Les diaolou, maisons fortifiées de village de Kaiping, bâties sur plusieurs étages, témoignent d’une fusion complexe et flamboyante des formes structurelles et décoratives chinoises et occidentales. Elles sont le reflet du rôle significatif que jouèrent les émigrés de Kaiping dans le développement de plusieurs pays en Asie du Sud, en Australasie et en Amérique du Nord à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Il y a quatre groupes de diaolou dont une vingtaine de bâtiments ont été inscrits sur la Liste. Il existe trois types de bâtiments : les tours communautaires construites par plusieurs familles et utilisées comme refuges temporaires, les tours résidentielles construites par de riches familles à des fins résidentielles et défensives, et les tours de guet. Fabriqués en pierre, en pisé, en brique ou en béton, ces édifices symbolisent la fusion complexe et réussie des styles architecturaux chinois et occidentaux. Harmonieusement intégrés dans le paysage environnant, les diaolou représentent l’épanouissement de traditions locales – nées sous la dynastie des Ming – en matière de construction visant à se défendre contre les bandits.
Les diaolou et les villages alentour ont une valeur universelle exceptionnelle pour leur fusion complexe et audacieuse entre les styles architecturaux chinois et occidental ; pour leur épanouissement ultime des traditions locales de construction de tours ; pour leur état complet et inaltéré, grâce à leur courte durée de vie en tant qu'habitations fortifiées et à leur relatif abandon ; et pour leur relation harmonieuse avec le paysage agricole.
Critère (ii) : Les diaolou représentent en termes physiques spectaculaires un échange important de valeurs humaines - des styles architecturaux ramenés d'Amérique du Nord par les Chinois de retour au pays et fusionnés avec les traditions rurales locales - dans une aire culturelle déterminée du monde.
Critère (iii) : La construction de tours défensives était une tradition locale dans la contrée de Kaiping depuis l'époque Ming, en réponse au brigandage local. Les diaolou proposés pour inscription représentent l'épanouissement final de cette tradition, la richesse ostensible des expatriés chinois de retour au pays contribuant au développement du brigandage et leurs tours constituant une réponse extrême.
Critère (iv) : Les tours principales et leur cadre, par leur étalage flamboyant d'opulence, reflètent le rôle important que jouèrent les émigrés de Kaiping dans le développement de plusieurs pays d'Asie du Sud, d'Australasie et d'Amérique du Nord à la fin du XIXe et au début du XXe siècles, de même que les liens durables entre la communauté de Kaiping et les communautés chinoises dans ces régions du monde.
Les biens proposés pour inscription sont à l'évidence complets et intacts, dans la mesure où tous les éléments qui expriment leurs valeurs sont toujours en place ; la taille de chacun des sites est appropriée, toutes les caractéristiques et les processus exprimant leur signification étant pleinement représentés, dans les tours et les villages alentour, avec leurs petites maisons et leurs terres agricoles. Les diaolou proposés pour inscription, les maisons de village alentour et le paysage agricole sont tous authentiques, à part certaines maisons dans le village de Sanmenli.
Depuis 2001, tous les diaolou sont protégés en tant que monuments nationaux en vertu de la loi de protection des reliques culturelles de 1982 ; ils sont également couverts par des réglementations provinciales et municipales. Une zone tampon a été établie. L'état actuel de conservation des diaolou est bon. L'état de conservation des maisons du village et du paysage agricole est raisonnable. Aucun chantier de conservation de grande envergure n'a été entrepris. Néanmoins, des réparations mineures, replâtrage ou travaux sur les stucs décoratifs, par exemple, sont réalisées si nécessaire, et les interventions inappropriées réalisées sur les édifices ont été réparées. L'université de Beijing a dressé un plan de gestion pour le bien proposé pour inscription, sous les auspices du gouvernement populaire de Kaiping. Les objectifs de ce plan, mis en œuvre en 2005, couvrent les diaolou, les villages et leur cadre.
À la période Han (255 av. J.-C.-220 apr. J.-C.), les Han des plaines centrales de Chine commencèrent à s'installer dans la région et à se mélanger aux Yue, cultivateurs de riz et pêcheurs. Des peuplements basés sur des regroupements par clans émergèrent, disposés selon les principes du feng-shui, et avec des maisons en adobe ou en brique cuite et en bois.
À partir du XVIe siècle, en réponse à la multiplication des raids des bandits venus du Nord en suivant les rivières jusqu'à la région, et à de fréquentes et terribles inondations, les villageois commencèrent à construire des tours fortifiées, connues sous le nom de diaolou. Citons pour exemple Yinglong Lou, dans le village de Sanmenli. Après la création du comté de Kaiping en 1649, la sécurité de la région s'améliora grandement, et les diaolou construits sous la dynastie Qing furent rares : Kaiping signifie « Début de la paix ». À partir du milieu du XVIe siècle, de nombreux villageois se lancèrent dans le commerce depuis la côte toute proche, naviguant à bord de jonques de bois jusqu'à l'Asie du Sud-Est. En 1839, un pauvre fermier quitta son village pour partir s'installer en Amérique. Ce fut le début d'un important flux migratoire de gens attirés d'une part par le travail dans les mines d'or et sur les chemins de fer, et poussés d'autre part par une situation de plus en plus difficile chez eux, du fait de la guerre contre les migrants Hakka venus du nord et d'un essor démographique qui avait entraîné des disettes. Des milliers de villageois de Kaiping quittèrent la zone, pour se rendre à Macao et à Hong Kong, puis de là aux États-Unis, au Canada et en Australie. En Amérique du Nord, les immigrants durent accepter des postes impliquant un rude travail manuel. Néanmoins, à la fin du XIXe siècle, la communauté chinoise avait commencé à amasser des économies, et après la Première Guerre mondiale, avec la rapide expansion économique dans de nombreux pays, la fortune des Chinois de la diaspora s'accrut régulièrement. Ils ne pensaient pas cependant avoir réussi à obtenir la reconnaissance sociale pour leur contribution au développement des pays où ils avaient choisi de vivre. Ils en vinrent à rêver de contribuer au bien-être des villages de leurs ancêtres, ou de retourner y vivre, et beaucoup le firent en construisant d'éminentes maisons-tours.
Cet afflux de gens fortunés attira l'attention des bandits du Nord qui se livrèrent à des raids, à des vols et des enlèvements. Entre 1912 et 1930, on enregistra 71 incidents de cette nature. Les nouvelles maisons devaient être construites comme des tours de défense. La diaspora chinoise contribua aussi à la construction des tours communautaires et des tours de guet dans la plupart des villages. Sur les 1 833 diaolou de Kaiping, 1 648 furent édifiés entre 1900 et 1931, juste un peu moins de 90 % du total. Dans la même période, la majorité des villages furent construits ou reconstruits. Dans un bref laps de temps - 30 ans - les fonds apportés par la diaspora chinoise transfigurèrent totalement le paysage rural de Kaiping.
La Grande Dépression des années 1930, la guerre contre le Japon et la guerre du Pacifique dans les années 1940 mirent un coup de frein au développement. Entre 1943 et 1947, le contrôle de l'immigration aux États-Unis et au Canada fut aboli, et de nombreux Chinois repartirent donc en Amérique du Nord. Après l'établissement de la République populaire de Chine en 1949, le brigandage cessa et des mesures de contrôle des inondations furent mises en place : les diaolou perdirent leur rôle. Dans les années 1980, après que la Chine se fut de nouveau ouverte, de nombreux villageois quittèrent la région. Aujourd'hui, beaucoup des diaolou sont vides, entretenus par des gardiens, mais toujours considérés par les membres de la diaspora chinoise comme leur demeure spirituelle, où ils retournent pour les fêtes de famille ou versent des fonds pour que des prières soient dites pour leurs ancêtres. Certains possèdent toujours la totalité de leur mobilier et de leurs aménagements d'origine.
Les villages et les terres agricoles avoisinants s'inscrivent encore aujourd'hui dans une économie rurale active. Les maisons de village, les rizières, les bambouseraies et les collines de pâtures reflètent des schémas et des pratiques du paysage rural peut-être vieux de plus d'un millénaire.
Source : évaluation des Organisations consultatives