La pragmatique, étude de l'utilisation du langage dans la communication, se concentre sur la relation entre les signes et leurs interprètes (utilisateurs). Avec les avancées technologiques continues en intelligence artificielle (IA) et en modèles linguistiques de grande taille (LLMs), les capacités des ordinateurs à utiliser et générer le langage se sont rapidement développées, soulignant une question cruciale : comment résoudre les nombreux défis pratiques liés à l'usage du langage dans le dialogue humain-machine pour répondre à la demande croissante d'interactions de ce type ? Le développement d'une nouvelle pragmatique humain-machine pourrait offrir des solutions prometteuses.
Contexte de la pragmatique humain-machine
Aujourd’hui, les systèmes de dialogue humain-machine sont largement déployés dans divers secteurs tels que le commerce de détail, la banque, la santé, l'éducation, la recherche et le service client. Depuis l'introduction du concept d'« interaction humain-machine » (human-computer interaction, HCI) par Stuart K. Card et ses collaborateurs en 1980, la recherche théorique sur le dialogue humain-machine a évolué au-delà des aspects techniques pour intégrer des dimensions sociales et humanistes, les sciences de la communication contribuant activement à ce domaine.
De 2002, lorsque la chercheuse américaine Ayse Pinar Saygin et le chercheur turc Ilyas Cicekli ont réalisé la première analyse pragmatique des dialogues humain-machine, à 2024, année où les chercheurs chinois Quan Zhi et Chen Zhiwei ont introduit le terme de « pragmatique humain-machine », les travaux scientifiques se sont concentrés sur plusieurs enjeux clés : le débat sur la nécessité et la faisabilité d'une recherche pragmatique appliquée au dialogue humain-machine, la réalisation d'analyses préliminaires de certains phénomènes pragmatiques, et l'évaluation des capacités pragmatiques des LLMs.
À l'heure actuelle, la pragmatique humain-machine en est encore à ses balbutiements, comme en témoignent : le manque de spécificité et de focalisation systématique des objets de recherche, l'adaptation limitée des paradigmes pragmatiques classiques, et l'absence d'un cadre théorique cohérent.
Voies de développement de la pragmatique humain-machine
Le développement d'une nouvelle pragmatique humain-machine pourrait suivre une trajectoire débutant par la recherche empirique, progressant vers la construction théorique, et culminant avec l'application. Ce domaine émergent recouvre quatre grands axes de recherche.
Analyse des phénomènes pragmatiques et des erreurs dans le dialogue humain-machine : Premièrement, les chercheurs pourraient étudier les caractéristiques des phénomènes pragmatiques dans le discours généré par ordinateur (tels que la signification, la présupposition et la donnée informationnelle, les actes de parole, la référence, la cohérence et le contexte), en les comparant au discours humain pour explorer les schémas d'interaction et d'adaptation mutuelle. Deuxièmement, les travaux pourraient analyser l'expression émotionnelle, la politesse, l'humour, la rhétorique, les dynamiques de pouvoir et les schémas cognitifs dans le discours automatisé, en les confrontant à nouveau à la communication humaine afin de mieux cerner leurs convergences et divergences. Troisièmement, il s'agirait d'identifier les erreurs pragmatiques liées à ces phénomènes (noyaux et macroniveaux), d'en diagnostiquer les causes (limites algorithmiques, lacunes contextuelles, etc.), et de concevoir des solutions correctives. Les chercheurs pourraient observer : les réponses humaines, les autoréglages des systèmes, et les processus d'ajustement interactif.
Comparaison des performances et capacités pragmatiques des LLMs représentatifs chinois et étrangers : Premièrement, une comparaison entre les dialogues humain-machine et les dialogues interpersonnels peut être établie en exploitant des corpus pertinents. Deuxièmement, les chercheurs pourraient évaluer des LLMs chinois et internationaux représentatifs selon trois dimensions : les phénomènes pragmatiques fondamentaux, les thématiques pragmatiques macroscopiques, et les caractéristiques discursives et conversationnelles. Les différences observées pourraient être analysées à travers les cadres théoriques de la pragmatique classique, du développement des LLMs et de la compétence communicative, permettant une évaluation systématique des forces et faiblesses de chaque modèle.
Construction théorique de la pragmatique humain-machine : Premièrement, en analysant comment les dialogues humain-machine respectent ou s'écartent des principes pragmatiques classiques, les chercheurs pourraient formuler des principes pragmatiques spécifiques à ces interactions. Deuxièmement, une synthèse des résultats permettrait d'établir un cadre théorique pour la pragmatique humain-machine, extensible à des modalités non linguistiques et à des scénarios dépassant la conversation quotidienne.
Applications de la pragmatique humain-machine : Premièrement, il s'agirait d'identifier les problématiques pratiques rencontrées par le public dans les dialogues quotidiens avec les systèmes automatisés, puis de développer des solutions ciblées et des programmes de sensibilisation des utilisateurs. Deuxièmement, les défis auxquels font face les concepteurs d'interfaces humain-machine pourraient être résolus pour favoriser la création d'applications plus intuitives et adaptées aux besoins humains. Troisièmement, les chercheurs pourraient contribuer à clarifier les attentes des organismes de régulation et des associations professionnelles, éclairant ainsi l'élaboration de politiques publiques et de cadres de gouvernance éthique.
Le développement de la pragmatique humain-machine revêt des implications théoriques et pratiques majeures. D'une part, il répond aux besoins sociétaux et aux stratégies nationales de l'ère de l'IA, en offrant des perspectives pour soutenir les gouvernements, les industries et le grand public dans le déploiement avancé des technologies d'interaction humain-machine, ainsi que dans le renforcement de leur régulation et de leur gouvernance. D'autre part, il élargit la pragmatique interpersonnelle classique dans le domaine de l’interaction humain-machine, favorisant ainsi une intégration interdisciplinaire et faisant progresser le développement des « nouvelles humanités et sciences sociales ».
Liu Xingbing est professeur à la Faculté d'anglais des affaires de l'Université des Études internationales du Sichuan.