L’Association
des jeunes chinois de France (AJCF) a publié une annonce fin 2012, déclarant
qu’elle avait mandaté SOS Racisme, une association antiraciste de France pour
intenter un procès contre Le Point pour « diffamation envers les Chinois en
France » suite à la publication d’un article insultant pour leur image.
Cet
article titré L’intrigante réussite des Chinois en France a été publié dans
l’édition du 23 août de l’hebdomadaire. L’article comprenait un grand nombre de
termes tels que « prostituée », « mafia », « jeux » et décrivait « le mode
d’emploi du succès » du Chinois type ainsi : « débarqué clandestinement en
France... travaille illégalement dans un restaurant... Trois ans plus tard,
paye la dette... Au bout de dix ans, obtient une carte de séjour... Au bout de
quinze ans, devient entrepreneur ». Cette publication a indigné grandement les
Chinois de France. L’AJCF a déclaré dans son annonce que cet article recelait
un racisme évident et avait exercé une influence pernicieuse sur la société,
ajoutant qu’elle poursuivrait en justice le directeur de la publication.
Pourquoi
cet article a-t-il tellement ému la communauté chinoise ? Pourquoi un média
français a-t-il pu faire un tel reportage ? Avant d’y répondre, passons en
revue la situation des Chinois en France.
L’état actuel des Chinois en France
Ils sont plus de
400 000 en France et se divisent principalement en trois catégories : anciens
réfugiés, travailleurs de Wenzhou, étudiants. Premièrement, au milieu et à la
fin des années 70, pour fuir les guerres d’Indochine, 140 000 Chinois d’Asie du
Sud-Est partaient se réfugier en France. Deuxièmement, depuis les années 80,
des jeunes des provinces du Jiangsu et du Zhejiang, parmi lesquels dominaient
les gens de Wenzhou, sont allés en France pour chercher du travail. Ils sont
maintenant 130 000. Troisièmement, à tout moment, il y a un nombre important de
Chinois qui partent étudier en France. Au début, c’étaient principalement des
étudiants soutenus financièrement par le gouvernement. Avec le développement
économique de la Chine, les étudiants non boursiers ont été de plus en plus
nombreux et ont dépassé en nombre les boursiers. Aujourd’hui, les étudiants
chinois constituent un groupe considérable. Par ailleurs, depuis les années 90,
des travailleurs licenciés des anciennes bases industrielles du Nord-Est de la
Chine sont allés chercher du travail dans des pays riches. Un petit nombre
d’entre eux ont mis le cap sur la France.
Par conséquent,
il y a une grande différence entre les Chinois de France quant à la raison de
leur présence, l’age, la profession, le statut économique et social ou encore
le niveau d’instruction.
Pour chacune de
ces catégories, l’existence était différente. Les Chinois venus d’Asie du
Sud-Est furent les premiers immigrés. Ils sont arrivés en France sans un sou et
leur premier souci était de nourrir la famille. Ils connurent le modèle de
développement suivant : travailler péniblement et vivre frugalement... Après
avoir accumulé un certain montant, lancer un commerce comme une épicerie ou un
restaurant... Après s’être implanté solidement, agrandir le commerce ou
investir dans d’autres domaines. Les gens de Wenzhou eurent un mode d’existence
et de développement similaire à celui des premiers immigrés. Mais ils se
caractérisent davantage par la solidarité, le soutien mutuel et le partage des
bénéfices entre les gens originaires du même lieu. Les ouvriers licenciés
originaires du Nord-Est de la Chine sont quant à eux pour la plupart
relativement agés et moins qualifiés. Beaucoup d’entre eux travaillent en tant
que coiffeur ou cuisinier. Une petite partie des femmes d’age moyen sont
devenues des filles des rues. Les étudiants chinois sont le groupe le plus
dynamique. Après la fin des études, nombre d’entre eux restent en France pour
travailler ou créer leur entreprise. Ils sont actifs dans les différents
secteurs économiques et sociaux de France.
Le degré
d’intégration varie aussi. Les premiers immigrés étaient relativement fermés et
s’étaient moins intégrés dans la société française en raison du bas niveau
d’instruction, de l’obstacle de la langue et d’un contexte culturel différent.
Ils ont formé une communauté chinoise repliée sur elle-même. Une partie d’entre
eux a bien réussi dans les affaires et est entrée dans les rangs de la classe moyenne.
Certains savants ou artistes parmi eux sont entrés dans l’élite de la société
française.
Les Chinois de
la nouvelle génération, surtout les étudiants, sont bien différents des
premiers. Ils sont bien instruits, parlent le français et font divers métiers.
Ils entrent plus profondément en contact avec la société française et s’y
intègrent mieux que les premiers immigrés. Une partie relativement grande a
connu un beau développement dans son domaine particulier et remporté le succès.
Ils sont très différents des premiers immigrés, qui avaient commencé à partir
de zéro, dans la conception de la vie et du monde, le mode de vie et le statut
social.
D’où proviennent les préjugés
En comparaison
avec les immigrés d’autres ethnies, les Chinois en France, qui ont hérité de la
tradition de la nation chinoise, ont de nombreux points forts. Ils sont
travailleurs, modestes et prudents et font attention à l’éducation des enfants.
Les Chinois, quelle que soit la période où ils sont arrivés en France, comptent
sur leurs propres efforts dans la vie, jamais sur l’assistance de l’état. Ils
ont apporté leur contribution au développement économique de France. Citons
l’exemple de Belleville à Paris. Au début des années 1970, c’était encore un
quartier miteux et désert. Avec l’arrivée des Chinois, qui s’y sont installés
et ont travaillé dur, Belleville est devenu un quartier dynamique et prospère
dans le commerce. En outre, les Chinois sont généralement très discrets et
indulgents, et n’ont jamais provoqué de troubles. En revanche, des immigrés
d’autres ethnies profitent du système de protection sociale français. Ils ont
donné naissance à de nombreux enfants en se reposant sur la politique familiale
généreuse de la France, mais ne s’acquittent pas de leur obligation d’élever
leurs enfants. Cela cause des dangers latents dans l’ordre public.
J’ai visité des
amis chinois en France. Parmi eux il y a des étudiants dans la vingtaine, des
immigrés septuagénaires, des intellectuels, des cadres d’enteprises, des
travailleurs peu instruits. Ils sont unanimes à penser que la société française
et les médias ont certains préjugés contre les Chinois. Les immigrés de
l'ancienne génération en particulier insistent sur le fait que les Chinois sont
toujours le groupe le plus assidu et le plus respectueux de la loi parmi les
ethnies étrangères de France. Pendant une période relativement longue, la
société française était amicale envers les Chinois. Elle lui était reconnaissante
de n’avoir jamais créé le chaos dans la société française. Mais depuis cette
dernière décennie, les médias ont souvent fermé les yeux sur les qualités des
Chinois mais exagéré délibérément leurs défauts. Ils ont fixé leur attention
sur certains Chinois en particulier en ignorant les autres et ont fait des
reportages partiaux. Cette publication de Le Point en est un exemple flagrant.
Ce phénomène
s’explique principalement par le changement en cours dans le rapport des forces
entre états depuis ces dix dernières années. Dans le contexte de la
mondialisation économique, la Chine et d'autres pays émergents ont connu un
développement rapide, tandis que les anciens pays industrialisés dont la France
ont décliné de jour en jour. Les difficultés économiques ont engendré un
sentiment xénophobe en France. Les Français, qui se trouvent dans une situation
désavantageuse dans la compétition mondiale, attribuent souvent leurs problèmes
aux pays en développement et aux immigrants qui servent de bouc émissaire.
L’attitude indulgente et amicale envers les immigrants, qui existait dans la
période de prospérité économique, s’est muée en discrimination, en hostilité et
en rejet, parallèlement à la détérioration de l’économie. C'est aussi la raison
pour laquelle le parti d'extrême-droite xénophobe, le Front national, s’est
développé rapidement ces dernières années et est devenu le troisième plus grand
parti de France. L’ancien président Nicolas Sarkozy, dans la campagne
présidentielle, avait aussi utilisé la carte de l’immigration pour gagner des
voix. Quant à la Chine, elle est un chef de file parmi les pays émergents et se
trouve temporairement dans une situation avantageuse par rapport à la
concurrence mondiale. Les Chinois, qui n’avaient pas retenu beaucoup
l’attention, sont tout à coup passés au premier plan. Les Français ne
comprennent pas la Chine et ont peur d’elle. Ils pensent que les Chinois leur ont
arraché leur emploi. Toutes sortes d’assertions sur la « menace chinoise » se
sont fait jour. Les Chinois sont devenus l’objet des attaques des médias et des
politiciens.
Plus de communication pour une meilleure compréhension mutuelle
Objectivement,
un petit nombre de Chinois en France font face à certains problèmes, comme
l'absence de statut juridique et un travail au noir. La communauté chinoise
doit regarder ces questions en face et les corriger. En réalité, elle est
disposée à accepter toutes les critiques et la supervision bienveillante et
constructive de la société française, à moins d’une cécité sélective montrée
par les médias.
Il est à noter
que certains prétendus problèmes des Chinois sont en fait des différences
culturelles. Par exemple, dans la tradition chinoise, le travail acharné est
une vertu. Mais les Français mettent l'accent sur l’accord entre le travail et
le repos. On ne doit donc pas prendre le travail acharné des Chinois pour une
forme de compétition malveillante et d’attention exclusive à l'argent, pas plus
que les Chinois ne doivent accuser les Français d’être paresseux et hédonistes.
Pour ces différences culturelles, plus de compréhension et de communication
permettent d'éliminer les malentendus et les préjugés : d’autre part, les
Chinois doivent respecter les traditions culturelles du pays, et les Français
doivent, sur la base de la compréhension de la culture traditionnelle chinoise,
aider les Chinois à comprendre la culture française, au lieu de seulement les
blamer.
La société
française et les médias devraient examiner leurs fautes. « Aucune nation n’est
parfaite, ni la Chine, ni la France. La France ne doit pas attribuer sa
situation difficile d’aujourd’hui à la Chine. En d’autres termes, les
difficultés d’aujourd’hui en France ne sont pas causées par les Chinois. Il
faut trouver la cause chez soi-même, au lieu de décharger sa colère sur
d’autres. En effet, les immigrés chinois font partie de la famille en France.
Tout le monde doit conjuguer ses efforts pour surmonter les difficultés », a
déclaré l’ancien premier ministre français Jean-Pierre Raffarin, au séminaire
La Chine au lendemain du 18e Congrès du Parti communiste chinois qui s'est tenu
le 10 décembre 2012 à Paris, et qui était coparrainé par la Fondation Jean
Lecanuet, le groupe de l'Union centriste du Sénat et la revue France Forum.
Dans le monde
d’aujourd’hui, la dépendance mutuelle entre les pays et entre les peuples se
renforce, la société française doit abandonner ses préjugés étroits envers les
Chinois. Seuls des efforts conjugués permettront de sortir le pays de la crise.
Edité par Yao Xiaodan