BEIJING, 30 avril (Xinhua) -- Dans l'enceinte calme et studieuse de l'Ecole normale supérieure de l'Est de la Chine (ECNU), à Shanghai, une question brûlante anime une salle de classe où l'on étudie la tradition littéraire : l'intelligence artificielle (IA) est-elle en passe de redéfinir les frontières de la traduction littéraire ?
Devant un écran interactif diffusant des modèles linguistiques complexes, la professeure Yuan Xiaoyi, directrice de l'Institut Si-Mian pour les études avancées en sciences humaines de l'ECNU et traductrice renommée possédant près de 30 ans d'expérience dans la traduction des grands auteurs de la littérature française du XXe siècle, engage un débat vital avec ses étudiants.
"Les technologies d'IA, telles que la traduction automatique neuronale, ont considérablement accru notre capacité à traduire rapidement de vastes volumes de textes", explique Mme Yuan devant une audience de jeunes esprits curieux.
"Cependant, peuvent-elles réellement saisir et reproduire les subtilités émotionnelles et culturelles que seul un humain peut percevoir ?". Cette interrogation capte l'essence du débat, où l'enjeu n'est pas seulement technique, mais touche au cœur même de la créativité humaine.
En discutant des dernières avancées des modèles linguistiques, Mme Yuan illustre comment ces outils ont bousculé la compréhension traditionnelle de la traduction, tout en soulignant leurs limites.
"L'IA peut soutenir le traducteur dans des tâches répétitives, mais les défis les plus complexes, notamment ceux requérant une profonde compréhension contextuelle et émotionnelle, restent hors de sa portée", explique-t-elle.
Le rapport 2024 sur le développement de l'industrie de la traduction en Chine, cité par Mme Yuan lors d'une interview récente accordée à l'Agence de presse Xinhua, révèle une croissance significative du secteur, signe de l'augmentation de la demande en services de traduction spécialisés.
"Cette croissance est stimulée par la technologie, mais la valeur ajoutée d'un traducteur humain reste incontestée, surtout dans des domaines spécialisés comme l'interprétation simultanée ou la traduction littéraire", ajoute-t-elle.
La traduction littéraire, souligne Mme Yuan, est une activité unique qui allie la conversion linguistique à une forme de création transculturelle et transhistorique. "Les traducteurs littéraires ne se contentent pas de traduire des mots ; ils recréent des mondes, souvent en résonance avec les auteurs et immergés dans des contextes qui enrichissent profondément le texte final."
Face aux défis posés par les innovations technologiques, Mme Yuan encourage ses étudiants à ne pas craindre l'avenir, mais à l'embrasser en intégrant les outils modernes tout en préservant les méthodologies traditionnelles. "Notre mission est de trouver un nouvel équilibre entre l'ancien et le nouveau, pour mieux transmettre et enrichir notre culture à travers le monde."
En conclusion, Mme Yuan reste optimiste quant à l'avenir de la traduction littéraire. "Bien que les technologies comme DeepL offrent des performances remarquables, l'essence de notre travail, qui réside dans la subtilité, la sensibilité et l'interprétation créative, ne peut être entièrement codifiée."
Elle insiste sur l'importance de former les futurs traducteurs à utiliser ces technologies comme des outils qui complètent leur expertise, plutôt que comme des substituts. "C'est ainsi que nous continuerons à raconter des histoires qui résonnent avec authenticité à travers les cultures."