux méthodes à l'AFW, je prendrai comme point de départ de mes réflexions l’analyse du public particulier de l’AFW, ses objectifs, ses difficultés et ses besoins afin de mettre en place une pédagogie plus adaptée.

1. Besoins du public de l’AFW

Le public de l’AFW est composé principalement de jeunes étudiants ou de salariés qui vont partir en France ou au Canada, habités d'un projet professionnel. Les objectifs d’apprentissage proposés à nos apprenants doivent répondre à leurs projets d’expatriation, aux besoins de communication dans les contextes qu'ils vont rencontrer, tels que les études, la vie quotidienne et les loisirs. Notre enseignement est censé leur donner la maîtrise du français comme langue decommunication.

Or le français n’est pas, pour ces apprenants, une langue de communication, et puisqu’il est appris en dehors de son aire d’usage habituelle, il n’a pour le moment aucune fonction sociale pour eux. Si on veut éviter alors un passage trop brusque du contexte "le français en classe" au contexte « le français de tous les jours et à toute heure », il semble inévitable et prioritaire d'adopter en classe une pédagogie de la communication en français. Ce qui revient à dire qu'enseigner le FLE (français langue étrangère), c’est certes enseigner la langue d’un point de vue linguistique, mais c’est surtout faire le choix de la compétence de communication. Les composantes de cette compétence varient selon les théoriciens, tels que Hymes Delles, Canale et Swain ou Sophie Moirand, qui ont cherché à la définir. Elle peut cependant s’analyser sous les cinq composantes suivantes : la compétence linguistique, la compétence sociolinguistique, la compétence discursive ou énonciative, la compétence référentielle et la compétence stratégique. En effet, un des principes de l’approche est qu’il ne suffit pas pour pouvoir communiquer dans une langue d'en connaître le vocabulaire et les structures grammaticales. Cette connaissance est une condition nécessaire mais non suffisante pour une communication efficace, laquelle demande en plus la maîtrise de ses règles d’emploi et d'usage.

2. Atouts de la méthode Reflets

En la comparant avec celle de Le Nouveau Sans Frontières, voyons maintenant quels sont les atouts de la méthode Reflets pour développer la compétence de communication des apprenants et ce qui en elle attire enseignants et apprenants ?

Cette comparaison portera sur trois aspects :

1. avantages de la vidéo par rapport au support uniquement audio

2. présentation du non verbal et apport des élements extra-linguistiques

3. authenticité des documents, des thèmes, des situations, des personnages

2.1 atouts de la vidéo

La méthode Reflets se propose des documents vidéo alors que ceux de Le Nouveau Sans Frontières sont essentiellement audio. Ces documents vidéo permettent la co-existence sur un même support de textes, de sons, et d’images fixes et mobiles. L'atout des images est évident : elles captent mieux l’attention à la fois visuelle et auditive des apprenants parce que ces documents télévisuels sollicitent deux sens en même temps : l’ouïe et la vue. Les images permettent aussi de pousser les apprenants chinois, qui sont traditionnellement timides, à parler plus facilement et aisément en classe. Les documents télévisuels servent donc de déclencheurs d’activités, ils sont des supports de production orale même écrite. On peut dire de ce point de vue que les images sont instrument de participation.

Pour ce qui est de l'utilisation de ces documents télévisuels, le premier visionnement d'une séquence se fait sans le son; les apprenants vont essayer de comprendre quelque chose en regardant seulement les images (avec en tête les questions de base : (qui, où, quoi, quand, pourquoi, comment etc.) et ils vont émettre des hypothèses. Après ce premier visionnement, l’enseignant peut demander aux apprenants de discuter de ce qu’ils ont vu en groupe de 2 ou 3, avant une mise en commun. A cette étape du travail; le professeur doit accepter toutes les propositions émises, qu'elles soient justes ou fautives. C’est à l’écoute que l’on saura si elles étaient justes. L’objectif est donc alors de faire parler les apprenants et de les amener à comprendre la situation présentée dans une séquence et le contenu du dialogue.

Prenons comme exemple l’épisode 1 de Reflets volume 1. On parviendra à la compréhension en deux phases, d’abord une compréhension globale et puis une compréhension fine. L’objectif de la compréhension globale est que les apprenants comprennent la situation présentée, c’est-à-dire le choix d’un nouveau locataire. Rien de plus et rien de moins. On atteindra à cet objectif par trois étapes :

Première étape : arrêt sur image au moment où on voit Julie et Benoît ouvrir la porte à P.H. de Latour. L’enseignant pose deux questions :

Question 1 : (Vous voyez) qui ?

Réponse attendue : Julie et Benoît + un homme

Question 2 : Julie et Benoît, ils habient où?

Réponse attendue : Rue du Cardinal-Mercier dans le 9e arrondissement

Deuxième étape : visionnement intégral sans interruption (livre fermé) avec deux autres questions de guidage :

Question 1 : (Vous voyez) combien de personnes ?

Réponse attendue : 8 personnes + Julie et Benoît

Question 2 : Elles habitent avec Julie et Benoît ?

Réponse attendue : Non.

Troisième étape : visionnement de la dernière partie (celle où Benoît rentre) avec quatres questions :

Question 1 : (Vous voyez) qui ?

Réponse attendue : Julie et Benoît + Pascal Lefèvre

Ici le professeur dessine au tableau 3 dessins symbolisant : « content » « pas content» « surpris ».

Question 2 : Pascal est content, pas content, surpris?

Réponse attendue : surpris.

Question 3 : Benoît est Ok ? ( avec le son )

Réponse attendue : Oui. ( Il dit : je suis d’accord.)

Question 4 : Qui est Pascal ?

Réponse attendue : C’est le nouveau locataire.

Pour la compréhension fine, le professeur propose aux apprenants de faire une fiche signalétique sur trois personnages de l’épisode avec la possiblité de repondreje ne sais pas.

 

sexe

nom

prénom

profession

nationalité

1°personne

 

 

 

 

 

2°personne

 

 

 

 

 

3°personne

 

 

 

 

 

Réponses proposées :

        

 

sexe

Nom

prénom

profession

nationalité

1°personne

homme

De Latour

Pierre-Henri

étudiant

Je ne sais pas

2°personne

homme

Je ne sais pas

Je ne sais pas

stagiaire

Je ne sais pas

3°personne

femme

Je ne sais pas

Ingrid

étudiante+

mannequin

allemande

Avec ces activitées proposées, on peut constater que dès l’épisode 1, même avec des apprenants débutant qui n’ont presque pas de vocabulaire, on peut se servir de la vidéo, parce que les images les aideront à imaginer et à comprendre. Mais avec le support audio, cela ne marche jamais. Avec l’audition seule, les faibles sont totalement perdus. A ce point, les activités ont pour objectif prioritaire de mettre en confiance l’apprenant vis-à-vis des documents télévisuels, de mettre en valeur ce dont il est capable, d’atténuer, voire supprimer la peur de ne pas comprendre. L’introduction de document télévisuel est faisable et nécessaire dès le premier cours de français, car les apprenants chinois manquent de stratégie de compréhension, ils pensent toujours qu’ils pourront comprendre seulement avec des paroles, et avec des mots qu’ils comprennent, s’ils se trouvent devant des choses qu’ils ne comprennent pas, ils se sentent moins rassurés, même perdus. Ce genre de travail permet de mettre en valeur ce que les apprenants sont capables de comprendre, de dire ou de faire, de leur donner à voir les documents télévisuels afin qu’ils n’aient plus peur de rencontrer l’inconnu, et qu’ils progressent dans leur stratégie de compréhension.

2.2 présentation du non verbal et apport des élements extra-linguistiques La méthode Reflets présente le non-verbal aussi bien que le verbal, ce que la méthode Le Nouveau Sans Frontierès n’arrive pas à faire. Puisque l’on sait bien que dans l’enseignement de la communication orale, la première exigence est de mettre en scène une communication « authentique », présentant les élements linguistiques ainsi que les élements extra-linguistiques. Mais l’introduction de ces élements sous forme de descriptions est évidemment abstraite, la présence doit être active. Cette exigence déroule du fait que langue et culture sont les deux faces indissociables d’une même réalité. La langue doit être apprise dans des situations vécues.

Dans Reflets, à l’aide d’images, on peut travailler sur le comportement non verbal. Les observations du comportement non verbal, porteront sur les jeux de physionomie, le regard, la gestuelle et l’intonation de voix dans la mesure où ces comportements sont reliés à une intention de communication et permettent de la cerner. Si l’intention de communication est claire d’après la situation de communication, on notera le comportement qui l’accompagne. A d’autres moments, c’est le comportement des personnages qui permettra de décoder leurs intentions.

En conséquence, pour comprendre et utiliser avec efficacité un document télévisuel, il faut reconnaître et accepter un postulat de départ : les informations liguistiques (voix off, dialogues, documents écrits) ne sont qu’une petite partie du message, la grande partie des messages est transmise par le non verbal. La communication interpersonnelle est marquée par la situation de communication, la gestuelle, la proxémique, la kinésique...Dans les médias, message visuel ou sonore et message linguistique sont indissociables. Nous insistons : les images et la bande son (bruits, musique, voix, intonations, la situation, l’aspect physique des locuteurs, l’action, etc.) transmettent des indications essentielles à la construction du sens.

Cependant, les techniques d’observation et les activités proposées n’ont pas pour but de transformer les apprenants en « imitateurs serviles », mais de les aider à mieux percevoir les autres, à mieux comprendre leurs réactions. Des membres d’une même culture ont en commun un important savoir partagé. Grace à leurs traditions et à leurs habitudes culturelles, ils sont rompus au décodage des multiples signes non verbaux et aux allusions ancrées dans leur culture.

Dans Reflets, ce genre de réflexion se trouve dans chaque épisode sur la page « Organiser votre compréhension », sous le titre d’« observer les comportements ». Voyons ensemble un exercice proposé dans le manuel (épisode 4 page 40 exercice 4) : dans cet exercice, on peut voir quelques photos (images) et on propose pour chaque image deux ou trois choix de compréhension, puis on va observer les comportements figurés dans chaque image et choisir une ou deux réponses adéquates, à partir de ce qu’on a compris sur l’image.

      Question 4 : Il (Benoît) a l’air (quand il découvre les fleurs que ses collègues lui ont achetées pour son anniversaire)

a. gêné              b. content                 c. agacé.

Les étudiants ont eu du mal à choisir « gêné » comme réponse. Parce qu’ils ignorent qu’en France, on n’offre pas de fleurs aux hommes.

Normalement, le non verbal est un aspect culturel assez difficile à saisir pour le public chinois, il est désorienté au début, car il ne retrouve pas les marques et les habitudes de sa propre culture... et il ne peut non plus s’appuyer sur des énoncés qu’il n’est pas encore en mesure de déchiffrer. L’enseignant est là pour l’aider à utiliser sa connaissance du monde et ses expériences en s’appuyant sur ce qu’il a en commun avec des individus de culture francophone dans ses comportements et ses rapports aux autres.

2.3 Authenticité des documents, des thèmes, des situations, des personnages

Les documents vidéo dans Reflets sont pédagogiquement authentiques par leur conception et leur réalisation. Ses thèmes et ses personnages sont également intéressants pour les jeunes apprenants qui vont partir en France. Dans le feuilleton, on raconte la vie des trois jeunes colocataires qui n’ont pas forcément la relation d’affection, ce qui n’est pas le cas en Chine sur le plan culturel. Ces histoires amusantes permettent de travailler d’une façon plus vivante et naturelle la grammaire et les actes de paroles contextuels et situationnels. Regardons comment dans l’épisode 2, on travaille sur les adjectifs possessifs singuliers. A partir de la vidéo (avec éventuellement l’aide de la transcription), on va faire un travail de repérage du corpus. En alternance, on fait une pause sur image pour identifier la situation, puis on va faire écouter les passages pour collecter les élements linguisitques qui vont constituer le corpus.

Questions de guidage pour obtenir le corpus :

Séquence 1 : pause sur l’image des parents de Julie.

Question : Qui est-ce?

Réponse attendue : C’est le père et la mère de Julie.

Consigne : Ecoutez et notez ce que dit Julie pour présenter son père et sa mère.

Réponse attendue : Benoît, je te présente ma mère ... mon père.

Séquence 2 : pause sur la chambre de Julie.

Question : Quelle est cette pièce ?

Réponse attendue : La chambre de Julie

Consigne : Ecoutez et notez ce que dit Julie pour présenter sa chamabre.

Réponse attendue :Voilà ma chambre.

Séquence 3 : pause sur le père de Julie

Question : De qui parle le père de Julie ?

Réponse attendue : de Pascal

Question : Qu’est-ce qu’il demande à propos de Pascal ?

Réponse attendue : il demande son prénom.

Question : Qu’est-ce qu’il dit ?

Réponse attendue : Le nouveau locataire , c’est Pascal son prénom ?

Séquence 4 : pause sur la chambre de Pascal

Question : Quelle est cette pièce ?

Réponse attendue : La chambre de Pascal

Question : Julie dit quoi pour présenter la chambre de Pascal ?

Réponse attendue : C’est sa chambre. (= la chambre de Pascal)

Séquence 5 : pause sur l’image du père de Julie avec Pascal

Question : Qu’est-ce qu’il propose de continuer ? Qu’est-ce qu’il dit ?

Réponse attendue : Continuez votre travail.

Séquence 6 : pause sur l’image du père de Julie dans la cuisine.

Question : Où veut-il manger ?

Réponse attendue : au restaurant

Question : Comment il demande s’il y a un restaurant?

Réponse attendue : Il y a un bon restaurant dans ton quartier ?

Avec les étudiants, on organise les éléments sous la forme d’un tableau afin de mettre en évidence les équivalences :

1ère personne : mon/ma

2ème personne : ton/ta/votre( politesse)

3ème personne : son/sa

Au tableau, le professeur peut faire la grille ci-dessous et la compléter progressivement avec la classe à l’aide de questions de guidage :

 

Propriétaire / personne

Objet fénimin

Objet masculin

Je

MA mère/MA chambre

MON père

Tu

 

TON quatier

Il/ Elle/ Pascal

SA chambre (la chambre de Pascal)

SON prénom

Nous

 

VOTRE travail

Vous

 

 

Ils/Elles

 

 

 

Guidage possible :

Question : De quelle chambre on parle ici ?

Réponse attendue : de la chambre de Pascal

Question : quel mot indique que c’est la chambre de Pascal ?

Réponse attendue : SA

Question : Et ici comment on indique que c’est le prénom de Pascal ?

Réponse attendue : avec SON

Question : Pourquoi les mots sont différents puisqu’on parle de la même personne, Pascal?

Réponse attendue : Parce que c’est UNE chambre et UN prénom.

Règle provisoire : quand l’objet est féminin on dit SA et quand l’objet est masculin on dit SON.

Attention, le corpus n’est pas complet, la forme TA n’apparaît pas. Pourtant il ne s’agit pas à ce stade d’exiger une règle complète et complexe mais bien d’encourager les apprenants à raisonner et à former des hypothèses.

Conclusion

Dans Reflets on crée un vécu motivant auquel les étudiants peuvent se référer pour assimiler le français comme expression d’une culture. Grace aux documents vidéo, les étudiants peuvent apprendre une langue vivante dans un contexte très précis et concret, cela leur permet de pouvoir réemployer ce qu’ils apprennent d’une façon plus adéquate. Grace aux documents vidéo, on peut faire entrer le monde extérieur dans la classe de langue, les apprenants peuvent connaître la France et aussi d’autre pays francophones.

L’introduction des documents télévisuels comme dans Reflets, est une pédagogie motivante, qui peut donner de l’oxygène au travail en classe. La télévision ajoute une autre voix à la classe et aide le professeur à transmettre des savoirs en français. Travailler avec ces documents permet d’acquérir des connaissances d’une manière à la fois sérieuse et ludique. On peut travailler non seulement les informations linguistiques mais aussi les informations extra-linguistiques (culture, civilisation, comportement non verbal etc.), on peut travailler la grammaire communicative dans une situation de communication ‘‘réelle’’, on peut travailler les différents registres de langue... Avec cette méthode, on fait comprendre aux apprenants que la langue française ne se réduit pas à un système abstrait de règles phonétiques, grammaticales ou lexicales. Elle est la manifestation d'une certaine vision culturelle du monde. Apprendre une langue étrangère c'est donc accepter de rencontrer une culture différente de sa culture maternelle. Alors que cette dernière est vécue de façon inconsciente, une culture étrangère nécessite d'être apprise et comprise de façon plus consciente, ce qui amènera en retour à devenir plus conscient de sa propre culture. Avec cette méthode, les étudiants forment aussi petit à petit leurs stratégies d’apprentissage et de compréhension. Comprendre, c’est construire du sens : à partir de ce que l’on comprend, on developpe des hypothèses sur ce que l’on ne comprend pas.

Certes, aucune méthode n’est parfaite, Reflets non plus. Surtout pour commencer, les apprenants trouvent souvent que dans chaque épisode, il y a trop de vocabulaire, difficile à digérer. C’est là un problème qui existe pour tout document authentique, car on a besoin d’un vocabulaire de base pour pouvoir communiquer dans la vie quotidienne sur des sujets divers.



Bibliographie :

[1] BERARD E., 1994, L’approche communicative, Coll DLE, Clé international.

[2] COMPTE C., 1993La vidéo en classe de langue, Hachette, coll. Autoformation.

[3] GERMAIN C. ,1993, Evolution de l’enseignement des langues : 5000 ans d’histoire, Clé international.

[4] LANCIEN T., 1998, Le multimédia, Clé international, coll. Didactique des langues étrangères, Paris.

[5] Cadre européen commun de référence pour les langues, 2001, Conseil de l’Europe, Didier.

[6] Guide Pédagogique de l’Alliance Française de Wuhan.








Edité par Yao Xiaodan

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