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Inscrire les échanges et l'apprentissage mutuel des civilisations chinoise et française sous le signe de l'épanouissement —— Histoire de trois experts français
Source : Chinese Social Sciences Today 2024-05-12

Le 3 mai 2024, plus de 100 experts et chercheurs chinois et français apparentés à divers groupes de réflexion, des universités et des instituts de recherche, ont convergé à Paris pour se réunir autour d'un dialogue culturel sino-français dans le cadre d'un colloque intitulé "Échanges et enrichissement mutuel des civilisations chinoise et française : rétrospectives et perspectives". Cet événement, co-organisé par l'Académie des Sciences sociales de Chine (ASSC) et l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), s'est décliné en trois parties : "Pratique et témoignage des échanges civilisationnels", "Rétrospectives et réflexions sur l'enrichissement mutuel des civilisations", et "Innovation scientifique et technologique et avenir de la civilisation humaine".

Lors de la cérémonie d'ouverture de ce colloque, deux académiciens et un expert français de la culture bien connu ont témoigné de leurs profonds liens d'amitié et de coopération avec la Chine, et ainsi rappelé une expérience du partage visant à inscrire les échanges et l'apprentissage mutuel entre civilisations sous le signe de l'épanouissement, et ajouter une nouvelle pierre à l'édifice historique du développement des relations sino-françaises. Car, non seulement importe-t-il que la Chine et la France se souviennent et chérissent cette histoire de la réciprocité, il est également impérieux de la faire progresser pour assurer un nouvel avenir au développement des relations bilatérales.

Professeur Henry de Lumley : Praticien de l'archéologie conjointe sino-française


Henry de Lumley

Lors du colloque est intervenu Henry de Lumley, professeur de 90 ans et président de l'Institut français de Paléontologie humaine, Correspondant de l'Académie des Sciences et de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Professeur d'honneur et ancien directeur du Muséum national d'Histoire naturelle. Il a évoqué le souvenir ému de l'histoire des 110 années de la coopération sino-française dans le domaine de l'archéologie paléolithique, et de ses presque 50 années d'interaction personnelle avec ses homologues chinois. Il a tenu à féliciter le sentiment d'accomplissement et de fierté qui accompagne tous ceux qui ont œuvré à la promotion du travail archéologique conjoint sino-français.

La coopération entre la Chine et la France dans le domaine de l'archéologie repose en effet sur des fondements solides. Dès 1914, le muséologue, géologue, paléontologue et archéologue français Emile Licent est venu en Chine et y a découvert les premiers plus anciens fossiles humains de Chine, à savoir les fossiles de l'homme de Hetao, ainsi que la première pièce d'outils en pierre taillée, ouvrant ainsi la voie à l'archéologique paléolithique en Chine. Par la suite, des archéologues français tels que Pierre Teilhard de Chardin et Henri Breuil sont venus en Chine pour prendre part aux recherches sur le site de l'homme de Pékin à Zhoukoudian, et associés au premier groupe d'archéologues paléolithiques chinois tels que Pei Wenzhong, Jia Lanpo et Hu Chengzhi, ils ont ensemble créé cette arche, promise à un brillant avenir, de la coopération sino-française dans le domaine de l'archéologie.

Dans son discours, M. Lumley a rappelé que depuis 1980, il a travaillé avec des collègues chinois tels que Li Yanxian et Gao Xing, et qu'il a noué une profonde amitié avec plusieurs générations d'archéologues chinois. Depuis cette intronisation, le professeur Lumley est revenu presque chaque année en Chine pour poursuivre ses recherches et voyager à travers tout le pays, « privilège envié par les diplomates français en Chine », a-t-il souligné.

M. et Mme Lumley ont constamment fait preuve d'une promotion active de la recherche archéologique conjointe sino-française. L'épouse du professeur Lumley, également paléoanthropologue française réputée, s'est également jointe aux travaux archéologiques conjoints sino-français à la fin des années 1970 et s'est rendue à plusieurs reprises en Chine sur divers sites anciens d'occupation humaine. En outre, le professeur Lumley qui a souhaité inviter des archéologues chinois à multiplier les visites et les échanges en France, a joué un rôle de mentor auprès d'un certain nombre d'étudiants chinois dont beaucoup, après avoir obtenu un doctorat en archéologie paléolithique en France, sont devenus professeurs d'archéologie en Chine, et peuvent être considérés à juste titre comme le pilier de la recherche archéologique conjointe sino-française.

Durant son discours, M. Lumley a également passé en revue l'évolution de l'archéologie conjointe sino-française au cours des 50 dernières années. Il a précisé que l'archéologie paléolithique, creuset de nombreuses disciplines, associe aussi bien les archéologues que les géologues, les zoologistes ou les botanistes des deux pays. M. Lumley a également vanté le travail et les accomplissements de ses homologues chinois, beaucoup d'entre eux étant chercheurs invités dans divers instituts de recherche tels que le Muséum national d'Histoire naturelle de France, en vue d'étudier avec des experts français les sites à hominidés anciens en France. Grâce à leurs efforts conjoints, les chercheurs chinois et français sont parvenus à réaliser une étude plus complète et plus minutieuse de l'environnement naturel, des outils de production et des vestiges matériels de ces sites patrimoniaux, tout en démontrant systématiquement leur valeur historique.

En 2004, le professeur Lumley et ses collaborateurs chinois ont organisé conjointement l'exposition « Premiers hommes de Chine » au Musée de l'Homme à Paris, où étaient présentés les fossiles d'hominidés chinois, y compris l'Homme de Pékin, et des artefacts connexes, suscitant un accueil chaleureux en France. Par la suite, en 2017 et 2020, le professeur Lumley a publié avec des chercheurs chinois deux monographies en français qui présentaient respectivement le site de l'homme Yunxian dans le Hubei, et le site paléolithique du bassin de Baise dans le Guangxi. Aujourd'hui, M. Lumley, dont la passion pour la coopération archéologique sino-française ne s’est jamais démentie, s'est à nouveau rendu début 2024 dans le Hubei pour conclure un accord avec ses homologues chinois sur l'étude conjointe des artefacts en pierre du Paléolithique inférieur découverts sur les hautes terrasses de la rivière Han. Il prévoit dans un proche avenir de coéditer une monographie en chinois et en français pour détailler les derniers résultats de ses recherches.

Professeur Alain Le Pichon Promoteur infatigable de la compréhension transculturelle


Alain Le Pichon

Le professeur Alain Le Pichon est un célèbre anthropologue français, président fondateur de l'Institut international TRANSCULTURA. Né dans une famille noble française en 1942, beaucoup parmi ses aînés et ses frères ont fait le choix de rejoindre les cercles de la politique ou de l'armée. Il est le seul de sa phratrie à s'être engagé dans la recherche académique.

Durant les années 1970, il a rencontré le sémioticien italien Umberto Eco avec lequel il a tout de suite sympathisé et coopéré pour s'investir dans la recherche transculturelle. Tous deux insistent sur les contraintes liées aux barrières culturelles, aux préjugés, à l'arrogance et à l'ignorance, et sur le fait que chacun devrait au contraire librement disposer d'une perspective « transculturelle » et "regarder vers l'est". Embrassent délibérément cette projection transculturelle, Alain Le Pichon a mis en valeur le concept d'anthropologie réciproque. Il soutient que le monde a besoin de plus de anthropologues qui voyagent entre l'Occident et le non-Occident, et préconise que les anthropologues du "tiers monde" écrivent des ethnographies de l'Occident, afin que les non-Occidentaux puissent devenir des chercheurs de l'Occident.

A la fin des années 1980, le professeur Le Pichon a entamé une coopération avec des experts chinois, notamment les professeurs Tang Yijie et Le Daiyun de l'Université de Pékin avec lesquels il a cofondé la revue Dialogue Transculturel. Depuis les années 1990, il a également développé une coopération avec des académiciens chinois tels que Zhao Tingyang, Wang Mingming, Huang Ping. En 2019, le professeur Le Pichon et Zhao Tingyang ont publié un recueil de correspondance coécrit en chinois et en français intitulé Un Dieu ou tous les dieux : L'ombre du monothéisme.

Durant les années 1980, le professeur Le Pichon et Umberto Eco ont fondé en France l’Institut international TRANSCULTURA qui leur a permis de s'affirmer comme les chefs de file de la recherche transculturelle. Le professeur Le Pichon a mis en avant le primat des échanges et la coopération avec les académiciens chinois comme rouage indispensable à la promotion des échanges culturels et à l'apprentissage mutuel entre les civilisations chinoise et française. Dans la deuxième décennie du XXIe siècle, le professeur Le Pichon accompagné d'académiciens chinois a participé à l'organisation des quatre forums culturels de haut niveau Chine-UE. Le Premier ministre chinois et le président de la Commission européenne de l'époque avaient tous deux assisté à la cérémonie d'ouverture du premier Forum culturel de haut niveau Chine-UE à Bruxelles le 6 octobre 2010, et prononcé un discours. Le deuxième Forum culturel de haut niveau Chine-UE s'est tenu en 2011 au Musée du Palais de Pékin. Le troisième s'est tenu en 2012 au Musée du Louvre à Paris et le quatrième s'est tenu au siège de l'APEC à Pékin en 2014.

Avec la place de plus en plus importante accordée à la transculturalité, et à la notoriété grandissante du professeur Le Pichon et de chercheurs de l'Académie des Sciences sociales de Chine tels que Zhao Tingyang, Huang Ping, ces dernières années, la réalisation d'un projet transculturel de premier plan, à savoir la compilation d'un " Dictionnaire transculturel des malentendus ", a été rendue possible. Le premier volume de la version anglaise du dictionnaire comprend 34 entrées, chaque entrée comportant une « Perspective chinoise » rédigée par un chercheur chinois, une « Perspective européenne » rédigée par un chercheur européen, et un « Résumé du dialogue » coécrit par les deux chercheurs. Dans cet ouvrage, les auteurs commencent par préciser les dimensions historiques et académiques des unités terminologiques, et retracent la relation référentielle entre un terme et un concept spécifique tel qu'elle est appréhendée dans sa propre tradition culturelle. Ils exhument de plus l'évolution sémantique des différentes entrées, tout en essayant d'offrir en écho un dialogue empreint de d'intercompréhension, et d'examiner les significations, les erreurs de traduction et les malentendus qui ont émaillé le partage de certains concepts clés de la philosophie et des sciences sociales au croisement des échanges transculturels entre la Chine et l'Europe.

Dans le colloque "Échanges et enrichissement mutuel des civilisations chinoise et française : rétrospectives et perspectives", le professeur Le Pichon a récapitulé son expérience et ses connaissances en matière de recherche transculturelle et l'histoire de ses échanges avec les académiciens chinois. Il en a également profité pour descendre de la tribune et dévoiler aux participants le Dictionnaire transculturel des malentendus. Il a tenu à rappeler que la recherche transculturelle représentait la carrière de toute sa vie, mais surtout un cadre et instrument important pour promouvoir les échanges et un dialogue fécond entre la Chine et l'Europe.

Professeure Marianne Bastid-Bruguière : Témoin consciencieux des échanges amicaux entre la Chine et la France


Marianne Bastid-Bruguière

La professeure Marianne Bastid-Bruguière est une célèbre sinologue française, Membre de l'Académie des sciences morales et politiques. Née en 1940, ses parents étaient tous deux également académiciens à l'Académie des sciences, et professeurs de droit. En 1951, à l'âge de 11 ans, Mme Bastid-Bruguière rencontre un élève de sa mère, Hu Honglie, étudiant chinoisqui lui fait découvrir le charme de la culture chinoise. C'est le début d'une relation profonde entre elle et la Chine car depuis cette rencontre initiale, la professeur Bastid-Bruguière, fascinée par l'histoire et l'écriture chinoises, a choisi d'embrasser la carrière d'historienne de la Chine. Elle affirme être actuellement débordante d'attentes et de confiance concernant le développement de la Chine.

La professeure Bastid-Bruguière est un témoin précieux de l'établissement et du développement des relations sino-françaises après la fondation de la Chine nouvelle. La Chine et la France ont établi des relations diplomatiques en 1964, à l'époque, la professeure Bastid-Bruguière rédigeait une thèse sur l'histoire moderne de la Chine. De 1964 à 1965, elle a visité la Chine pour la première fois, et a enseigné la langue et la littérature françaises à l'Université de Pékin. De 1965 à 1966, elle y a été  chercheuse invitée. En 1966, elle a commencé à étudier l'histoire de la Chine au Centre national de la recherche scientifique. Se souvenant de cet événement passé, elle a remémoré avec nostalgie que l'Université de Pékin n'offrait pas à cette époque de cours de langue et qu'elle ne pouvait compter que sur le dictionnaire pour apprendre le chinois.

La professeure Bastid-Bruguière possède une connaissance approfondie de l'histoire des échanges sino-français. Déjà dans les années 1980, la professeure Bastid-Bruguière  avait suggéré que les sinologues européens prêtent davantage attention à la continuité historique et développent un sens aigu de la caractérisation des cultures associé à un haut niveau de compétences linguistiques. Elle a souligné que les chercheurs étudiant la Chine contemporaine doivent adopter une approche interdisciplinaire et s'appuyer sur des méthodes de recherche issues de l'histoire, de l'économie, de l'anthropologie et d'autres disciplines pour approfondir leur expertise sur la société chinoise.

La professeure Bastid-Bruguière est artisane et ardente promotrice des échanges culturels amicaux entre la Chine et la France. Dans les années 1960, après son arrivée en Chine, la professeure Bastid-Bruguière a noué des liens profonds avec plusieurs historiens de l'Université de Pékin. Afin de bénéficier d'une aide académique, en 1965, elle a écrit à M. Zhang Zhilian, alors professeur au Département d'histoire de l'Université de Pékin et l'un des fondateurs de la recherche historique de la France en Chine nouvelle. Après avoir communiqué avec M. Jian Bozan, alors directeur du Département d'histoire de l'Université de Pékin à l'époque, M. Zhang Zhilian a demandé à M. Shao Xunzheng, qui avait précédemment étudié en France, de bien vouloir exercer le rôle de mentor auprès de Mme Bastid-Bruguière, qui a exprimé alors avoir depuis toujours tenu en grand respect et éprouvé une profonde gratitude pour M. Zhang Zhilian et M. Shao Xunzheng. Lors du symposium organisé en 2018 pour commémorer le centenaire de la naissance de M. Zhang Zhilian, elle a célébré la sagesse, la culture intellectuelle, la vivacité d'esprit et l'art de la conversation en anglais et en français de M. Zhang. Les savoirs, la culture et la philosophie de l'ancienne génération d'érudits chinois ont profondément influencé les recherches de la professeure Bastid-Bruguière. 

La professeure Bastid-Bruguière s'est toujours engagée à promouvoir les échanges académiques entre la Chine et la France. Dès les années 1980, elle est nommée professeur honoraire au département d'histoire de l'Université de Pékin et a été invitée à plusieurs reprises pour donner des conférences en Chine. Alors qu'elle était vice-présidente de l'École Normale Supérieure de Paris, elle a invité de nombreux universitaires de l'Université de Pékin à enseigner en France. Aujourd'hui encore,  Mme Bastid-Bruguière nourrit des contacts fréquents et approfondis avec des historiens chinois, notamment des spécialistes chinois de l'histoire de France, et accueille chaleureusement promotion après promotion de jeunes universitaires partis en France dans le cadre d'échanges académiques.

Lors du colloque, durant son discours, la professeure Bastid-Bruguière est revenue avec émotion sur l'histoire de ses échanges nourriciers avec la Chine, et s'est émerveillée du formidable développement et des mutations en Chine.

(Recueil, arrangement des manuscrits et mise à disposition des images : Bureau de la coopération internationale, Académie des Sciences sociales de Chine) 
 
Traduit par Yao Xiaodan et Zhao Xin
Edité par:Zhao Xin
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