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(Avis d'invités) "Gagnant-gagnant" ou "perdant-perdant" : un débat qui appelle à plus de réflexion
Source : Xinhuanet 2024-02-27

BEIJING, 27 février (Xinhua) -- Dans un contexte de tensions géopolitiques et d'incertitudes économiques croissantes, la 60e édition de la Conférence de Munich sur la sécurité (CMS) s'avère être la réunion de toutes les craintes. "Perdant-perdant", tel est le mot d'ordre de son rapport, dans lequel l'élite occidentale ne cache plus son angoisse face à un monde de plus en plus dominé par le court-termisme et la compétition.

Souffrons-nous d'une mentalité de jeu à somme nulle ? Faut-il qu'il y ait des perdants pour que des gagnants émergent ? Le rapport a le mérite de poser les bonnes questions. Hélas, enfermé dans cette même logique de jeu à somme nulle, il n'est pas parvenu à prescrire le bon remède.

Toute bonne solution commence par une bonne identification des causes du problème. À la question de savoir d'où vient ce risque de "perdant-perdant", la Chine, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Wang Yi en tournée en Europe à l'occasion de la CMS, semble donner une réflexion et une analyse à la hauteur de l'enjeu et que l'on ne doit pas passer sous silence.

JEU À SOMME NULLE: "CE N'EST PAS LE REMÈDE, C'EST LE MAL"

Face au fait que "de nombreux gouvernements ne se concentrent plus sur les avantages absolus de la coopération mondiale, mais sont de plus en plus préoccupés par le fait qu'ils gagnent moins que d'autres", le rapport n'a pas tort de faire remarquer qu'"il est difficile d'imaginer comment un monde fragmenté (...) pourrait atteindre ses objectifs en matière de climat et de développement, promouvoir la résolution pacifique des conflits ou prévenir une autre pandémie mondiale".

Or, pour éviter cette fatalité, les auteurs n'ont fait qu'entonner le refrain de la "coopération entre les démocraties partageant les mêmes points de vue" et de la "concurrence avec les challengers autoritaires", tout en laissant entendre que seul un ordre mondial à l'occidentale permettra la prospérité de tous. Une pseudo-solution qui ne prône rien d'autre que le clivage idéologique, comme l'ont fait les États-Unis avec le fameux récit de "la démocratie contre l'autocratie". Comment pourrait-on stopper la fragmentation du monde avec plus de fragmentation?

Contrairement à cette vision binaire dont fait état le rapport pour décrire l'angoisse montante chez les décideurs politiques, comme en témoigne la déclaration choquante d'Antony Blinken : "Si vous n'êtes pas à la table, c'est que vous êtes au menu", le ministre chinois a appelé au rejet de la division et à la solidarité, en reprenant la métaphore du gâteau. Il a signalé que si, au lieu de chercher à "agrandir le gâteau", on se préoccupe uniquement de "réduire la portion des autres", on risque de finir par "bloquer son propre chemin".

DÉCOUPLAGE : UNE SOLUTION DE FACILITÉ

Dans un contexte où les pays commencent à reconsidérer la coopération économique internationale en accordant une importance excessive à la sécurité, le rapport a été clair sur le coût qui ne sera pas négligeable. "Les politiques de sécurité économique pourraient dégénérer en guerres commerciales de grande ampleur, qui démoliraient l'ordre commercial multilatéral et alimenteraient les tensions géopolitiques", alerte le rapport avant d'affirmer que cela ne pourrait pas non plus marcher du point de vue de l'efficacité, car "un découplage complet des concurrents stratégiques dans la chaîne d'approvisionnement des semi-conducteurs est peu possible", sans parler des conséquences désastreuses pour la planète avec "des technologies vertes plus chères et le ralentissement de la transition".

Une fois de plus, la lucidité est dominante quand il s'agit de soulever les questions, et non de prescrire des remèdes. C'est l'ambiguïté qui prend place. Le rapport se contente de mettre en valeur l'équilibre à trouver entre "la recherche de gains relatifs et la coopération pour des bénéfices absolus plus grands". Un équilibre qui est tout sauf garanti avec "l'Amérique d'abord" qui se déguise à peine en appels à la pérennisation du "leadership mondial des États-Unis" dans le discours de la vice-présidente américaine Kamala Harris à la conférence.

Contrairement à ceux qui cherchent à "faire trébucher les autres" plutôt qu'à "courir plus vite", le ministre chinois a quant à lui appelé à l'ouverture et à l'inclusion, dans l'intérêt du progrès et de la prospérité de long terme du monde.

CONFRONTATION DES BLOCS : UN RÉFLEXE FONDÉ SUR L'OCCIDENTALO-CENTRISME

Enfin, concernant la création de "petits cercles" sous couvert du multilatéralisme, le rapport semble là aussi dans l'incapacité de trancher, dans la mesure où il n'a pas oublié de valoriser la "flexibilité" de cette "approche plus fragmentaire" avant de mettre en garde contre la possibilité qu'elle "empêche les pays de coopérer sur des sujets où des coalitions larges sont nécessaires". En effet, de plus en plus de pays sont désormais conscients que la confrontation des blocs, en créant des clivages et en forçant à choisir un camp, ne pourra que perturber l'effort collectif pour relever les défis planétaires et sauvegarder la paix et le développement.

Pourquoi cette indécision? L'occidentalo-centrisme n'y est sans doute pas pour rien. Face à un ordre mondial centré sur l'Occident qui est devenu de plus en plus difficile à maintenir, les pays occidentaux se sont rendu compte qu'il est aujourd'hui nécessaire d'accepter un monde multipolaire décentralisé et de traiter les pays non occidentaux sur un pied d'égalité, sauf qu'ils ne sont pas encore parvenus à s'accommoder de l'impératif de renoncer à leur centralité du monde. Voilà pourquoi le rapport propose, en substance, de maintenir la suprématie occidentale au nom de ce que l'on appelle l'ordre mondial fondé sur des règles, en présentant les autres comme "puissances révisionnistes", donc des ennemis.

Quand on a les yeux fixés sur les différences, on ne voit plus les points communs qui sont plus que jamais à valoriser dans un monde divisé. Voilà pourquoi la Chine plaide toujours pour la coopération et non la confrontation, sachant que la paix et le développement, aspiration commune de tous, sont un ciment de loin plus fort que les calculs géopolitiques égoïstes.

La solidarité et non la division, l'ouverture et non le repli sur soi, la coopération et non la confrontation. Telle est la solution "gagnant-gagnant" que propose la Chine qui se contraste avec le remède "perdant-perdant". C'est d'ailleurs précisément dans cet esprit qu'elle avait avancé sa vision de la communauté d'avenir partagé pour l'humanité, tout comme l'Initiative la Ceinture et la Route, l'Initiative pour le développement mondial, l'Initiative pour la sécurité mondiale et l'Initiative pour la civilisation mondiale qui sont, sans exception, ouvertes à tout le monde et bénéfiques à tous ceux qui y participent.

Le débat à Munich laisse certes de nombreuses questions ouvertes, mais il est sans doute un bon début pour plus de réflexions sérieuses qui sont absolument nécessaires pour l'avenir de nous tous. Fin

Yi Da est un spécialiste en relations internationales basé à Beijing.

Edité par:Zhao Xin
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